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[Point de vue de Brian]

Nous rigolions depuis cinq bonnes minutes.
Au point que j'en avais les larmes aux yeux.

Le rire me permettait d'oublier, d'effacer de ma mémoire mes problèmes... La survie d'Élisa, les secrets de famille, mon intégration dans ce nouveau monde.

Je ne voulais pas devenir fou.
La présence de Lyra m'aidait à garder les pieds sur Terre. D'avoir un point d'accroche à ce monde de fou.

Je la regardais affectueusement. Son copain avait de la chance de l'avoir, il sera heureux.

*

Je me tordais les mains machinalement, poussé par le stress.
Nous étions au lendemain de ma visite médicale et comme promis Lyra m'amenait à Élisa.

J'avais peur de ce que j'allais voir. J'avais peur de ne plus voir la vie dans ses yeux bicolores dont l'iris grise à l'extérieur et émeraude à la pupille n'avaient toujours émerveillé.
J'avais peur pour sa vie.
J'avais peur de ne plus jamais pouvoir la serrer dans mes bras.

Si jamais elle ne survivait pas, je crois que je ne m'en remettrais pas.

Je sais que si elle me voyait dans cet état, elle me réprimanderait en me sermonnant qu'il fallait profiter de la vie, que de toute façon elle ne disparaîtrait jamais entièrement, qu'elle vivrait d'une certaine manière dans le coeur de ses proches.
Seulement je n'arrivais pas à m'en persuader.

- Détends- toi ! Tu va te casser les doigts à force de les triturer comme ça !

Je soupirai.

- Je sais mais je n'arrive pas à m'arrêter...

- Je vais te faire arrêter tu vas voir.

"Attends... Quoi ? "

Avant que je puisse protester, je me retrouvais les bras enroulé autour de moi et accroché derrière mon dos comme dans une camisole de fou.

"Comment elle a fait pour faire ça aussi rapidement ? " hurlais-je intérieurement.

Elle me lança un clin d'oeil taquin.

- C'est un secret.

C'est alors qu'une infirmière arriva un bloc-notes à la main.
Celle-ci décocha un regard déconcerté en remarquant mon tee-shirt mit d'une étrange façon.
La responsable de ma position ignora la question en haussant les épaules avec un sourire narquois à mon encontre.

"Génial. J'espère qu'elle va me décrocher tout de même."

- Bien veuillez me suivre je vous prie.

Elle outrepassa son étonnement et nous guida dans ce dédale de couloirs qu'était cette construction.

Finalement elle s'arrêta à une grande porte plus grise que blanche.

Elle nous salua et se retira.
Lyra me libéra mes bras tandis que la nervosité me gagnait et je tendis une main tremblante vers un écran qui scanna ma main et m'autorisa à entrer.

Sans bruit la porte s'ouvrit sur une silhouette blafarde, allongée sur un lit blanc comme neige, et reliée à tout un tas de machine.

"Elle n'a pas l'air au mieux de sa forme..."

Quel euphémisme.

Si mon hôte ne m'avait pas poussé discrètement je serais resté bloqué sur le seuil.
Je m'avancais silencieusement vers la malade.
Le bip régulier de la machine, et l'intraveineuse dans son poignet me rassurèrent autant qu'ils m'angoissèrent.
Elle était vivante. C'était déjà bien.

Afin de nous laisser de l'intimité, Lyra sorta furtivement.

Arrivé devant le lit, je pris la main inerte de ma copine et la serrais délicatement.
 
- Reste avec moi je t'en pris, chuchotais-je. Ne meurs pas. Ne m'abandonne pas.

Ma supplication sonna comme une prière dans la salle stérile.

- Ne m'abandonne pas...

*

[Point de vue inconnu à vous de deviner]

- Reste avec moi je t'en pris. Ne meurs pas. Ne m'abandonne pas.

- Ne m'abandonne pas.

"Qui est ce ? À qui appartient cette voix familière ? Brian ? C'est toi ? "

- Je t'aime, ne me laisse pas...

Un goût salé vint se déposer sur mes lèvres.
La mémoire me revint doucement.

"Moi aussi je t'aime Brian ! Ne pleure pas ! Je te rejoindrais, on se reverra."

Je veux lui hurler ses mots là mais je restais paralysée, mes paroles de coincant au fond de ma gorge.

Mais ma concentration finit par donner ses fruits.

Je réussis à bouger faiblement ma main avant que ma pensée embrouillée par une entité inconnu m'emporta loin.

*
[Retour à Brian]

Elle avait bougé ! C'était presque imperceptible mais j'avais clairement senti ses doigts se refermer sur les miens.

- Élisa ? Élisa tu m'entends ? Sache que jamais je ne te laisserais seule ! Je serais toujours là pour toi ! Résiste !

Lyra, à mes cris, rentra dans la pièce.

- Ça va ? Je t'entends crier de dehors.

- Oui oui tout va bien...

Je ne souhaitais pas lui en parler, il s'agissait de ma vie privée. Apparement elle comprit vite mon mutisme car après m'avoir lancé un regard suspicieux, elle haussa les épaules et laissa tomber.

- Il faut que nous y allions, cela fait déjà un moment que tu es resté, tu devrais te reposer.

- J'arrive...

Elle s'éclipsa à nouveau.
Je serrais une dernière fois la main gracile et pâle de la jeune fille et me retirais lentement de la chambre.

*

Alors que nous nous dirigions vers la sortie, des hurlements se distinguèrent du silence pesant.

Une infirmière passa en trombe devant nous, Lyra demanda :

- Que se passe -t-il ??

- La mutation s'est attaquée à d'autres personnes ! lança t-elle par dessus son épaules. C'est une véritable invasion ! Il faut dégager le passage. Veuillez sortir d'ici je vous prie !

Lyra hocha la tête et me prit le poignet nous sortâmes sous les bruits de la catastrophe en cours.

"Espérons que tout se passe bien..."

EternalsleepOù les histoires vivent. Découvrez maintenant