– Ton arrivée tombe à point nommé... bien que j'aie du mal à m'en figurer le motif, déclara l'Empereur.
Son regard s'était détaché quelques instants de l'Héritier du Bélier pour observer la majestueuse cité qu'ils surplombaient depuis son château. Les remparts sur lesquels il était dressé atteignaient des hauteurs vertigineuses, et cette impression d'élévation était d'autant plus accrue que tout autour, le relief était plat, abstraction faite des montagnes dongāriennes que l'on discernait à peine au loin. Cet Empire, qui s'étendait à perte de vue sur tous les territoires habités de ce monde, avait été créé par ses ancêtres. S'il ne pouvait plus être élargi, encore restait-il à en préserver la grandeur. Or la récente insoumission des Myselthiens était une ombre qui l'entachait sérieusement.
– Ma présence à bord d'un navire loeknohrien m'a quelque peu coupé du monde ces derniers temps. Mais je me doute que vous le saviez déjà, Votre Altesse.
– Et cela n'a pas manqué d'éveiller en moi une vive curiosité, confirma Jurgen.
Bien qu'il eût parlé de curiosité, le regard perçant qu'il avait tourné vers Rajeb exhalait plutôt une profonde suspicion.
– Il ne s'agissait pourtant que d'une entente commerciale, tout ce qu'il y a de plus quelconque pour le dzihr des affaires étrangères que je suis. Cela dit, ajouta l'Ifaestyrien, il est vrai que ce moyen de transport ne m'est pas familier. La cabine que m'a proposée ce knigr était incontestablement plus confortable que le dos de mon dragon.
– Et le confort, n'est-ce pas, vaut bien le sacrifice de quelques semaines. Qu'est-ce qu'une portion de lune rapportée à la durée de toute une existence ?
L'Empereur marqua une courte pause, toisant l'Héritier de son regard implacable, avant de reprendre :
– Il est cependant sage de se rappeler que certaines vies sont plus courtes que d'autres.
Rajeb parut hésiter quelques instants, prenant la mesure des propos de l'Empereur.
– Je tenais à contrôler la sécurité du transport. Plusieurs convois que nous attendions ne sont jamais arrivés à El Minha.
– Une noble tâche pour un dzihr, rétorqua Jurgen d'une voix sournoise, arquant un sourcil en signe d'incrédulité.
– Noble... je ne sais pas. Mais tout elfe a son lot de basses besognes, quel que soit son rang.
– Pourtant, mes soldats m'ont rapporté que ce navire ne contenait aucune marchandise.
– C'est exact, une marchandise étant destinée à être vendue. Cette embarcation n'en contenait aucune puisque tous les esclaves à bord m'appartenaient déjà. Un convoi des plus ordinaires, finalement, de juste une dizaine d'humains. Il n'aurait d'ailleurs sans doute pas nécessité mon intervention si ceux l'ayant précédé n'avaient pas mystérieusement disparu. Et si mes soupçons s'étaient avérés exacts, nul n'aurait été plus à même de la remplir qu'un dzihr.
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LE DERNIER HÉRITIER - T1. La première guerre
FantasyAu commencement, le Pi, force mystérieuse, se fragmenta en douze gemmes. Chacune incarnant sa puissance. Chacune assignée à un Héritier. La disparition de la fille du Chef des Clans menace de semer la discorde entre les quatre peuples d'elfes. À tr...