La Légende du Soleil et de la Lune

24.

Le lendemain, je rejoins les princes pour le petit-déjeuner. Le roi n'a pas pu être présent, il a quelque chose d'urgent à faire. Adriel semble bouillir de rage à l'intérieur, il doit être en colère à cause d'hier, et au contraire, son frère ne montre aucune émotion mais semble relativement calme.

- Qu'avez-vous fais hier, Aeryn ? Me demande-t-il enfin.

Il était resté silencieux un long moment, la question le démangeait sûrement.

- Je suis partis voir mon amie.

- C'est tout ? N'était-ce pas une question de vie ou de mort ?

- Oui... mais je ne peux pas te le dire. Répondis-je.

Adriel fronce les sourcils, mécontent de ma réponse. Je peux sentir la tension grandir dans la pièce.

- Est-ce que je dois comprendre de cela que tu lui as raconté notre... intimité ?

Je secoue la tête, répondant à la négative. Je ne peux pas lui dire qu'Eliza sait tout, autrement il risque de se débarrasser d'elle. Alors je n'ai d'autres choix que de mentir.

- Bien. Dit-il simplement en saisissant ses couverts. 

Le reste du petit-déjeuner se déroule dans un silence tendu. Chacun de nous est perdu dans ses pensées, essayant de dissimuler les émotions qui bouillonnent en nous. Je sais que je devrais être prudente, que chaque mot et chaque action peuvent avoir des conséquences inattendues.

J'ai eu peur pendant un instant que le prince Kaelan lui parle de Leif, de comment il m'a vu prendre un autre homme qu'Adriel dans mes bras.

Je ne pense pas qu'il lui ait déjà dit, sinon Adriel ne serait pas aussi calme. Il est énervé, certes, mais je sais que cette information l'aurait rendue fou de rage.

- D'ailleurs, petit frère, je ne l'ai jamais demandé mais comment vous êtes vous rencontrés ? Je veux dire, ta fiancée n'est pas véritablement ton type de femme, alors... Lui demande le prince Kaelan. 

Adriel serre les poings, son visage trahissant une légère crispation. Je peux voir qu'il se retient de répondre avec colère.

- Je l'ai vu dans l'hôpital où elle travaillait, puis on s'est aimé. Dit-il sans grandes envies.

Adriel n'avait clairement pas envie de parler, sinon il aurait sûrement élaboré son histoire encore plus, créant un véritable conte de fées. Je ne peux m'empêcher de rouler discrètement des yeux.

 Je tourne ensuite ma tête vers le prince Kaelan. Mon cœur rate un battement lorsque je remarque qu'il me regardait déjà. Un frisson parcourt mon échine alors que nos regards se croisent brièvement. Je détourne rapidement les yeux, essayant de reprendre mon calme.

- Intéressant. Dit-il d'une voix grave. 

Sa voix résonne dans l'air, et je sens mon cœur s'emballer davantage. Je me demande ce qu'il pense, ce qu'il sait. Est-ce qu'il a deviné mes véritables sentiments envers Adriel ? Enfin, je ne pense pas qu'il puisse deviner la situation qui m'a poussé à me fiancer avec son frère, mais je pense qu'il peut deviner ce que je ressens réellement.

Il est déjà sur la bonne voie, en questionnant la véracité de cette relation. Cependant, ce n'est qu'une impression, peut-être qu'il joue simplement avec moi. Peut-être qu'il est du côté de son frère. Que son impassibilité n'est qu'un masque... J'ai tendance à oublier qu'il est le méchant, le prince que tout le monde redoute.

- Qu'y a-t-il d'intéressant ? Demande Adriel.

- Tu détestes les hôpitaux, Adriel. C'est presque comme si tu la cherchais.

Je tourne brusquement la tête vers le prince Kaelan, mon cœur battait rapidement. Aurait-il des suspicions à mon propos ? La tension est palpable, et le prince semble apprécier le malaise qu'il a créé.

- Je cherchais la guérisseuse pour père, puis je l'ai rencontré par hasard. Répond Adriel froidement.

- Et tu ne l'as pas trouvé ? Étrangement, plus personne ne la cherche.

J'écoute leur conversation, le cœur tremblant de panique. Le prince Kaelan est intelligent, il ne se contente pas des apparences, il questionne autant l'intérieur que l'extérieur et je crains qu'il ne finisse par découvrir qui je suis. Si, bien-sûr, il ne le sait toujours pas.

Mais en y réfléchissant, je ne vois pas ce que peut faire le prince s'il découvre que je suis la guérisseuse. Les intentions de leur père sont évidentes... mais lui ?

- Pourquoi voulez-vous trouver cette guérisseuse ? Lui demandé-je.

- Pour la protéger, me répond Adriel. Elle est précieuse pour nous.

- Pour la tuer, me dit le prince Kaelan en me fixant dans les yeux, me débarrasser d'une personne que le roi peut utiliser.

Je reprends tous mes mots. Le prince est pire que le roi. Il est impératif qu'il ne sache pas qui je suis. Et d'une certaine manière, chacune de leur réponse représente la façon dont ils sont perçus par les gens du peuple.

Je prends une profonde inspiration pour calmer mes nerfs, gardant un visage impassible malgré le tumulte qui se déroule en moi.

Adriel me lance un regard comme pour me dire qu'il n'est pas le plus pire des deux. Que lui, au moins, n'a pas révélé mon secret et qu'il ne compte pas me faire du mal. Enfin... il m'a fait du mal d'une autre manière, et il semble l'oublier.

Mais moi, je n'oublie pas. Et si je n'avais pas utilisé mon pouvoir pour guérir psychologiquement, mon état serait catastrophique.

- Vous aussi, vous avez un pouvoir. Dis-je faiblement. Pourquoi vouloir prendre sa vie alors qu'elle est comme vous ?

Le prince Kaelan se lève de sa chaise et s'approche de moi. Il se baisse à ma hauteur, ses yeux toujours fixés dans les miens. Je peux sentir à des kilomètres la colère d'Adriel à mes côtés.

- Pourquoi la défends-tu autant ? Serais-tu la guérisseuse ? Dit-il doucement.

- N... Non. Je, uhm, je ne suis pas pour cette cruauté. N'est-ce pas assez ?

Adriel, à bout, se lève et rapidement, il éloigne son frère de moi. Pendant un instant, j'ai eu l'impression que les murs se refermaient sur moi, que l'air m'était limité. Lorsque le prince est loin, je reprends petit à petit ma respiration.

- Ma fiancée a un bon cœur, tu devrais prendre exemple. Dit Adriel froidement.

Le prince rit d'un ton sarcastique, puis petit à petit, il s'éloigne, se rapprochant de la sortie. Mais avant de disparaître complètement, sans savoir à qui il s'adresse véritablement, il lance à voix haute :

- Auparavant, le diable était au rang des anges.