Des années plus tard

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Ce travail était une plaie. Je n'avais en rien apprécié le fait qu'on m'assigne cette tâche sans mon consentement.
De plus, on m'avait affirmé que je devais être fière d'avoir été choisie parmi "tant d'autres personnes qui se tueraient pour avoir ta place" !

Je la leur aurais laissée avec plaisir, encore fallait-il me laisser le choix.

Dire que c'était à cause, ou plutôt "grâce" à Mère nature que je devais mon bonheur. À dix-sept ans passés, j'étais une virtuose en arts martiaux, et considéré comme un génie par mes instituteurs qui me promettaient à un grand avenir. Certes, il s'agissait bien d'avantages, mais cela m'avait apporté tant de problèmes que je ne savais plus quoi en penser.

Et me voilà enfermée dans cette salle de contrôle miteuse où je devais vérifier jour et nuit l'état de personnes se trouvant dans des boîtes de conserve à la pointe de la technologie.

Pour mon formidable futur, on pouvait repasser.

- Rahh ! Qu'est-ce que ça m'énerve ! Râlais-je à mi-voix. J'aurais préféré que les vieux m'ignorent plutôt que de me forcer à travailler ici !

Les vieux en question, comme je les appelais, ne faisaient pas leur âge. Pourtant leur apparence de quadragénaire pouvait être trompeuse, elle cachait leur côté obscure.
Étant les piliers de notre société, ils prenaient la plupart des décisions. Comme par exemple, choisir ma fonction future.
Ô joie, ô bonheur, je ne les remercierais jamais assez pour tout ce qu'il avait fait pour moi.

Comme d'habitude, quand mes pensées se tournaient vers ces vauriens, une colère sourde s'emparait de moi.
Aussi, bloquée dans la salle de contrôle de mon lieu de travail qui puait le désinfectant, je donnais de violents coups de pied dans le visage d'un mannequin d'entraînement.

Ça me défoulait et surtout m'évitait toutes pulsions pouvant porter préjudice aux Anciens. Il faut dire que je ne donnerais pas cher de leur peau si je me mettais à me battre avec eux, lorsque je suis dans l'une de mes colères noires... Quelqu'un en avait déjà fait les frais... À l'hôpital.

Accaparée par ma furie, je ne remarquai pas immédiatement la notification clignotante de l'ordinateur. Ce n'est qu'en m'approchant par hasard de l'appareil que j'aperçus le message.

- Problème au numéro 2303... Et il faut en plus que je m'occupe de ce genre de problème ! Je me demande ce que j'ai pu faire pour mériter ça.

J'essuyai en vitesse la sueur qui salissait mon visage avec une serviette moelleuse et attrapai ma veste en cuir pour fonçer vers la 2303ème boîte de conserve.

*

Je relevai les nombres marqués sur les plaques en bronze et en profitai pour observer les corps tenus debout dans des Waternex. Cette sorte de réceptacle réfrigéré était spécialement conçue pour que les personnes contenues ne soient pas exposées aux micro-organismes.

- 2299... 2300... 2301... 2302... 2303 ! M'exclamai- je brusquement. Ce n'est pas trop tôt, je commençais à désespérer de le trouver ! Alors voyons quel est le problème...

J'analysai les informations à ma disposition tout en observant la personne à l'intérieur du réceptacle. Il s'agissait d'un jeune homme pourvu d'une peau plutôt bronzée et qui semblait avoir mon âge.

Il avait les traits ciselés ainsi que des cheveux châtains courts, légèrement ondulés qui s'élevaient au-dessus de sa tête. Il paraissait plutôt musclé sans ressembler à un grand baraqué avec des muscles disproportionnés.

Son visage angélique respirait l'innocence et la gentillesse, contredisant l'aspect diablotin de ses cheveux en pétard. Cela lui donnait un physique assez mignon je dois dire.

- Alors, dis-je en activant l'écran indiquant ses signes vitaux, que t'arrive-t-il ?

L'écran indiqua que son activité cérébrale et sa chaleur corporelle augmentaient à vue d'oeil et en triffouillant dans les données, je découvris bien d'autres activités anormales de son organisme.
Soucieuse, je fronçai les sourcils, en pleine réflexion.

- On dirait... Qu'il est en train de se réveiller... Articulai-je d'une voix un peu nerveuse.

Confirmant ma supposition, je le vis tout à coup faire la grimace. Il avait exactement les mêmes réactions qu'aurait une personne sortant du coma. Enfin, d'après ce que j'avais appris sur le sujet.
Je fus légèrement ébranlée par la singularité de la situation et délibérai aussitôt avec moi-même sur la démarche à suivre.

"Mince ! Il est vraiment en train de se réveiller ! Il faut que je prévienne les Anciens !" Pensais-je.

Le mieux serait d'avoir le groupe des vieux en entier, en les contactant depuis chez moi, mais dans cette situation, l'urgence devrait plutôt privilégier l'Earnano...

Je m'apprêtais à actionner mon appareil quand le garçon brisa ma bulle de pensées, m'obligeant à prendre une décision rapide. Il commença à s'agiter dangereusement au risque de se blesser.

- Mais c'est pas possible !

Sous mon ordre, l'ordinateur ouvrit le réceptacle. Et délicatement, j'attrapai le garçon dans mes bras puis le posai à terre tout en bloquant ses gestes. Il continua à s'agiter pendant quelques minutes avant de s'immobiliser. Je ne l'avais toujours pas lâché.
Desserrant peu à peu ma prise, je vérifiai son état jusqu'à le délivrer entièrement.

Je soufflais tout en observant son innocente bouille. Il ouvrit lentement ses yeux dont je pus apercevoir la couleur aigue-marine. J'agrandis les miens de stupéfaction devant cet évènement que nous n'espérions plus.

Ses lèvres remuèrent, seulement ses mots ne me parvenaient pas à cette distance. J'approchais ma tête de lui pour mieux l'écouter.
Finalement, assez près de sa bouche, je pus enfin l'entendre :

- Où suis-je ?

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Un grand merci à UneJeuneCorrectrice pour la correction de ce chapitre ainsi que pour les suivants qui viendront ! 💖😘
PJade2017

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