75. Une vraie conversation

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Je hochai la tête. Allissia haussa un sourcil. J'avais oublié qu'elle ne connaissait pas tous les détails. Séverilla expliqua brièvement ce qu'il s'était passé et ce dont elle avait parlé, puis passa à sa confession.

— J'ai appris que mes grands-parents vont habiter près de chez nous pour se reposer de tous leurs voyages et passer leurs dernières décennies avec leurs enfants et petits-enfants. Du coup, je me dis que je pourrais en profiter pour leur demander de l'aide en s'occupant de mon petit frère, ou au moins des jumelles, étant donné que Thomas est à un âge où il peut relativement s'occuper seul.

— C'est super ! s'enquit Allissia. Qu'est-ce qu'il y a de mal avec ça ? C'est leur petits enfants en plus, ils seront contents !

— J'allais y venir.

— Oh pardon, je t'ai coupé !

Séverilla secoua doucement la tête, l'air faussement exaspéré par le comportement d'Allissia qui se confondait en excuse.

— Je disais donc. Le problème c'est qu'ils viennent pour se reposer et qu'ils ont tous les deux dans les soixante, soixante dix ans. Je ne veux pas non plus leur demander de s'en occuper à ma place et les embêter avec mes responsabilités.

— Peut-être pas leur demander de s'en occuper tout le temps, mais les enfants peuvent y aller un jour le week-end, selon l'envie, et quelques soirs, quand tu sens que tu es débordée ou que tu as besoin de te reposer, tu peux leur demander un coup de main. Ils ont été parents, ils savent à quel point ça peut être dur, déjà à deux, mais encore plus si tu es seule et lycéenne. En plus, tu dis souvent qu'ils sont très compréhensifs et très gentils, affirmai-je.

Séverilla joua avec son sandwich, l'ouvrant et remplaçant correctement le jambon. qui dépassait.

— Je suppose que je ne peux pas le nier. Mais s'ils jugent qu'ils n'ont pas la force de s'occuper comme des parents de mes petites sœurs ?

— Cha, tu ne shauras que shi tu leur demande, fit Allissia, la bouche pleine.

Séverilla mordit un micro morceau de son pain, méditant.

— Je vais attendre quelques semaines, le temps qu'ils soient bien installés, et arrivés tout d'abord, et je leur en parlerai.

— Ils arriveront quand ?

— Ils ne nous ont pas donné de date exacte, mais ça devrait être mi-fin avril. Je pense que je vous enverrai un message au moment venu pour me donner du courage.

Séverilla glissa sa main vers la mienne et la serra, un petit sourire aux lèvres.

***

Nous sortions des cours et Illyana se joint à nous pour discuter. Par moment, elle se tournait vers moi, toujours un sourire aux lèvres. Je ne savais pas trop comment réagir, alors je lui répondais à chaque fois par un sourire.

Cela voulait-il dire ce que je pensais ? Allait on redevenir amies comme avant ? Le message qu'elle m'avait envoyé la veille, afin que je sache la vérité et ne sois pas en deuil d'une personne vivante... ce message était il la preuve que, même si elle ne m'avait pas encore répondu, elle voulait que l'on redevienne amies ?

Mon sourire devint plus franc, et je m'immisçai dans la conversation.

Je ne fis pas attention au fait que nous nous éloignions de notre chemin habituel pour rejoindre un bâtiment abandonné. Je ne savais même pas qu'il y en avait un si près du lycée.

— On entre ? proposa Illyana.

Nous acquiesçames et descendimes les marches qui nous menèrent à un genre de cour. Le bâtiment nous entourait en forme de U, les deux branches rélié par une passerelle au-dessus de nous.

— Quelle porte on utilise ? demanda Allissia.

Des bruits de pas d'une personne qui court sur du métal attira notre attention.

— Regardez ! Suivons l'homme ! s'exclama Illyana.

 Aussitôt dit, nous nous lançâmes à sa poursuite. Nous manquâmes d'arracher la porte en l'ouvrant, poussés par l'adrénaline et l'excitation ; nous traversâmes les couloirs et balayâmes toutes les portes qui barraient notre chemin.

Sauf que nous perdîmes la trace de l'homme et retournâmes dans la cour.

A nouveau, les bruits de pas sur du métal retentirent, mais cette fois-ci, au-dessus de nous. L'homme était sur la passerelle !

Sans réfléchir, Illyana courut vers le bâtiment opposé à celui que nous avions emprunté. Mais je réalisai à cet instant que ce qu'on faisait pouvait être dangereux. Et je le vis alors.

— Illyana, revient ! Il a une grenade et un couteau !

Sauf qu'elle était déjà loin dans les couloirs.

De son côté, l'homme nous regardait de haut, sa grenade d'une main et son couteau de l'autre, un sourire carnassier. Je compris parfaitement ses intentions à son regard.

— Attendez, ne lui faites pas de mal ! On vous laisse tranquille ! m'exclamai-je.

L'homme agrandit son sourire, satisfait.

— Très bon choix.

Ensuite, il continua son chemin, sortis par une des portes, monta les escaliers et s'échappa.

Peu de temps après, Illayana revint par la même porte qu'elle avait emprunté, l'air déçue Je n'attendis pas plus et lui sautai dessus, rassurée.

— Allez, rentrons, et ne revenons plus ici, fis-je.

Illyana me tapota l'épaule, et je m'éloignai d'elle. M'éloignai d'elle. M'éloignai d'elle. M'éloignai d'el...

J'ouvris les yeux, que je refermai aussitôt, agressée par la lumière du soleil.

C'était juste un rêve... J'aurais dû le deviner quand l'homme étrange était arrivé. Mais c'était plus agréable de croire qu'Illyana était revenue et que l'on allait recommencer à traîner ensemble.

Je me suis finalement fait trop d'espoir à cause de son message... Désolée Séverilla, tu avais raison...

Je vérifiai tout de même mon téléphone, dans le doute, si je n'avais pas eu de réponse. Toujours pas...

Je soupirai et me levai. Je comptai parler rapidement à papa, mais je décidai de prendre un petit déjeuner pour me détendre et me changer les idées. D'autant plus que je constatai que papa dormait encore.

Quand j'eus finis mon déjeuner et que je lavai ma vaisselle, il arriva dans l'encadrement, en bâillant. Mon cœur accéléra alors tout à coup et je n'osai pas croiser son regard.

— Comment tu vas ce matin, Gwen ?

Je ne répondis pas, les lèvres pincées, m'essuyant les mains.

— Papa... il faut que je te parle...

Il prit un air sérieux et nous nous installâmes sur le canapé. Et je lui racontai alors tout, tout ce que j'avais ressentis toutes ses années, à quel point ma vie avait été bouleversée depuis la rentrée, ma relation qui avait changé avec les filles, le fait que j'étais en couple avec Séverilla. Je lui parlais de tout. Même des lettres.

Et sur ce dernier point, mon cœur défaillit et je me mis à pleurer. Papa, qui affichait de grands yeux choqués, se reprit et me serra dans ses bras.

— Gwen... Je suis tellement désolé de ne pas avoir remarqué plus tôt à quel point tu te sentais mal, de n'avoir rien fait. En tant que père, j'aurais dû être présent pour toi. Je te promets d'être toujours à l'écoute à l'avenir, alors n'hésite plus à venir me voir. Tu n'es plus obligé de sourire maintenant.

Je hochai la tête, contre son épaule, et le serrai un peu plus fort. Des larmes de joie se mêlèrent. Enfin... Ses mots étaient ce dont j'avais besoin pour me libérer. Et surtout, maintenant, je n'avais plus peur de me confier, à qui que ce soit. 

Alors... si papa n'avait pas réagi d'une façon similaire à Illyana par rapport aux lettres.... peut-être pouvais-je en parler aux filles ?

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