Angoisse nocturne

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[Point de vue de Lyra]

- Ça m'inquiète, ils ne sont toujours pas de retour... Ils n'étaient pas censé mettre autant de temps...

Je tendis l'oreille aux paroles qui venaient d'attirer mon attention.
La voix anxieuse du professeur m'était parvenu, il exprimait son angoisse à ses collègues, en voyant que la nuit était tombée depuis un moment déjà.

- Ils sont grands Éric, et responsables, le rassura l'un des hommes à ses côtés. Ils savent ce qu'ils font. Ils vont bientôt rentrer ne t'en préoccupe pas trop.

"Éric ? Egnarts s'appelle Éric ? "

En y pensant, je me rendais compte que c'était la première fois que j'entendais le prénom de cet homme.

- J'en suis sûr, dit Éric en soupirant, mais ça m'étonne tout de même qu'il rentre aussi tard la nuit. Jasmine est de nature si prudente...

Il était vrai que cela faisait au moins 6 heures que les deux étaient partis à la demande de leur père commun.

J'en avais été un peu déçue, j'étais en pleine discussion avec Brian à ce moment et les souvenirs commençaient doucement à réapparaître...

J'avais prétexté, pour pouvoir lui parler, que je souhaitais passer un peu de temps avec lui afin de vérifier si l'on s'était réellement connu.

Ce qui n'était pas vraiment un mensonge en soi, j'avais juste omis le fait qu'il y avait déjà eu quelques réminiscences qui m'étaient parvenu, et que je pressentais la réalité de notre relation.

Seulement je voulais savoir les détails. Qui était-il pour moi ? Je n'en avais pour l'instant qu'une vague idée, mais je ne tarderais pas à posséder ces précisions.

Je m'étais donc rapproché de lui pour comprendre la nature de nos rapports. La seule chose dont j'étais sûre, c'était qu'il n'était pour moi, rien de plus qu'un très bon ami au meilleur des cas. Je m'étais en effet rappelé l'existence d'une certaine Élisa au cours de nos conversations.

Nos sujets d'échanges étaient variés, voyage, personnes du groupe et vie privée parfois en faisaient grandement parti.

Son copain Ryan m'avait paru sympathique et surtout, extrêmement sérieux -notez l'ironie-. Car au vu du nombre de shows comiques auquels j'avais assisté auprès de lui, je me doutais bien qu'il soit un petit plaisantin affirmé.

Et encore, d'après Brian, il s'était retenu avec moi. Je n'imaginais pas ce que cela donnerait...

Cependant, de sombres pensées m'étaient revenues et impliquaient la jeune fille aux cheveux de neige.

Elles empoisonnaient mon esprit et le noircissaient de mauvaises ondes.
Cauchemardesque, ma vision de cette inconnue me donnait l'image du diable en personne, affublé d'une mystérieuse télécommande d'un gris délavé.

Ce songe s'exposait sous la forme d'une Jasmine séparée en deux par ses personnalités, telle le yin et le yang, deux opposés pourtant si complémentaires.

D'un côté, elle était bienveillante, souriante avec un brin de mélancolie qui l'habitait lorsqu'elle observait son père, tandis que de l'autre, elle arborait un sourire glacial, ainsi qu'un regard transperçant mon âme semblable à une flèche invisible.

Je n'arrivais à distinguer la véritable Jasmine, autant, il semblerait que dans le passé, elle eut un caractère aussi frigorifiant que ses cheveux, autant m'avait-elle paru sympathique et chaleureuse à mon réveil.

Toute cette réflexion me donnait la migraine, je commençais à craindre leur petit tête-à-tête tout en étant plutôt conciliante avec la femme, Je pensais qu'elle avait peut-être changé et qu'elle ne lui ferait pas de mal...

Je ne savais pas quoi en penser, il pourrait éventuellement s'avérer que les deux traînaient des pieds, ce qui est une probabilité.
Ou bien que la malfaisante fille du professeur pourrait actuellement être en train de découper en morceaux son frère...

Une idée que je souhaiterais éliminer de mon esprit tout de suite...

Une heure était passée depuis que le père inquiet avait exprimé son anxiété, mais aucunes nouvelles ne nous étaient parvenues. Le professeur essayait visiblement de se calmer, mais il était clair qu'il n'était pas serein.

Il ne cessait de tourner en rond, manquant de trébucher sur le sol à plusieurs reprises. Il n'était pas du genre soucieux, je l'avais souvent vu dans de nombreuses situations critiques au cours de sa vie, cependant, il était toujours resté calme.

Apparemment, élever deux enfants le changeait, et l'imaginer en papa poule ne me dérangeait pas plus que ça.

Plusieurs personnes avaient tenté de le raisonner en lui conseillant d'aller se coucher, seulement il résistait et tenait à rester éveillé.

Je m'étais allongé dans un duvet qui transformait le froid en chaleur et pouvait entendre le pas régulier de l'homme.

Ce rythme finit par m'endormir, je fermai mes yeux sur le magnifique ciel étoilé.

*

Je me réveillai mollement, et entrouvrait péniblement les paupières. La lumière aveuglante me perforait le crâne, et je n'avais qu'une envie, qu'elle disparaisse.

Je réussis par m'habituer lentement à l'éclat et finis par ouvrir entièrement mes yeux.

Le corps endormi du père entra dans mon champ de vision. Il s'était sûrement assoupi à force de tourner en rond. Je me levai et m'étirai longuement afin de ranimer mes muscles somnolents.

Je soupirais en le voyant si épuisé, les valises de ses cernes étaient si visibles qu'on pourrait croire qu'il partait en voyage. Il devrait se ménager, ce n'était pas bon pour lui de se surmener autant. Je apposai ma couverture et parti prendre un petit-déjeuner.

Arrivée à l'attroupement, je me dirigeai vers le gérant de la nutrition, il prit mon empreinte digitale pour vérifier que je ne cherchais pas à prendre un second repas et m'attribua un petit bol de céréales et un sachet de fruits secs.

"Il y en a encore moins qu'hier..."

Surprenant mon regard curieux, il m'informa :

- Les deux personnes chargées du ravitaillement ne sont pas encore revenues, nous ne pouvons pas distribuer plus.

J'hochai la tête et le remerciai. Les aliments furent dévorés en un rien de temps et je remarquais que le soleil était déjà haut dans le ciel. La journée était bien avancée et ils n'étaient toujours pas rentrés...

Cela commençait à devenir alarmant.
Vraiment étrange... Seulement, alors que j'étais en plein débat sur le sujet dans mon esprit, des cris soulagés me parvinrent :

- Ils sont arrivés ! Et avec de quoi manger !

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