Chapitre 7 - Kungmaa (1/2)

24 6 5
                                    

– Toi dors là, déclara rudement le guerrier qui l'avait guidé jusqu'ici

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

– Toi dors là, déclara rudement le guerrier qui l'avait guidé jusqu'ici.

Son samra était si mauvais que Tashi crut d'abord qu'il s'agissait d'un ordre, d'autant que son intonation était particulièrement abrupte. C'était cette brute épaisse que le Chef des Clans avait désignée pour le guider à travers le château. Le Loeknohrien faisait bien plus d'une tête que lui. Il lui tendit ses effets personnels sans prendre la peine d'esquisser le moindre sourire.

– Que ça ?

– Je n'ai pas l'intention de rester longtemps, se justifia Tashi pour ne pas montrer que ce misérable coffre contenait en réalité tous les biens qu'il possédait.

La chambre avait un aspect sévère qui n'était pas sans lui rappeler le confort de sa chambre à l'Académie. Pour sûr, il ne se sentirait pas dépaysé. Un grand lit en bois massif prenait presque toute la place, couvert de lourdes peaux de bêtes.

Dès qu'il fut enfin seul, son premier geste fut de s'approcher de l'un des murs pour le toucher de ses propres mains. Il avait déjà vu de la roche lunaire. De plus en plus d'armes étaient sculptées dans ce minerai. Mais cela n'avait aucune commune mesure avec cet édifice, d'une telle grandeur, qui semblait entièrement taillé dedans. La paroi qu'il effleura n'était pas froide, pourtant elle avait l'aspect translucide de la glace. Ce n'était qu'une illusion créée par sa clarté.

Le Dongārien ne s'attarda pas trop dans sa chambre exigüe. Il venait de passer plusieurs semaines enfermé dans une cabine, ce n'était pas pour se cloîtrer dans une nouvelle cage. Tashi avait besoin d'air, de se recentrer sur son élément et d'en sentir l'énergie circuler à travers son être. Le voyage lui avait paru harassant. La cabine qui lui avait été octroyée avait beau être digne d'un général, ne pas pouvoir en sortir sous peine d'être pris de violentes nausées l'avait éreinté, autant physiquement que psychiquement.

Tashi se mit en quête d'un jardin où il pourrait s'aérer indolemment, profiter des dernières lueurs du soleil à l'abri des regards indiscrets. Mais aussitôt qu'il traversa un premier couloir, un guerrier se glissa dans son ombre. Le jeune elfe feignit de ne pas percevoir sa présence et continua son expédition. Il aurait pu tenter de lui demander conseil, mais sa figure brute et menaçante ne lui inspirait guère confiance. Sans compter qu'il n'était pas sûr de réussir à s'en faire comprendre.

Il emprunta un étroit couloir, dont le plafond dépassait d'à peine quelques pouces la taille d'un elfe. Tashi se demandait même si le Loeknohrien qui le suivait n'avait pas besoin de se baisser, mais il n'osa pas se retourner pour vérifier. Il découvrit alors une petite salle circulaire, ouverte sur de nombreuses voies. En penchant la tête, il prit conscience de sa hauteur vertigineuse. Ses parois de glace confluaient en de somptueuses voûtes. Cette finesse n'était pas sans rappeler le raffinement des Myselthiens, contrastant énormément avec l'indélicatesse réputée des elfes de l'eau. Si on lui avait dit que c'était l'œuvre de leurs dieux, peut-être l'aurait-il cru. Poser ses yeux sur cette perfection suffisait à remettre en question ses convictions les plus profondes.

Quand il essaya de pousser une troisième porte, le guerrier qui s'était jusqu'alors terré dans son ombre s'interposa devant lui. Il ne prononça aucun mot, il n'en eut pas besoin. Son regard hostile était assez éloquent. Le jeune elfe n'essaya même pas de s'introduire dans ses pensées pour en connaître la raison.

Il jeta plutôt son dévolu sur une autre porte. Tashi oublia instantanément sa frustration en la poussant. Le vent glacé du nord s'y engouffra pendant qu'il s'engageait sur la magnifique galerie. Ornée d'un haut toit voûté, de larges ouvertures y laissaient entrer à la fois les rayons du soleil et le froid pénétrant. Subjugué par cette vue, il ne sentit pas tout de suite sa peau se hérisser quand le souffle mordant enveloppa tout son être. Ses parois n'étaient pas seulement claires et lumineuses, les dernières lueurs du soleil les avaient peintes d'un camaïeu de rouge. Du carmin à l'or, teinté des notes épicées de safran, de curcuma et de cannelle. Tashi s'enivra longuement de cette extase visuelle avant de ressentir les premiers signes de froid.

Il s'approcha alors du bord et se pencha par-dessus le muret pour mieux admirer la ville qu'il surplombait. Le soleil disparaissait peu à peu derrière les vallées enneigées. Il suivit du regard la passerelle dans la direction opposée. Non sans une certaine appréhension, le jeune Dongārien observa le Nuba qui s'éloignait. La nuit menaçait de plonger le pays dans l'obscurité. Pourtant, la cité loeknohrienne continuait de fourmiller d'activités.

Soudain, une détonation le fit sursauter, l'extirpant brutalement de sa contemplation. Tashi ne fut pas le seul à être surpris, le guerrier derrière lui avait brandi sa hache. Il jetait des regards furtifs dans tous les sens, incapable de localiser l'origine de l'explosion, sans doute convaincu que c'était là l'œuvre d'Havohr.

Tashi fixait le bras de mer qui s'étendait à l'horizon. S'il n'était pas en proie à une telle angoisse, il aurait sûrement été amusé par la soudaine nervosité du guerrier qui continuait de s'agiter à l'affût du moindre mouvement. Cependant, le Dongārien doutait que cette démonstration de force, juste après qu'on l'eût abandonné en territoire ennemi, lui soit favorable. Le jeune elfe se tourna à nouveau vers le navire, qu'il scrutait avec une attention accrue, conscient que ce premier tir n'était qu'un appel. Il ne voulait pas manquer le prochain.

D'autres guerriers étaient apparus dans la galerie, inspectant l'horizon en quête de vérité. Une seconde détonation déchira aussitôt les cieux de son hurlement. Cette fois-ci, tous les regards étaient dirigés vers le Nuba, à peine plus gros qu'une abeille.

Tashi regretta que la distance ne lui eût pas permis d'apprécier avec précision le système d'amorçage de l'engin. Le capitaine lui avait expliqué son fonctionnement à bord, aussi s'était-il attendu à voir le boulet de canon sortir du tube métallique, propulsé par la force de l'air, et fondre dans le ciel. Mais sa vitesse fut telle que seules les ondes de choc à la surface de l'eau attestaient la présence du projectile.

Des exclamations avaient retenti entre les rangs des guerriers, époustouflés. La technologie utilisée était nettement plus avancée que celles des armes qu'ils maniaient, d'autant plus qu'elle reposait sur la maîtrise d'un élément autre que le leur. Les Loeknohriens étaient de très bons combattants, mais pour tout perfectionnement, ils se contentaient d'acérer leurs lames et d'améliorer leur condition physique. L'ingénierie dans laquelle investissait l'Empire finirait par les condamner, Tashi en était convaincu.

LE DERNIER HÉRITIER - T1. La première guerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant