– Nous avons fait le tour de tout le quartier, aucune trace du capitaine, annonça craintivement le simple soldat à son officier.
Dao fit son possible pour ne pas laisser son inquiétude prendre le dessus sur sa raison. Malgré tous ses efforts, cela faisait deux jours que le capitaine avait réussi à échapper à son extrême vigilance.
Plus il s'était enfoncé dans le dédale d'allées du quartier du Port, plus Dao avait éprouvé des difficultés à le repérer. Ce Loeknohrien avait progressé dans ces allées sinueuses avec une aisance déconcertante, comme s'il avait une connaissance parfaite de chaque coin de rue, ainsi que de sa destination. Il s'était d'ailleurs permis maints détours dont le seul but semblait de semer le jeune officier.
– Il n'a pas pu s'envoler, avez-vous fouillé toutes les auberges ?
Sa voix encore plus aigüe que d'ordinaire trahissait son anxiété. Dao fixait le soldat qui était venu au rapport d'un regard fanatique. Il n'avait pas dormi depuis deux jours et une fatigue harassante marquait son visage.
– Toutes, nous avons même demandé à vérifier les chambres. Il n'est pas dans ce quartier. Sinon, c'est sûr qu'on l'aurait déjà trouvé. Les tavernes sont quasiment vides.
L'officier fronça les sourcils et, d'un air absent, il prit son menton dans sa main droite, frottant sa moustache naissante du bout des doigts. Le quartier portuaire, comme la quasi-totalité de la cité impériale, était particulièrement désert depuis que chaque famille avait dû envoyer à Beleanor un fils en âge de combattre. La population avait considérablement diminué et, les habitants restants devant assumer leurs fonctions, ils n'avaient plus guère le temps de se pavaner dans les tavernes ou dans les rues.
Dao était face à un terrible dilemme. Il avait jusque-là caché à son oncle qu'il avait perdu la trace du capitaine. Espérant le retrouver avec sa seule unité, sans ébruiter cet échec cuisant. Son oncle n'en aurait alors rien su. Mais plus il tardait à le lui annoncer, plus les chances de mettre la main dessus s'amenuisaient. La veille, il s'était dit que s'il ne l'avait pas retrouvé avant le soleil levant, il mettrait son orgueil de côté et irait quérir son aide. À l'aube, il avait finalement décidé de retarder encore un peu l'échéance, s'accordant un jour supplémentaire. La nuit tomberait bientôt sur la cité impériale, rendant les recherches plus hasardeuses.
– Et qu'en est-il du reste de l'équipage ? s'enquit-il.
– Ils ont passé la nuit dans les bordels sordides de Malborgne, mais à aucun moment le capitaine ne les a rejoints. Maintenant ils doivent être en train de décuver de leur beuverie. Ces pourceaux n'ont aucune vergogne.
En entendant le nom du quartier le plus infâme de Samrata, un rictus de dégoût se dessina sur le visage éreinté de l'officier. Pour rien au monde il n'aurait voulu mettre les pieds dans ce lieu de débauche qui empestait la misère à chaque coin de rue. Malborgne était considéré comme les égouts de la cité impériale, au sens propre comme au sens figuré. C'était par-là qu'en passait toute la merde avant d'être jetée dans la mer sacrée. Si Samrata n'était pas réputée pour sa propreté, la sordidité de Malborgne dépassait, elle, les limites de l'entendement. Les habitants de ce quartier étaient donc ceux qui n'avaient pas pu élire domicile ailleurs, les rebuts de la société : en particulier des esclaves, des elfes déchus ou ceux qui préféraient s'éloigner du regard de l'Empereur, quitte à vivre dans la plus vile pauvreté. Là-bas, chacun était à même de pratiquer les activités qu'il voulait, légales ou non, tant il était rare que la brigade civile y fasse son apparition. C'était le lieu idéal pour s'y cacher. Pourtant, Dao doutait fortement que Taegnor, Loknohrien ou pas, n'y élise domicile, pas même pour une nuit.
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LE DERNIER HÉRITIER - T1. La première guerre
FantasyAu commencement, le Pi, force mystérieuse, se fragmenta en douze gemmes. Chacune incarnant sa puissance. Chacune assignée à un Héritier. La disparition de la fille du Chef des Clans menace de semer la discorde entre les quatre peuples d'elfes. À tr...