Isenza Gunnbjorg s'introduisit dans la chambre de son mari. Les épais rideaux ne laissaient pas traverser la moindre lueur de soleil, qui était pourtant à son point culminant. Seuls quelques chandeliers l'éclairaient faiblement.
Par la seule force de son regard, sans avoir à prononcer un mot, elle réussit à faire sortir le guérisseur et un autre guerrier à la physionomie sauvage, dont le poids dépassait bien trois fois le sien. Puis elle s'assit sur le bord de la couche.
Thidrik l'avait suivi du regard. Un regard affaibli, cerné, que tout espoir avait abandonné. Il n'était pourtant pas du genre à baisser les bras ou à se lamenter sur son sort. Il s'était d'abord convaincu qu'il ne s'agissait que d'un coup de froid, s'évertuant à ne rien laisser paraître devant ses uerigs. Mais il avait dû se rendre à l'évidence que ce mal était bien plus sérieux. Cela faisait plusieurs jours que son état s'était aggravé, sans qu'aucun guérisseur n'eût pu en donner d'explication. Il n'avait pas quitté son lit depuis la veille et le simple fait de parler lui demandait des efforts considérables.
– Qu'avons-nous fait à Havohr pour que le sort s'acharne ainsi sur nous ? soupira-t-il d'une voix à peine audible.
– Les Dieux ne sont pour rien dans notre malheur, rétorqua amèrement son épouse.
Préférant économiser les rares forces qu'il lui restait, le Chef des Clans se contenta de froncer les sourcils, l'invitant à développer le fond de sa pensée.
– Ne me dites pas que vous ne voyez qu'une coïncidence entre le départ de ce Dongārien et votre soudaine maladie ?
– C'est toi qui...
– Je vous ai dit que ce n'était pas lui qui avait volé la gemme, et c'est vrai. Le coupable a fini par se dénoncer, bien que nous ne l'ayons pas encore retrouvée. Mais il aurait pu vouloir se venger des traitements que vous lui avez infligés. Vous savez comme ces hommes de l'Empire sont fiers et arrogants. Qui plus est, le fils de Drukda. Il ne s'agit pas de n'importe qui. J'aurais pensé qu'il userait plutôt de ses relations, mais il est vraisemblablement bien plus impulsif que son père.
Le Chef des Clans commença à s'agiter dans son lit, son visage s'était crispé en une expression de rage intense. Isenza se rapprocha de lui avec une tendresse que Thidrik ne lui avait jamais connue. Elle prit sa main entre les siennes et se pencha sur lui, avec tout autant de douceur.
– Laissez-moi vous venger. Je suis la seule à connaître suffisamment l'Empire pour mener une véritable offensive.
– Une... femme, murmura-t-il péniblement entre ses dents.
Elle se redressa dédaigneusement. Ses lèvres laissaient transparaître tout le mépris que ce peuple arriéré lui inspirait. Son époux en était. Depuis leur mariage, la Dongārienne avait sacrifié son amour-propre, s'efforçant de plaire à cette brute. Non pas que ses sentiments lui importaient, mais elle y avait vu le moyen d'acquérir l'influence nécessaire pour concrétiser ses projets. Or toute cette influence serait bientôt réduite à néant s'il ne prenait pas quelques dispositions avant sa mort.
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LE DERNIER HÉRITIER - T1. La première guerre
FantasyAu commencement, le Pi, force mystérieuse, se fragmenta en douze gemmes. Chacune incarnant sa puissance. Chacune assignée à un Héritier. La disparition de la fille du Chef des Clans menace de semer la discorde entre les quatre peuples d'elfes. À tr...