À peine quelques sabliers plus tard, comme l'avait présagé le général, le soldat dongārien qu'il avait missionné fit irruption dans la grande salle. Taegnor était installé dans l'imposant siège qui appartenait jadis au seigneur de Sinohra, ressentant une certaine satisfaction à s'asseoir ainsi sur l'héritage de ce monstre.
– Pour l'Empire ! salua une nouvelle fois le soldat. Nous avons intercepté le navire et escorté une partie de son équipage. Le reste a préféré rester à bord, j'ai laissé avec eux la moitié des hommes. Il ne contenait rien de suspect.
Sa voix s'était répercutée sur les parois en pierres de la salle. Depuis l'arrivée de l'armée dongārienne, toutes les tapisseries et fioritures qui rappelaient un peu trop le règne myselthien avaient été enlevées, même brûlées pour certaines, sur ordre du général Chunlei. Les murs vides de la grande salle paraissaient depuis beaucoup plus austères et froids, en plus de faire résonner chaque son jusqu'au plus infime tintement de coupe... au plus grand agacement de Taegnor.
– Fais-les entrer, ordonna-t-il. Et apporte-nous un peu de vin, nous ne voudrions pas paraître pour des malotrus.
Le soldat eut à peine le temps d'ouvrir en grand les portes qu'un imposant guerrier, à la corpulence d'une montagne, fit son apparition en s'exclamant d'une voix tonitruante :
– Taegnor ! Par Havohr, quelle bonne surprise de te voir !
Son visage dur, autant malmené par les combats que par la mer, s'était distordu en un sourire presque niais, qui paraissait pourtant sincère.
Taegnor le reconnut aussitôt. Il avait fait quelques traversées à ses ordres avant de se faire remarquer par Thidrik en personne, et d'en obtenir un rang plus confortable. L'époque où il n'était qu'un simple matelot était maintenant très lointaine, mais les souvenirs amers qu'il en gardait étaient encore bien prégnants. Taegnor se redressa pour le saluer, tentant d'imiter son engouement.
– Siggur ! J'aurais dû me douter qu'il s'agissait de toi en apercevant ton rafiot tanguer gauchement sur des eaux si calmes. Qu'est-ce que ta vieille carcasse vient faire ici ?
Le dénommé Siggur éclata d'un rire bruyant puis se rapprocha de lui.
– Toujours aussi arrogant à ce que je vois. Content que tu ne fasses plus partie de mon équipage ! le railla-t-il à son tour d'un ton complaisant.
– Qu'est-ce qui t'amène ici ? répéta-t-il en lui adressant une lourde tape sur l'épaule pour lui témoigner son amitié.
Il l'invita à s'attabler tout en parcourant d'un regard furtif les uerigs qui l'avaient accompagné.
– Mais dis-moi, tu recrutes dès le berceau maintenant, reprit-il en s'attardant sur un guerrier particulièrement petit et gringalet dont le visage était masqué par son casque trop grand. J'ai justement besoin d'un nouvel échanson, celui-ci ferait sans nul doute l'affaire.
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LE DERNIER HÉRITIER - T1. La première guerre
FantasyAu commencement, le Pi, force mystérieuse, se fragmenta en douze gemmes. Chacune incarnant sa puissance. Chacune assignée à un Héritier. La disparition de la fille du Chef des Clans menace de semer la discorde entre les quatre peuples d'elfes. À tr...