Un monde riche mais (reader) digeste !

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Baloon3 me demande comment créer un monde riche sans qu'il soit pour autant trop compliqué ? Une question simple, a priori... Ou pas :)

Un monde pauvre ?

Avant de me lancer dans un grand discours, comme j'en ai l'habitude, on va déjà défricher un peu tout ça. Un monde riche c'est quoi ? Est-ce que le monde d'Harry Potter est riche ? Sans aucun doute. Et pourquoi ? Tout simplement parce que quelle que soit la question qu'on se pose sur le fonctionnement de ce monde étranger (pas tant que ça, certes) au nôtre, on peut avoir la réponse. En gros, il a ses propres règles qui sont pleinement définies. Donc pour avoir un monde riche (et crédible, c'est important aussi) il faut rédiger le code civile de son histoire ?

Oui ^^. Mais le rédiger et l'écrire dans le livre sont deux choses différentes. Et c'est là que ça commence à se corser un peu. Revenons un peu en arrière. Lorsque je disais que toutes les questions qu'on peut se poser trouvent une réponse, je parlais évidemment des questions qu'un personnage peut se poser ou qu'on pourrait se poser face à une situation vécu par un personnage. En gros, dans Harry Potter, on se moque bien de savoir qui a construit l'école Poudlard. Par contre, on est bien content de connaître les règles du Quidditch ou la différence entre un Nimbus 2000 et un balai de pacotille. Personne ne nous a forcément livré ces informations sur un plateau en une suite ennuyeuse de caractéristiques. Mais, le fait est qu'on le sait, au final. Et c'est ça qui est bon.

Écrire deux livres...

Du coup, comment on fait pour ne pas saouler le lecteur ? Le mieux c'est effectivement d'avoir un cahier, un classeur ou n'importe quelle forme de documents reprenant toutes les spécificités du monde qu'on crée. Le plus important étant de ne rien oublier. Je vous renvoie gaiement à mon article sur la cohérence du récit en prime. S'il est bon de travailler sur les règles de son monde AVANT de commencer à rédiger, il n'est pas non plus nécessaire de tout mettre par écrit avant d'entamer la rédaction de son premier chapitre. Les grandes règles doivent vous être connues, of course, mais le reste pourra être défini ultérieurement. Reprenons le Grand Livre, j'ai défini très peu de règles avant le début du livre. Je savais que la magie fonctionnait sur la base de ce que j'ai baptisé l'énergie vitale. J'ai donc défini comment fonctionnait cette fameuse énergie vitale. Mais je n'ai pas fait une liste de tous les sorts avant d'en avoir besoin dans le livre. Je n'ai pas non plus défini les règles du transport interdimensionnel avant d'en arriver à cette partie dans mon bouquin. Par contre, j'ai définit le fait que les langues de tel et tel monde étaient différentes. En fait, comme pour presque tout, je suis parti de généralités et j'ai affiné à mesure des besoins.

Et comment je fais passer tout ça dans mon roman, moi ?

Arrive ensuite la partie la plus ardue, finalement : faire passer l'info au lecteur.

Un truc qui marche assez bien, c'est le rôle du candide. J'ai utilisé ce truc dans presque tous les tomes de Chronicles pour dispenser mes informations sur les vampires/choisis. Dans le tome 1, Venus découvre le monde des immortels, mais n'y connais rien. On apprend avec elle la majorité des règles. Ça poursuit avec différents personnages au fil des tomes. Dans le Grand Livre, ce sont les sœurs Gashira qui nous servent de porte d'entrée. C'est très pratique, ce mode de fonctionnement. Ça permet de faire entrer une explication pas forcément évidente dans un dialogue, par exemple, et de poser franchement des questions. On peut y revenir en faisant dire à son personnage Candide la phrase miracle : « j'ai rien compris ». Avec ça, vous avez la possibilité d'expliquer un concept deux fois et de manière différente. Vous avez du coup, deux fois plus de chance d'être compris.

Le problème du candide, c'est qu'on ne peut pas le mettre à toutes les sauces non plus. Dans Kereban, par exemple, il m'était impossible d'utiliser cette technique. On en passe, du coup, par des petites précisions parsemées au fil du récit. Par exemple, toujours dans Kereban, (il y a la guerre) une unité de combat se nomme T1 et tous les personnages qui y sont intégrés ont un prénom qui commence par un T. Un d'entre eux fait la remarque que tous les membres de son unité ont le même âge. Un peu plus tard, un enfant nait et un témoin dit « nous sommes dans l'année des I, elle s'appelle donc Isabel ». Deux toutes petites insertions qui auront permis à tous de comprendre que dans ce monde les humains sont prénommés en fonction de leur année de naissance, comme les chiens chez nous. C'est un détail, ça n'a pas d'importance vitale dans la compréhension du récit. Mais ce petit truc, qui n'a pas été expliqué, permet de donner un peu plus de profondeur au texte. Autre exemple avec cette fois-ci Athnuachan de CyrielleBandura. Ce n'est jamais dit précisément, mais aucun de ses personnages ne mangent de viande. Je n'y avais pas vraiment fait attention, d'ailleurs. Mais du coup, on comprend, à mesure qu'on avance que sa civilisation, en plus d'être dirigée par des femmes (ce qui saute aux yeux en revanche et est bien répété) est une société végétarienne. Là encore, ça n'apporte rien au récit en termes d'intrigue, mais ça aide à définir un monde et donc le rendre plus crédible et plus profond. On pourrait trouver des tas d'exemples dans des tas de livres bien et je vous invite à faire l'exercice et trouver dans votre livre du moment ces petites insertions.

On en revient à mon article sur la fluidité des descriptions. L'important est de faire passer l'information, certes, mais pas n'importe comment. On évitera de dire « Mike se baladait sur l'avenue machin. Cette avenue avait été refaite en 1987 avec du Trelgof25 et non du goudron. Ce matériau de nouvelle génération, découvert par le chimiste Bertrand Trelgof était capable de recharger les voitures électriques pendant qu'elles roulaient » Ce petit paragraphe est correct, entendons-nous bien. Mais si le sujet du livre n'est pas là, c'est un passage inutile qui pourrait, en plus s'avérer lourd. On lui préférera une simple allusion (ici ou plus loin dans le récit) du genre « Mike était ravi que la majorité des routes soit à présent couverte de Trelgof25 pour recharger sa voiture électrique pendant qu'il roulait. » Vu que le sujet n'est pas le Trelgof, son inventeur on s'en fiche. Les années de réfection n'ont pas non plus d'intérêt pour le lecteur. Tout ça dégage donc au profit d'une simple citation. Plus ce sera léger, et plus ça passera facilement. Peut-être bien que 50% des lecteurs ne remarqueront pas. Mais l'important est que s'ils veulent des infos sur votre monde : ils en ont ;)

De même, on essaiera d'éviter les démonstrations scientifiques de 25 pages. À moins d'être dans une histoire de Hard SF. Notez l'utilisation Ô combien mérité du mot Hard ;)

Voilà, j'espère t'avoir un peu aidé Baloon3 :)

J'invite chacun à donner ses petits trucs pour faire passer des informations sur son monde, en commentaire. C'est toujours sympa d'avoir un peu les méthodes des autres. On échange, on progresse ;)

Allez,

Échangeons...




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