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Je continuais à guérir le prince silencieusement, mais sans que je ne le vois venir, il remonte ses mains lentement le long de mon bras jusqu'à mes coudes. Il m'attrape ensuite soudainement par les bras et me tire vers lui. Je lâche un hoquet de surprise, avant de me rendre compte que je suis tout proche de lui.

- N'est-ce pas plus simple de guérir, en étant plus proche ? Demande-t-il en souriant.

Je hoche la tête, gênée. Mon cœur bat à une vitesse folle, et je dois être toute rouge. Son regard me brûle la peau, et une vague d'électricité parcourt mon corps.

Mes mains continuent de guérir sa blessure, mais mon esprit est troublé par la proximité du prince. Je sens son souffle chaud caresser mon visage, créant une tension palpable entre nous. Les battements de mon cœur s'intensifient, amplifiant cette sensation étrange.

Le prince Kaelan se rapproche encore plus, nos visages à quelques centimètres l'un de l'autre. Son regard pénètre dans le mien, rempli d'une intensité troublante. Une part de moi veut reculer, se soustraire à cette proximité déconcertante, mais une autre part, plus audacieuse, est attirée par l'inconnu et la promesse de l'interdit.

- Aeryn... murmure-t-il d'une voix rauque. Tu mérites terriblement mieux que mon frère.

Son souffle effleure mes lèvres, provoquant des frissons le long de ma colonne vertébrale. Les battements de mon cœur résonnent dans mes oreilles, étouffant tout autre son. Je suis hypnotisée par ses yeux.

- Mon prince... dis-je doucement. Que faites-vous ?

- Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler ainsi, Aeryn, dit-il d'une voix submergée, maintenant, subis les conséquences.

Il amène une main à l'arrière de mon crâne, sur ma nuque, et m'attire vers lui. Sans que je n'ai eu le temps de réaliser quoi que ce soit, ses lèvres étaient sur les miennes. Je ne recule pas, submergée par tant d'émotions. Il ne relâche pas sa prise, et je crois que je n'en ai pas envie. Il sourit contre mes lèvres, alors que je sens mes jambes faiblir.

Une image d'Adriel me vient à l'esprit, me faisant flancher. 

- Me tromper avec mon propre frère, hein ? Ton crime n'a qu'une seule punition, dit-il en sortant son poignard, la mort.

Je me libère brusquement de l'étreinte du prince Kaelan, reculant avec précipitation. La réalité me frappe de plein fouet, m'arrachant à l'emprise de l'instant présent. La panique me gagne, alors que mes jambes reculent, reculent, reculent sans cesse.

La mort.

La mort, Aeryn !

- Non...

Je vais te tuer, Aeryn !

La mort. Mort. Mourir. Tu vas mourir. Dans la douleur.

Ma respiration s'accélère. J'ai l'impression que le monde va s'écrouler sur moi. La paix intérieure que j'ai ressentie après ce baiser me met encore plus en colère contre moi-même. Dégoûtée. Et effrayée.

Comment ai-je pu laisser faire ça ? Pourquoi n'ai-je pas mis de distance entre lui et moi quand il m'a tiré vers lui ?

- Aeryn, calme toi... Dit-il en s'approchant de moi.

- Me calmer ? Dis-je, la voix tremblante. Comment puis-je me calmer ?!

Il soupire. Je sens sa culpabilité à travers ses yeux, une culpabilité qu'Adriel n'a jamais ressentie. Je ne veux pas être en colère contre lui, je veux être en colère contre moi. J'ai appris des leçons sur la tromperie, comme celle du premier roi du royaume et de sa belle-sœur, mais je ne suis pas parvenu à l'empêcher.

- Je suis terriblement désolé... dit-il avec regret. Je... c'était une erreur. J'étais en colère contre Adriel et je voulais le blesser, alors...

- Alors vous n'avez rien trouvés de mieux que de m'embrasser ? Demandé-je, doucement.

Je réalise que je ne suis qu'un jeu entre deux frères. L'un veut m'utiliser pour avoir le trône et l'autre... en fait, l'autre me veut aussi pour le trône. Pour embêter son frère, mais aussi pour garder le trône pour lui.

- Vous n'avez pas pensé aux conséquences, n'est-ce pas ? Dis-je, blessé. 

- Il n'y aura pas de conséquences... personne ne nous a vus. Me répond-il.

- Et si je ne vous avais pas arrêté ? Lui demandé-je. Et si cela ouvrait d'autres portes entre nous ? Et si l'un de nous tombait amoureux ? Pourrions-nous le cacher ? Personne ne le verrait ? Savez-vous ce qui m'arriverait ?

Il détourne le regard, n'osant pas répondre. Que Dieu nous en préserve, ce fou d'Adriel tuerait mon père, Eliza et sa famille, même tout mon village, tous ceux que j'ai salués, tous ceux à qui j'ai souri et parlé, puis après avoir vu tout le monde mourir, ce serait mon tour.

Une mort lente et douloureuse serait mon destin.

- Bien sûr, vous le savez. Dis-je, ironiquement. Vous savez quoi ? Je vous ai guéri, et maintenant, faites comme si je n'avais jamais existé. Ne vous approchez plus de moi, et si vous le pouvez, retournez à la guerre. 

Je lui tourne alors le dos, et sors de sa chambre. Il n'a rien dit, n'a pas tenté de me rattraper. Ai-je réagi de manière excessive ? J'ai l'impression que oui. Mais je n'ai pas pu me contrôler. Je m'en veux de ne pas avoir voulu qu'il me laisse partir. S'il n'y avait pas eu ce "rêve"... jusqu'où étais-je prête à aller ? Ma peur pour lui, l'anxiété que j'ai ressentie quand il est parti, la paisible sensation que j'ai eue quand il est revenu ont obscurci ma raison.

Mes jambes me conduisent jusqu'à ma chambre, et tout ce à quoi je pouvais penser était : comment le reverrais-je après cela ? Serai-je capable de me comporter comme si ses lèvres n'avaient jamais été sur les miennes... ? Comme si je n'en avais pas envie ?

Je rentre dans ma chambre, sentant mon cœur lourd. Tout me semble si sombre. Je m'effondre sur le canapé, mes pensées se bousculant dans ma tête. Inconsciemment, je repasse mon doigt sur mes lèvres, et mon ventre se noue. 

Je ne devrais pas me laisser distraire aussi facilement, surtout lorsque ma mission est aussi compliquée et dangereuse. Je n'ai pas le luxe de me rater, un échec et c'est une mort assurée. Je dois garder en tête que tout ce que je vis sera simplement pour une courte durée. Bientôt, Adriel, le roi et le prince Kaelan seront bien loin derrière moi.

Très loin.

La Légende du Soleil et de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant