– Soldats ! s'exclama ensuite le commandant.
Tous se rapprochèrent de lui d'une démarche pénible. Leurs bras et dos meurtris par l'effort, ils ne pensaient plus qu'à une chose : se laisser tomber sur la maigre paillasse qui leur servait de couche, et oublier cette mission macabre. La plupart d'entre eux ne pensaient même pas pouvoir trouver le courage de se laver de toute la boue, de la sueur et du sang dont ils étaient maculés.
– Si cette opération a pu rester secrète, reprit-il d'une voix acerbe, c'est uniquement grâce au vent que j'ai créé pour détourner les cris de ces traitres... Quel est l'abruti qui a déclenché ce bordel ? demanda-t-il en levant une flèche qu'il avait récupérée sur un cadavre.
Personne ne répondit. Certains s'échangèrent des regards inquiets. Ils ne pouvaient qu'imaginer le sort qui serait réservé à celui qui allait se dénoncer.
– C'est lui ! s'écria le soldat qui avait monté la garde à côté de Norbu, le désignant du doigt.
Ce dernier fronça les sourcils, sidéré. Cet emplâtré n'était pas capable d'attendre le signal pour décocher sa flèche, il n'avait pas le courage d'en assumer les conséquences, mais en plus il dénonçait quelqu'un d'autre à sa place, un frère.
– Je vous dis que c'est lui, insista-t-il. C'est une flèche de son carquois. Vérifiez !
Senge s'approcha de Norbu et saisit son carquois. Il compara les motifs gravés dessus avec les entailles qui avaient été faites sur la flèche. Puis il le dévisagea longuement.
– Ce n'est pas le mien, expliqua Norbu en restant calme.
Il avait très bien compris que l'autre soldat le lui avait sciemment cédé pour récupérer le sien avant de descendre de la barricade. Les motifs correspondaient. Il aurait très certainement été exécuté sur le champ... s'il n'avait pas été l'arrière-petit-neveu du chig. Norbu était conscient du privilège que son rang lui accordait. Il n'avait pas plus le droit à l'erreur que les autres, peut-être même moins, mais il avait le droit à un procès équitable... Parce que Senge, lui, n'avait pas le droit à la moindre bévue à son égard.
– Et à qui il est, ce carquois ?
– Je ne peux pas dénoncer un frère de garde, mon commandant.
– Mais s'il ne se dénonce pas lui-même, alors c'est qu'il n'est pas digne d'être ton frère de garde.
– Ce n'est pas à moi d'en juger, mon commandant.
– C'est ton commandant qui te l'ordonne, dis-moi à qui tu as emprunté ce carquois !
Norbu ne répondit pas, il se contenta de tourner sa tête vers celui qui l'avait dénoncé.
– Et bien sûr, tu n'as aucune preuve...
– N'importe quel elfe doué de pouvoir de précognition pourra vous confirmer mes dires en sondant mon esprit.
Senge balaya du regard les autres elfes avant de se tourner à nouveau vers l'accusé, se rapprochant de lui.
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LE DERNIER HÉRITIER - T1. La première guerre
FantasyAu commencement, le Pi, force mystérieuse, se fragmenta en douze gemmes. Chacune incarnant sa puissance. Chacune assignée à un Héritier. La disparition de la fille du Chef des Clans menace de semer la discorde entre les quatre peuples d'elfes. À tr...