Les différences entre BD et Roman

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Cette fois-ci, je réponds à une demande de cerberusxt. La question d'origine était « les différences d'approche entre ces deux univers du point de vue de l'écriture ».
Eh bien, c'est parti !

Au commencement...

D'abord, je voudrais rappeler que mon expérience de la BD est très limitée vu que je n'ai finalement jamais mené de projet à son terme. Ensuite, avant de vous parler des différences dans l'écriture, je vous propose de commencer par l'évidence : la différence entre les deux médias.
D'abord, le roman de fiction. Ce média est presque exclusivement écrit. Presque car il y a des versions illustrées. Je ne parle pas du roman graphique qui est un terme particulièrement inadapté, selon moi. Bah oui ce qu'on appelle un roman graphique c'est juste une grosse BD. Bref...

La BD, donc, laisse une large place à l'illustration et aux dialogues qui sont, la plupart du temps, le seul moyen de comprendre ce que pensent les protagonistes. La BD peut-être subdivisée en plein de styles, en plus des genres. En gros, il y a les mêmes genres que partout (fantasy, réaliste, SF, action, ...) et en plus il y a des styles (Franco Belge, Comics, Manga, ...). Ce qui change entre les styles (hormis le coup de crayon), c'est surtout le format. Le manga de base fera plutôt du noir et blanc tramé en format poche de 150 à 200 pages (si ma mémoire est bonne), là où le comics préfèrera la couleur en format tabloïd d'une quarantaine de pages et le franco-belge gardera la couleur mais sur environ 55 pages avec couverture rigide et format plus grand encore.

Et ça change quoi ? Tout ! On n'aura pas le même niveau de détail dans un dessin en tramé et un en couleur. Les chapitrages seront très différents sur une histoire de 55 ou de 150 pages, etc...

Voilà pourquoi parler des différences d'approche pourrait s'avérer un travail de longue haleine. Je vais donc rester relativement général.

La genèse

A l'origine d'un projet roman ou BD, il y a souvent une idée. De ce côté-là, les différences sont minimes. La question étant surtout de savoir si l'idée peut être mise en images de manière convaincante ou pas. La vraie problématique étant de savoir si le dessinateur peut le faire, pas si c'est faisable. Je pars du principe que tout est faisable, mais pas par tout le monde ;)

Une fois l'idée validée, on passe au scénario. Au synopsis du moins. Tout dépendra de vos préférences sur le sujet, ce document étant un plan général qui vous permettra de ne pas vous perdre dans votre développement, sa forme peut varier. Cependant, si vous n'êtes pas le dessinateur, il vaut mieux que cela soit compréhensible par votre partenaire. Cette-fois, des différences peuvent naître si vous traitez le découpage en chapitres/épisodes dès le synopsis. Le plus difficile, à mon sens, est de calibrer la taille des volumes en BD. Le scénariste va avoir des idées, les mettre en mots, et ensuite le dessinateur devra les mettre en images. Le problème c'est qu'une page de texte peut faire une demi page de BD ou dix selon le contenu. Ça peut être un exercice très difficile.

C'est donc, à mon sens, à partir de là que les deux milieux vont complètement diverger. Le romancier, poursuivra son ouvrage comme j'en ai déjà parlé dans les chapitres précédents avec l'écriture des chapitres, corrections, retouches, refontes, etc...

Pour la BD, le synopsis sera revu avec le dessinateur. D'abord parce que selon son talent, il y a des choses qu'il ne peut pas dessiner. Du moins, qu'il ne saura pas forcément rendre aussi bien qu'il le faudrait. En général, on a fait le point sur ça au moment de l'idée, mais il est bon de le rappeler ici aussi.

Au boulot

Le boulot du scénariste va donc se complexifier un peu. D'abord comme je l'ai dit, parce qu'il doit être capable de doser son histoire pour qu'elle rentre dans le format du média. Il y a des tas de méthodes pour caler une intrigue. On rajoute des pleine-pages, on réduit les cases ou au contraire on les agrandit. Et bien sûr, on modifie le scénario un peu ou beaucoup pour que tout cela rentre. Bref, on joue à Tetris. Mais avant d'en arriver là, on essaie quand même de faire au mieux. Au début c'est un peu du pif, et puis l'expérience aidant, on y arrive mieux.

Deuxième aspect auquel un écrivain n'a pas l'habitude, c'est le story board. Vous savez, cet espèce de brouillon qui ressemble à une BD mais en moche. Bon il y a des story board super léchés qui sont bien plus beaux que certaines BD fini, c'est vrai, mais c'est pas une généralité. Donc le story-board. C'est le boulot du scénariste, vous ne savez pas dessiner ? Moi non plus. Du coup, ça peut être laid. Un story board avec des bonshommes bâtons c'est faisable ;)

C'est souvent à ce moment qu'on se rend compte de l'horrible difficulté de faire rentrer notre synopsis d'épisodes dans un nombre de pages de BD donné. Et c'est là qu'auront lieu les plus grosses coupes et les nécessaires ajustements scénaristiques pour que le volume ait une cohérence scénaristique minimale.

Prenons un exemple avec Pentacle. Mon scénario pour la BD faisait 30 pages et contenait tous les dialogues en version quasi finale. Si je prends la première partie du premier tome de la BD (version dessinée), j'avais dix pages avec quelques bulles de dialogues qui retraçaient comment la fratrie Lodlik mettait la main sur un dragon. Ce même passage, en version roman est passé en chapitre 3, dans la version roman, et prend 12 pages de texte pur (3700 mots). C'est passé au chapitre 3 car j'avais la possibilité de détailler d'autres événements avant, dans la version roman. Dans la BD, cela aurait fait beaucoup trop de pages avant de pouvoir enfin entrer dans le vif du sujet. Ces fameuses dix pages de dessin mettaient en scène les grandes lignes de la légende et deux dragons d'un coup. On était immédiatement plongé dans l'action.

Avec le roman, j'ai d'abord mis en place toute la mythologie. Il y avait tout de même de l'action, mais les soixante pages menant à cette scène des Lodlik permettaient de faire naître une atmosphère propre au roman, d'imposer mes personnages en douceur et de les détailler à un niveau que ma BD ne pouvait atteindre.

Il n'y a pas que le scénario dans une BD

Bon là je vous parle en long en large de l'écriture du synopsis et du scénario détaillé. Mais il y a une autre part très importante à ne pas négliger dans le travail d'une BD et surtout à plusieurs. C'est un point que personnellement je zappe très souvent lorsque j'écris un roman (à quelques exceptions près). Il s'agit, vous l'aurez sûrement deviné, des fiches personnages. Impossible de passer à côté si vous n'êtes pas le dessinateur. Mike est grand et musclé, c'est bien mais est-ce que cela suffira, j'en doute. Si on retrouve souvent dans les manga, des fiches personnages affreusement détaillées, ce n'est pas seulement pour les otakus. C'est également parce que le fait de savoir que Mike mesure 2.02m et pèse 106kg permet au dessinateur de le situer très précisément lorsqu'il devra le dessiner à côté de Marjorie (1.70m et 73kg). Eh oui ! C'est peut-être un détail pour vous, mais pour lui ça veut dire beaucoup ^^

Couleur et taille des cheveux, le poids et la corpulence sont importants, et évidemment, les goûts vestimentaires. A moins que vous ne soyez dans un style Tintin où vos héros sont toujours habillés pareil (auquel cas il faudra décider aussi de leurs vêtements). Bref, tous les détails utiles au dessinateur pour travailler dans de bonnes conditions. Bien évidemment, vous faites le boulot, mais vous n'êtes pas obligé de travailler seul, sur ce coup.

D'ailleurs, si vous êtes en format manga et que vous dites au dessinateur Mike mesure 1.80m et pèse 85kg, il a les cheveux longs et noirs et s'habille toute le temps en jean T-shirt et sa copine Marjorie mesure 1.78m pèse 80kg a les cheveux longs et noirs et s'habille toujours en jean T-shirt, il y a des chances pour qu'il vous envoie balader. Eh oui. Dans une BD, on doit pouvoir reconnaitre les héros au premier coup d'œil. Pensez à San Goku et sa célèbre coupe de cheveux, Luffy et son Chapeau, Tintin et sa houppette, Astérix le petit et Obélix le gros, etc...

Cela doit jouer aussi dans la création physique de vos personnages, ce qui n'est pas du tout le cas dans un roman.

Il y a certainement encore de nombreux petits détails que je ne connais pas, parce que je n'ai pas assez trainé dans le monde de la BD. Mais voilà déjà le gros de ce qu'il est important de savoir sur les différences d'approche entre un Roman et une BD.


Si vous avez d'autres infos, n'hésitez pas à intervenir dans les commentaires ;)

Et puis, si vous voulez voir aborder un autre sujet dans ce Tote Book, faites-vous connaitre :)

Allez, à vous !

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