– Est-il conscient ? demanda Rainier en s'approchant du corps inanimé.
– Le lamier d'or ne paralyse pas seulement la victime, il inhibe aussi chacun de ses sens, répondit le guérisseur d'une voix effrénée.
Ce dernier était si fasciné par le sujet qu'il en semblait possédé. Ses habits froissés et son regard enjoué lui donnaient une allure négligée qui accentuait immanquablement sa folie. Il reprit :
– En trop grande quantité, c'est la mort assurée. Mais une mort douce et enivrante, ce serait comme mourir dans son sommeil. C'est ce qui fait qu'on le nomme ainsi, en plus de sa couleur dorée.
– Est-il conscient ? répéta simplement le roi d'un ton ferme, ignorant ses explications.
Il ne l'appréciait pas trop, le trouvant bien trop exalté, dépourvu de prudence et de sang-froid. Rainier reconnaissait toutefois que ce guérisseur, conseillé par le Temple, avait mené à bien sa mission, retournant très certainement la situation en leur faveur.
– Mais ce ne sera pas le cas pour lui, continua-t-il d'une voix encore plus frénétique. J'ai dosé juste ce qu'il faut pour qu'il ne pose aucun problème pendant le voyage. Quant à savoir s'il est conscient, il n'a jamais réellement cessé de l'être. Mais ce qui vous importe, c'est qu'il ait recouvré ses sens. En général, l'ouïe revient avant la vue. Il ne serait donc pas surprenant qu'il nous entende. Cela dit, vous ne pourrez en avoir le cœur net que lorsque les effets paralysants de la toxine se seront complètement estompés.
Le roi s'approcha du prisonnier et s'accroupit pour se mettre à sa hauteur. Sans aucune agressivité, il lui fit redresser la tête en saisissant ses cheveux pour mieux contempler son visage. Le prince n'opposa aucune résistance. Son corps était aussi inerte que celui d'une poupée de chiffon, même ses yeux ne cillaient pas. Pourtant, ils brillaient d'une ardeur vindicative. Peut-être n'avait-il pas encore recouvré la vue, mais il était indéniablement conscient.
Athán avait senti une poigne vigoureuse l'empoigner. Ses yeux étaient plongés dans la plus profonde obscurité, mais il avait reconnu la voix de son ravisseur. Il ne lui avait adressé qu'une fois la parole, dans le camp de Beleanor, mais l'impression que lui avait laissée le roi était aussi vive que l'humiliation qu'il était en train de lui infliger. Un instinct presque bestial s'éveilla en lui. Il aurait voulu l'attraper à la gorge, aplatir son crâne contre le sol. Mais ses poignets attachés au mur refusaient de lui obéir, comme chacun de ses membres. Seule son ouïe était en alerte. Il tenta vainement d'utiliser son don.
– Préviens-moi quand les effets du poison se seront estompés, déclara la voix de Rainier.
Athán perçut un bruit de pas qui s'éloigna et, à nouveau, le silence. Austère. Menaçant. Puis une lumière perça enfin le voile obscur qui recouvrait sa vue. Sa chaleur vive lui effleura dangereusement le visage.
– Magnifique, chuchota le guérisseur, à seulement quelques pouces de lui.
La vision du prince était limitée à cette simple perception lumineuse, aussi était-il incapable de distinguer l'elfe qui lui parlait. Mais il était si près que son odorat commençait à discerner les effluves de son haleine, à mesure que les effets du poison s'estompaient.
Du lamier d'or, l'avait-il entendu dire ? Le nom lui étai vaguement connu, une plante mentionnée lors d'un cours de guérison un peu moins assommant que les autres. Athán n'avait jamais été très attentif aux leçons théoriques dispensées à l'Académie, préférant de loin consacrer tous ses efforts à la pratique. Et ces plantes aux effets mortels avaient d'autant moins attiré son intérêt qu'elles n'étaient selon lui qu'une arme réservée aux faibles, à ceux incapables de se battre. C'était dire l'opinion qu'il avait de ce prétendu guérisseur penché sur lui.
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LE DERNIER HÉRITIER - T1. La première guerre
FantasyAu commencement, le Pi, force mystérieuse, se fragmenta en douze gemmes. Chacune incarnant sa puissance. Chacune assignée à un Héritier. La disparition de la fille du Chef des Clans menace de semer la discorde entre les quatre peuples d'elfes. À tr...