Prologue - Samrata

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– Je ne comprends toujours pas pourquoi je dois l'épouser, conclut amèrement la jeune fille.

Deux grands yeux d'un vert très clair, tirant légèrement sur l'ocre, la fixaient avec hargne. Son aigreur était si profonde que même la surface de l'étain poli dans lequel son visage se reflétait ne parvenait à l'altérer. Dans son regard, on entendait non pas les feuilles bruisser sous la force du vent, mais les arbres se briser, tomber avec fracas, sous la violence de sa colère. Le tumulte de ses pensées, son indignation, sa haine déferlaient en elle avec autant d'énergie que de brutalité. Insaisissables, ses pensées la submergeaient, ne lui laissant aucun répit, aucune chance de mettre le moindre sens sur sa destinée.

Pourtant, elle avait parlé d'une voix douce et calme, sans détacher ses yeux du miroir. C'était comme si ce n'était pas vraiment elle qui avait parlé : elle y avait vu ses lèvres finement dessinées bouger au rythme des mots, mais le son n'était pas sorti de la glace froide. Il venait de l'autre côté du miroir, du terrible et implacable monde réel. Dans ce monde, il n'y avait pas de place pour ces sentiments. Sa rage impétueuse était étouffée par la peur de la sanction.

– Vous n'allez pas recommencer avec ça ! protesta sèchement Dame Maishan. Vous devez l'épouser car vous avez l'âge de vous marier, et que c'est l'Empereur qui en a décidé ainsi, point. Quant à toi, tâche de t'appliquer un peu plus, voudrais-tu qu'elle paraisse coiffée comme un guenillon devant le prince ?

La vieille dame réprimanda l'esclave. Cette misérable humaine tirait trop fort les cheveux de la princesse en tentant de rassembler ses tresses sur le haut de sa tête, dégageant la pointe de ses oreilles d'elfe. Au centre de son front, une petite gemme scintillait, incrustée dans sa peau. Sa couleur était assortie à celle de ses yeux.

– Mais ce n'était pas ce qui était prévu, s'opposa timidement la jeune fille, tandis qu'une larme commençait à se former au creux de ses paupières inférieures.

– Plaît-il ? interrogea la vieille elfe d'unevoix glaçante.

– Je n'étais peut-être qu'une enfant, mais je me rappelle très bien. Je devais l'épouser pour que mon père soit épargné. Pourquoi est-ce que je devrais respecter cet accord alors que l'Empereur a fait tuer mon père ? se risqua-t-elle de protester, emportée par la douleur de ce souvenir.

La jeune fille se recroquevilla aussitôt sur elle-même. L'esclave eut l'agilité de relâcher ses longs cheveux mordorés afin de ne pas les lui arracher, tant pis pour la coiffure. Les traits fins et gracieux de la jeune fille s'étaient contractés en une affreuse grimace. Ses larmes perlaient maintenant le long de ses joues de porcelaine, se mélangeant à la poudre de riz qui les couvrait.

LE DERNIER HÉRITIER - T1. La première guerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant