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Le prince Kaelan est revenu plusieurs fois à l'hôpital sous ordres du roi, jusqu'à ce fameux jour où il m'a enfermé avec lui dans les vestiaires. Je me mets à paniquer, à chercher quoi que ce soit avec lequel je pourrais me défendre. Et il remarque ma panique.

- Je ne te ferais pas de mal, m'assure-t-il. Je veux simplement parler seul à seule.

Je reste tout de même loin de lui, je ne peux pas prétendre que je ne connais pas les rumeurs sur lui. Il peut très bien mentir.

- Pourquoi n'avoues-tu pas être la guérisseuse ? Me demande-t-il.

Je fais les gros yeux. Il s'approche lentement, me coinçant entre lui et le mur. Ma respiration s'accélère, et mes yeux ne quittent pas les siens.

- Je ne le suis p-, nié-je.

Il me coupe en posant son doigt sur ma bouche, comme pour me demander de me taire.

- Ne me ments pas, Aeryn. Souffle-t-il. Je connais ton petit secret dès la première fois que l'on s'est vu. L'énergie qui amène de toi n'est pas très discrète.

- ... Ne me faites pas de mal, s'il vous plaît. Le supplié-je. Épargnez mon père aussi. Je guérirais votre père, mais ne nous punissez pas, je vous en supplie.

Il me regarde longuement dans les yeux, avant de répondre :

- Ton secret, je le garderais. Je ne ruinerais pas ta vie pour sauver ce vieil homme.

Je suis surprise par sa réponse. J'aurais pensé que la vie du roi serait la priorité de ses fils, même si cela reviendrait à détruire une vie innocente.

- C'est tout ? Demandé-je, étonnée.

- C'est tout, dit-il en reculant. Tu es libre de partir.

Je hoche la tête en le remerciant. Je m'étais imaginé cela si différemment. Je m'avance, et m'approche de la porte, jusqu'à ce qu'il m'interpelle.

- Aeryn...

Je me tourne vers lui.

- Dis mon nom. Une seule fois. Me dit-il doucement. Et ensuite, plus jamais tu ne me reverras.

- ... Kaelan. Dis-je d'une petite voix.

Il me fait un petit sourire, accompagné d'un léger hochement de tête, puis je m'en vais.

***

Je reviens brusquement à la réalité, et je trouve le prince plus proche de moi que tout à l'heure. Il m'a fallu une minute pour réaliser que j'avais cessé de... rêver.

- Tu vas bien ? Me demande-t-il. On aurait dit que tu n'étais plus là.

- Oui, je suis désolée... Je me perds souvent dans mes pensées.

Il hoche la tête, puis s'éloigne et s'assoit à côté de moi. Si ce que j'ai vu est vraiment ce qui se serait passé si c'était lui que j'avais rencontré à l'hôpital plutôt qu'Adriel... cela signifie que tout se serait bien passé. Mon père et moi aurions toujours été en bons termes, et j'aurais peut-être encore naïvement pensé qu'Adriel était le bon prince, mais j'aurais continué à vivre normalement...

- Votre Altesse... Y a-t-il véritablement une personne qui puisse me faire comprendre mes dons ? Lui demandé-je.

- Oui, je la connais personnellement. Me dit-il. Quand cela sera le bon moment, tu la rencontreras.

Je hoche la tête, rassurée. J'espère seulement que je pourrais la rencontrer avant mon départ, pour que je puisse enfin avoir des réponses. J'en ai besoin maintenant plus que jamais. Cela fait la deuxième fois que je fais ce genre de rêves qui ne sont ni des souvenirs, ni des prémonitions, en étant toujours éveillée.

Et à chacun d'entre eux, ce sont des évènements qui ont eu lieu. Et le prince Kaelan est toujours là.

- Kaelan ?

Mon sang se glace, et paniquée, je n'arrive plus à bouger. Adriel est là, il toque à la porte et appelle son frère. Je serre ma robe entre mes poings, le ventre noué.

- Lève-toi, me chuchote le prince, cache-toi sous mon bureau.

Je me lève, tentant de faire le moins de bruit possible, et je me cache là où me demande le prince. Je m'accroupis sur le sol, et me cache sous le bureau. Il n'y a pas d'autre endroit où je peux me cacher, et surtout, il n'y a pas de temps.

Le prince Kaelan s'en va alors, et ouvre la porte. J'entends les pas d'Adriel pénétrer dans la chambre, suivis d'un court silence.

- Avais-tu de la compagnie, cher frère ? Lui demande Adriel.

- Non.

- Oh, ne mens pas. Je sens le parfum de femme... qui était là, Kaelan ? Demande-t-il avec insistance. Aeryn ?

Je tente de contrôler ma respiration, pour ne pas faire de bruit. Pitié, faites qu'il s'en aille rapidement ! Sinon, il risque de me voir...

- Son amie était là. Répond le prince, froidement.

- Eliza ? Dit-il d'un ton moqueur. Elle est magnifique, n'est-ce pas ? Mais elle est moins courageuse que ma fiancée, moins intelligente... et moins importante. 

- Que veux-tu, Adriel ? Dit le prince, ennuyé. Je suis occupé.

Adriel s'avance, et s'assoit sur le siège face au bureau. Il est proche, tout proche...

- Tu as disparu, encore. Dit Adriel. Père n'est pas heureux, il déteste quand tu pars la voir. Et à vrai dire, je le déteste aussi. 

- Dieu merci je ne me plie ni à tes envies, ni à celle de père. Répond le prince, son ton devenant de plus en plus colérique. Et tu sais, Adriel ? Elle ne demande plus après vous, elle a enfin compris que vous êtes l'unique raison de son malheur.

- Je m'en réjouis. Elle était ma plus grande honte, et j'aurais aimé que mon père s'en débarrasse. Elle n'était rien qu'un fardeau.

J'écoute, mais je ne sais pas qui est cette femme dont ils parlent. Je ne sais pas si elle est bonne ou mauvaise, mais la façon dont Adriel parle d'elle est si étrange... si terrible. Mais ce n'est pas surprenant.

- Lorsque je deviendrais roi, je ferai en sorte qu'elle revienne au palais et qu'elle prenne la place qui lui revient. Mais si tu ne te tais pas, je te couperai la langue. Tu es une honte pour moi, Adriel. J'ai honte d'avoir le même sang que toi, dit sévèrement le prince.

Adriel rit, ne ressentant rien des paroles du prince.

- Pourquoi ne retournes-tu pas à la guerre et ne meurs-tu pas comme tes compagnons d'armes, Kaelan ? Tu rendrais service à tout le monde. Sans parler d'amour, personne ne peut te tolérer ! Sans toi, je serais déjà un homme marié. Je serais l'héritier. Je n'aurais pas quelqu'un qui se mêle toujours de mes affaires.

- Je ne mourrai pas. Je ne mourrai jamais. Mais tu sais quoi, Adriel ? Un jour, tu mourras et de mes mains. Et ce jour-là, tu n'auras pas de frère qui te pleurera. 

Je me sens mal en les écoutant. Ils ne ressemblent en rien à des frères, et je peux comprendre le prince Kaelan. Je n'aurais pas pu supporter avoir un frère comme Adriel... Mais malgré la haine, je peux entendre une certaine douleur dans sa voix.

Une douleur qui ne pourra sûrement jamais être guéris...

La Légende du Soleil et de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant