Chapitre 23 - Territoires de Loeknohr (1/2)

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La nuit était déjà tombée depuis plusieurs sabliers, mais Tashi ne parvenait toujours pas à fermer l'œil

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La nuit était déjà tombée depuis plusieurs sabliers, mais Tashi ne parvenait toujours pas à fermer l'œil. Il fixait songeusement la charpente irrégulière au-dessus de sa tête. En s'introduisant dans sa chambre, un courant d'air entraînait les ombres dans une danse mystérieuse.

C'était sûrement sa dernière nuit dans ce misérable lit, avant de partir faire ses études à l'Académie. Après quoi, il espérait devenir officier dans l'armée impériale. Les places n'étaient pas nombreuses et c'était un rêve partagé par beaucoup d'elfes. Tout père désirait plus que tout voir son fils s'élever à ce rang. Tashi, lui, ne le faisait pas pour Nawang, mais justement pour s'affranchir de son joug. Il ne voulait pas revenir à la mine, le servir jusqu'à la fin de ses jours sans avoir le moindre espoir d'en hériter. Nawang avait beau n'avoir aucun fils légitime, Tashi savait pertinemment que ce dernier préférerait encore céder sa succession au Conseil des Doyens que le lui léguer à lui. Il n'avait pas d'autre choix que de s'accomplir seul, à travers ses études.

Un bruit attira son attention derrière la porte. Un frottement à peine perceptible, mais Tashi le reconnut aussitôt. Il se leva à la hâte pour soulever le loquet. Il contempla son visage pâle, doux, plein d'innocence et de bonté, avant de la laisser entrer. Ils s'assirent pudiquement sur le sol de la chambre, sans prononcer un mot, étouffant leur peine dans le silence. Elle le fuyait du regard, comme elle l'avait toujours fait. Malgré les épreuves qui les avaient rapprochés, malgré les secrets qu'ils avaient partagés, elle n'était jamais parvenue à se libérer de cette éducation rigoriste à laquelle étaient soumises les dongāriennes de son rang. Il n'avait réussi à croiser ses yeux qu'une seule fois, et ils se souviendraient toujours, l'un comme l'autre, de ce qui s'en était suivi. Parfois, Tashi y repensait, il imaginait avec horreur ce qui serait arrivé, s'il n'avait pas réussi à la rattraper et la hisser jusqu'à lui. Il sentait encore ses muscles tétanisés, ses mains moites dans lesquelles son bras glissait. Il avait serré si fort ses doigts autour de son poignet que la jeune elfe avait dû le cacher pendant plusieurs semaines pour ne pas que son père en découvre les ecchymoses.

– Tu ne reviendras pas avant cinq ans ? demanda-t-elle enfin.

Tashi avait perçu la tristesse dont était empreinte sa voix. Malgré lui, il avait fini par ressentir pour elle une pluralité de sentiments dont certains dépassaient son entendement. Une infinie tendresse. Une amitié profonde. Une attirance irrésistible... Mais il y avait également des pensées contraires. Il était sans cesse rongé par la gêne de ne pas appartenir au même milieu, de ne pas être digne de sa présence. Pas une seule fois, il ne lui était venu à l'idée que son attachement puisse être partagé. Aussi s'était-il toujours contenté de le refouler, se blâmant même d'avoir l'impudicité de l'éprouver.

– Non.

Il ne précisa pas qu'il n'avait pas l'intention de revenir à la fin de ses études. Le jeune elfe examina attentivement la réaction de sa sœur. Mais comme à son accoutumée, son visage ne laissa rien transparaître de ses émotions. Il aurait pu tenter de pénétrer ses pensées. Mais cela, il se l'interdisait formellement.

LE DERNIER HÉRITIER - T1. La première guerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant