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Il s'approche de moi, réduisant l'espace entre nous. Je tente de reculer légèrement, mais il m'en empêche. Il m'attrape par la taille, et je lâche un hoquet de surprise.

- C'est injuste qu'un homme comme mon frère ait pu avoir une telle bénédiction... 

J'essaie de détourner le regard, mais je n'y arrive pas. Est-ce vraiment une bénédiction ? Parce que tout ce que je ressens, c'est que c'est une malédiction. Mais le prince ne le sait pas. Il sait que je n'aime pas son frère et que j'ai sans doute été forcée d'accepter ces fiançailles, mais je ne pense pas qu'il sache ce qui s'est réellement passé.

Que ferait-il s'il le savait ?

- Je sais que tu appartiens à un autre, mais je ne peux pas te laisser partir. Soupire-t-il. 

- Nous ne savons pas où cela va nous mener, dis-je d'une petite voix.

- Est-ce que c'est censé m'arrêter ? Un jour, nous comprendrons ce qui nous arrive... en attendant, nous devons chercher des réponses.

Je soupire. Je ne peux pas cacher que j'ai peur. Nous ne le disons pas, mais si l'un de nous ait des sentiments pour l'autre, tout sera sacrément difficile. 

- Aeryn, ne pouvons-nous pas tout oublier et profiter simplement de notre compagnie ?

Je n'ai plus besoin de m'entêter, alors je hoche la tête. Quel est le pire qui puisse arriver ? Je vais partir de toute façon. Soit je resterai en bons termes avec lui lorsqu'il deviendra roi, soit je resterai caché jusqu'à la fin de mes jours.

- Nous pouvons. Je suppose que je vais devoir vous faire entièrement confiance désormais.

Il laisse échapper un petit rire, toujours en me regardant. Pourvu que cela ne se termine pas avec un cœur brisé. Mais pour le temps que je passerai au palais, que ce soit un temps où je ne me souviendrai pas seulement de la douleur.

Peut-être, juste peut-être, si je m'échappe et que je réussis à fonder une famille, je parlerai de lui à mes enfants. Comment le bon prince a aidé leur mère à un moment où elle en avait besoin. Et bien, s'il reste bon avec moi tout le long du chemin.

Avant de dire quoi que ce soit d'autre, le prince fouille dans sa poche pour y trouver quelque chose. Je le reconnais quand il le sort, mon collier. Il me le tend en me regardant dans les yeux.

- J'ai tenu ma promesse, dit-il en souriant. En fait, j'en ai tenu deux.

- Deux ? Répété-je.

- Le gendre de Safiya. Je l'ai rencontré quand j'étais là-bas, et je l'ai renvoyé chez lui, comme promis.

Mes yeux s'illuminent, tout comme mon sourire. Je ressens le besoin de le serrer dans mes bras, mais je me retiens avec difficulté.

- Vous n'avez pas oublié ! M'exclamé-je, heureuse.

Il me répond par un sourire. Il donne de plus en plus de raisons de lui faire confiance petit à petit. Si tout cela n'est qu'une façade, je serai effondrée. J'espère donc qu'il est sincère, même s'il semble n'avoir aucune mauvaise intention, contrairement à Adriel. Tout me semble si juste chez lui...

- Maintenant, je vais te faire une autre promesse, dit-il en souriant. Tu voulais croire qu'il y avait une partie blanche en moi, une partie intacte du mal. Je crois que je l'ai. Et je te montrerai d'où elle vient, je te le promets.

- Maintenant ? Demandé-je, curieuse.

- Non, rit-il, pas maintenant. Adriel et le roi sont sur mon dos, si jamais je t'emmène hors du palais, ils me suivront. Et je ne peux pas prendre ce risque maintenant. Sois patiente, d'accord ?

J'acquiesce. Cette affaire m'intrigue de plus en plus. Me parlera-t-il de son passé ? Non... Non, je ne crois pas. Il a commencé à s'ouvrir à moi, mais je ne pense pas qu'il soit encore prêt à s'ouvrir de plus en plus, et à mettre tous ses secrets à nu.

- Je vous fais confiance, dis-je en souriant, sentez-vous chanceux que je le fasse.

- Et bien, Dame Aeryn, je me considère en effet chanceux.

Il me fixe longuement et je sens la chaleur monter à mes joues. Je n'arrive pas à comprendre ce qui se passe, c'est comme si c'était la première fois que je voyais la lumière dans une vie où l'obscurité est devenue si habituelle... Et j'ai peur. J'ai peur de toucher cette lumière même si elle semble pouvoir me guérir.

Et si cette lumière était un leurre ? Un feu ? Et si elle me brûlait, me blessait ? Et si je n'étais pas faite pour voir et apprécier cette lumière ? Des questions, des questions, des questions et des doutes.

Mais j'ai l'impression qu'un soupçon de cette lumière a étreint mon âme lorsque sa main a touché la mienne. Sa main est très virile, les veines ne se cachent pas, à première vue, on pourrait croire qu'il s'agit de mains destinées à tuer, pas à toucher, pas à aimer, pas à être douces.

Mon Dieu, je me sens si mal et pourtant si bien.

- À quoi penses-tu? me demande-t-il, me forçant à sortir de ma rêverie.

- Rien, murmuré-je, ne pouvez-vous pas lire dans mes pensées pour le savoir ?

- Les pensées sont censées être privées. Si tu n'en parles pas et que tu ne les partages pas avec moi, qui suis-je pour m'en mêler ? Dit-il d'un ton doux.

 J'essaie à nouveau de lutter contre l'envie de me rapprocher de lui, mais la volonté de mon cœur est plus forte que la mienne. J'avais envie de l'embrasser à nouveau, de sentir à nouveau le goût de ses lèvres, mais j'essaie de satisfaire mon cœur par une simple étreinte. La sensation n'est pas la même, mais cela suffira pour l'instant.

Et sans grande surprise, il me rend mon étreinte. En fait, il me serre beaucoup plus fort, comme s'il avait peur de me laisser partir. Il a peut-être raison. Je devrais arrêter de me poser des questions et laisser les choses se faire. Si c'est dans mon destin, je le vivrai. Si j'arrive à être discrète, personne ne le saura. C'est pourquoi je ne le dirai même pas à Eliza.

Peu importe ce que c'est, ce n'est qu'un secret pour lui et moi.

La Légende du Soleil et de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant