– Nous arrivons bientôt, déclara Taegnor à son second. Assure-toi que les guerriers ne fassent pas de frasques avant que je ne donne le signal d'attaque. Pour l'heure, nous devons leur faire croire que nous ne sommes là que pour le commerce.
Cela faisait deux jours qu'ils avaient passé le Port d'Ithela, quittant la Mer froide pour rejoindre l'Ourliatz, ce long fleuve que l'on avait amèrement nommé ainsi pour tenter de conjurer son histoire sinistre. Ses eaux calmes étaient d'ordinaire tourmentées par de nombreux navires, majoritairement des pêcheurs myselthiens et des commerçants loeknohriens. Mais cette grande artère n'avait pas toujours fait la richesse de Sinohra. Bien avant la création de l'Empire, cette cité portuaire était maudite. Les Myselthiens ne connaissaient pas plus grand fléau que ce cours d'eau qui acheminait jusqu'à eux les plus cruels pillards. Derrière chaque rayon de soleil disparaissant à l'horizon se tapissait l'ombre de cette menace. Les villageois avaient donc nommé leur fleuve selon ces épouvantables spectres revenant du royaume des morts pour se venger, ou protéger les êtres qui leur sont chers. Les Ourliatz. C'était une mise en garde, la promesse qu'ils n'oublieraient jamais les massacres subis. Depuis ces temps obscurs, les premières troupes impériales avaient non seulement apporté la paix et la sécurité dans ce village damné, mais elles avaient fait de lui le cœur de Myselthas. Sinohra était devenue une des cités les plus riches du royaume, par laquelle transitait l'essentiel des échanges avec le peuple de l'eau. Mais maintenant que le bruit de la guerre s'était répandu à travers tout l'Empire, les échanges s'étaient brutalement raréfiés, bien que Thidrik ne se fût toujours pas prononcé sur sa position.
– Knigr, l'interpella Jorunn de sa voix gutturale, est-ce que Thidrik approuve cette attaque ?
Taegnor le scruta de son regard perçant. L'intelligence qui se reflétait dans ses yeux contrastait avec l'animosité vorace qui s'était emparée de lui lors de son dernier combat. Il ne semblait pas le même elfe.
– Thidrik ? Cela fait bien longtemps que la situation lui échappe. Ses poings sont liés entre l'Empereur qui lui demande de s'engager, et les clans qui n'accepteraient jamais de prendre les armes sous sa bannière. Il pense rester neutre en se terrant dans le silence, mais personne n'est dupe.
– Comment oses-tu... ? s'offusqua Jorunn qui visiblement n'avait jamais remis en question l'autorité de leur Chef.
– Ouvre les yeux, par Havohr ! Si Thidrik n'était pas si blèche, cela ferait bien longtemps que nous nous serions déjà retournés contre l'Empire. Tous les clans n'attendent qu'un mot de lui pour prendre le large. Si ce n'est pas la preuve que c'est sa Dongārienne de femme qui lui tient le broquelet.
– Comment peux-tu dire ça ! N'oublie pas tout ce qu'il a fait pour toi ! s'emporta le guerrier d'un ton accusateur.
– Je ne l'oublie pas. Mais aucune dette ne saura me rendre aveugle. Après ce qui est arrivé à Krighorn, les clans vont se soulever. Et l'Empereur non plus ne lui pardonnera pas son refus.
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LE DERNIER HÉRITIER - T1. La première guerre
FantasyAu commencement, le Pi, force mystérieuse, se fragmenta en douze gemmes. Chacune incarnant sa puissance. Chacune assignée à un Héritier. La disparition de la fille du Chef des Clans menace de semer la discorde entre les quatre peuples d'elfes. À tr...