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Je fais les gros yeux, et respire de plus en plus rapidement en croisant le regard du prince. Et pour une quelconque raison, sa prise sur mon dos se serre de plus en plus.

- Tu étais terriblement silencieuse ce soir, que s'est-il passé ? Me demande-t-il, la voix basse.

- Rien... dis-je, hésitante. Tout va bien.

Il ne me croit pas, il me regarde comme s'il essayait de lire dans mes pensées. Je ne veux pas lui dire que je suis terrifiée à l'idée qu'il parte, parce que... pourquoi le serais-je ?

- Tu peux tout me dire, tu sais... dit-il doucement.

Sa voix est si tentante, si douce... J'ai presque envie de m'y perdre. Comme si je n'étais qu'une chose faible et cassable, et qu'il essayait de me dompter. De lui faire confiance. C'est peut-être un piège... et j'y suis tombé.

- J'ai besoin d'une promesse, dis-je d'une petite voix.

- Quelle promesse ?

- Que... Que vous allez revenir, que vous ne mourrez pas. Dis-je, timidement.

Un sourire se dessine aux coins de ses lèvres. Il recule, me libérant enfin de son emprise. Je ressens une certaine froideur à l'endroit où ses mains étaient posés sur moi... la chaleur s'en est allée avec eux.

- Je te le promets, dit-il en souriant, je reviendrai.

Je ressens un certain soulagement. Il a promis... alors il va tenir sa promesse. Il a déjà tenu sa promesse auparavant, je ne doute donc pas.

- Tu es trop pure... trop pure pour ce monde, murmure-t-il.

J'ai l'impression que mon cœur est en train de me lâcher. Je ne peux pas rester tranquille quand il me dit des choses pareilles. Et son regard... son regard est si intense que je dois tout faire pour que mon cœur résonne et ne se rapproche pas de lui.

Ce serait une terrible erreur. Pour moi. Pour lui. Pour tout le monde.

- Quand... Quand partez-vous ? Demandé-je.

- A l'aube, me répond-il, lorsque tout le monde sera endormi.

- ... Je serais réveillée. Dis-je, doucement.

Il me sourit, vraisemblablement ravi de ma réponse. C'est trop tôt. Il ne reste plus que quelques heures avant son départ. Et j'aurais aimé qu'il me le dise plus tôt, avant le dîner, de sorte à ce que je me prépare mentalement. De sorte à ce que l'on ait plus de temps...

- Alors j'attendrai que tu me salues depuis ton balcon, avant mon départ. Me dit-il d'une douce voix. Tes prières m'accompagneront.

Je l'espère. Je ne cesserais de prier pour lui jusqu'à ce que je le revois devant moi. Je m'éloigne de lui, et va chercher quelque chose dans mes tiroirs. J'en sors un collier dans une sorte de petite pochette, puis je m'approche à nouveau du prince.

- Ce collier appartenait à ma mère, dis-je en le lui tendant le collier, et elle devait me l'offrir de ses propres mains mais elle n'a pas pu... 

Il prend le collier en main, me regardant avec confusion. 

- Je voudrais que vous le gardiez, dis-je doucement.

Il regarde longuement le collier, l'étudie, puis lève le regard sur moi, surpris.

- C'est un collier rare... dit-il en fronçant les sourcils, je ne peux pas le garder.

Il me le tend à nouveau, mais je le force à le garder dans ses mains en fermant son poing et gardant ma main sur la sienne.

- Gardez-le, répété-je, et rendez-le moi à votre retour. Alors... Si vous ne trouvez pas de raison de revenir, que ce collier en soit une.

Il me regarde longuement puis hoche la tête en mettant le collier dans sa poche. Un échange silencieux s'installe entre nous, chargé d'émotions indescriptibles. Je sais que le moment de partir est venu pour lui, afin qu'il puisse se préparer avant son départ à la guerre.

- Et... Je ne sais pas si les rumeurs sont vraies, mais s'il vous plaît, épargnez les innocents.

Il semble surpris par ma demande, car je ne pense pas avoir déjà abordé ce sujet devant lui. J'ai toujours cru à ces rumeurs, mais depuis que j'ai découvert qui était vraiment Adriel, j'ai commencé à douter. Et j'ai douté encore plus depuis ces derniers jours.

- Je dois partir, dit-il finalement.

J'acquiesce. Je ne veux pas qu'il pense que je m'inquiète, donc je tente d'avoir l'air neutre alors qu'il s'approche de la porte. Sans regarder en arrière, il ouvre la porte et s'en va, laissant derrière lui un vent glacial.

Je pars m'asseoir sur le canapé, me prenant plusieurs tasses de cafés pour ne pas que je m'endorme... Je veux dormir, je veux ne pas tenir cette promesse pour cette fois. Je veux qu'il regarde vers mon balcon et vois que je ne suis pas là, et qu'il comprenne que nous devons mettre de la distance entre nous.

Mais je ne peux pas.

Je ne peux pas me résoudre à le faire. Parce que... Même si nous ne nous le disions pas, nos yeux nous ont dit à quel point ils avaient besoin de se voir. J'en ai besoin autant qu'il en a besoin. 

Et s'il meurt là-bas ?

Rien que d'y penser, j'en ressens un profond malaise et une grande douleur, comme si mon cœur avait été poignardé plusieurs fois. Vais-je pleurer si j'apprends une telle nouvelle ? Le pleurerai-je, comme une veuve pleure son mari ? Non... Non, je ne pleurerai pas.

C'est un meurtrier. Un criminel. Un prince cruel. Il n'a même pas démenti les rumeurs quand j'en ai parlé. En fait, il est parti juste après, comme s'il voulait éviter cette conversation.

J'aurais aimé qu'il le nie...

Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Était-ce si difficile de dire "non, je ne l'ai pas fait" ? Et s'il l'a fait, en avait-il honte ? Il n'a pas l'air d'être quelqu'un qui peut faire une chose qu'il sait qu'il va regretter. Ou peut-être veut-il prendre son temps... Ne pas précipiter cette conversation.

Parce que c'est vrai. C'est quelque chose dont on discute pendant plusieurs heures, il a peut-être voulu prendre son temps pour tout expliquer avec des détails et des preuves, juste pour éviter tout malentendu.

Ah... Il faut que j'arrête de trop réfléchir. Il va partir, puis revenir, et nous aurons tout le temps de discuter et de nous expliquer.

Aussi longtemps qu'il vivra, c'est tout ce que je veux. 

La Légende du Soleil et de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant