Souvenirs glaçants ou joyeux ?

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[Point de vue de Lyra]

Depuis que ma mémoire avait été "débloquée", quelques vestiges de ma relation avec Brian m'étaient revenus.

Ils me laissaient revoir la solitude que je subissais quotidiennement, et dont le châtain m'avait sorti. Ainsi que ma réticence à me rapprocher de lui.

Heureusement pour moi, les migraines ne furent pas de la partie cette fois-ci.

Mes souvenirs me revenaient peu à peu, déliant progressivement les noeuds sur j'avais fait dans mon esprit. Pourtant, en réfléchissant à l'évolution de nos rapports, j'étais assez mitigée sur ce sujet.

Certains renseignements sur le jeune homme m'étaient revenues d'office, ils s'étaient frayés un chemin dans le bazar de mon cerveau, chamboulant complètement ma vision des choses.

Comme l'existence d'une petite amie malade, nommée Élisa et d'une mère décédée depuis longtemps.
C'était tout ce que je savais pour l'instant. Mais même seules, ces informations changeaient grandement la donne.

J'étais encore embrouillé et je ne connaissais pas tout précisément mais c'était mieux que rien ! 

Néanmoins, ça expliquerait mon hésitation à côtoyer cet idiot.
Tiens ? Pourquoi est-ce que je l'appelais ainsi déjà ?

Ah oui, je crois que ce fut lorsqu'une mauvaise blague impliquant de la crème chantilly sur mon visage a été commise, que j'ai commencé à lui donner cette qualification.

En fait, tout s'enchaînait. Il suffisait d'une odeur, d'un éclat de voix ou même d'une sensation pour que ressurgisse instantanément mon passé.

Aussi, j'avais réussi à réunir quelques données en assemblant petit à petit les pièces du puzzle.

J'étais confuse par cette vague de nouvelles à encaisser mais j'étais arrivé à faire le tri et en ressortir des conclusions. Je réussissais lentement à démêler le vrai du faux dans les péripéties  précédent mon amnésie.

Je trébuchais soudainement sur un obstacle, ce qui brisa ma concentration et la dirigea vers le propriétaire du pied.

La chevelure éblouissante m'indiqua que la responsable était une certaine Jasmine étourdie.

- Oups pardon Lyra, s'excusa la fautive avec de grands yeux innocents.

- C'est pas grave.

Subitement, sans raison valable, je vis l'ombre d'un sourire malsain se former sur son visage habituellement angélique et l'illusion d'un regard malveillant se superposer à cette image glaçante.

Je frissonnais imperceptiblement, mon esprit me jouait des tours, cela ne pouvait être que ça !

Cependant, tel un de ces vieux films muets en noir et blanc de l'époque de la Guerre Froide, je vis se dérouler devant mes yeux ébahis des événements invraisemblables.

La mine sinistre, elle semblait menacer les deux garçons inséparables. Eux ne réagissaient, et restaient sans bouger avec cette cinglée.

Sans le son, le souvenir paraissait moins effrayant, seulement les traits durcis, et les gestes menaçants de la jeune femme rendait cela plutôt intriguant pour moi.

Je ne comprenais absolument pas la scène exposée ainsi à moi. Tout ce que je pouvais assimiler, était l'épouvante des deux meilleurs amis et de leur haine envers la femme.

Je revins doucement à la réalité alors que la supposée "folle" m'interrogeait du regard, étonnée que je reste figé aussi longtemps.

Instinctivement, je reculais d'un pas et pensais :

"Ne m'approche pas, ne m'approche pas..."

Je me repris aussitôt, je ne devais pas juger les gens ainsi, ce n'était pas parce que j'avais eu une espèce de réminiscence incroyable que je devais devenir aussi paranoïaque.

J'avais beau essayé de m'en convaincre, mon intuition me poussait à me méfier de celle-ci, alors que je l'avais trouvé fort sympathique à mon réveil. Maintenant, j'arrivais un peu mieux à comprendre le dégoût du garçon qui me connaissait.

Je décidai de garder un oeil sur elle mais en restant normale vis à vis d'elle.

- Lyra ? Qu'il y a-t-il ? Demanda-t-elle avec une légère inquiétude.

Je surpris son angoisse, avait-elle peur que je découvre ce que j'avais oublié ?

- Oui oui aucun problème !

Et je me forçai à montrer un grand sourire pour ne pas éveiller ses soupçons.

Elle m'en rendit un, visiblement soulagée et entama la discussion :

- Aujourd'hui, nous partons, nous ferions mieux de ranger rapidement nos effets personnels.

J'haussai les épaules.

- Je n'ai pas grand chose, et puis le peu que j'ai emmené, ne devrait le pas me prendre trop de temps à rassembler.

Elle hocha la tête et désigna le troupeau de l'expédition près du cimetière improvisé.

- Ils vont tous rendre un dernier hommage avant le départ prévu dans deux heures, je te conseillerais de t'y rendre.

Tournant la tête vers le paysage, je vis la plupart des personnes agenouillées devant une croix, quelques uns pleuraient, d'autres restait impassibles bien que leurs lèvres tremblantes contrastaient avec leurs expressions.
Je pouvais remarquer des bras accrochés en écharpe, des jambes soutenues par des attelles de fortune... Tous avaient souffert...

- Oui... Je vais y aller... Murmurais-je émue par ce spectacle déchirant qu'était les adieux.

Elle m'adressa un vague signe de la main et rejoignit le groupe.
Je ressentis brusquement de l'aversion contre cette femme, il me semblait que son action était hypocrite car j'en étais spontanément sûre, Jasmine avait voulu tuer.

Craquant mes doigts sous le coup de la colère, je mis un moment à constater que Brian était fortement ébranlé, le regard fuyant et le dos vouté, comme si le poids de ce qu'il vivait lui pesait.

Le professeur, dix mètres derrière lui, l'observait avec un mélange d'amertume et de soulagement.

Mon petit doigt me disait qu'il n'y était pas pour rien dans la "mini dépression" du châtain.

Le zombie se traîna dans la vallée stérile et ne prêta aucune attention à son environnement. Il manqua s'écrouler à terre alors qu'une minuscule branche gênait son passage.

Il réfléchissait et était perdu dans ses pensées. Des questions me taraudaient l'esprit. J'aurais voulu savoir ce qui l'avait mis dans cet état. Mais je savais que je n'aurais pas osé les espionner à nouveau, estimant qu'il avait droit à sa vie privée.

Il rattrapa le blondinet qui lui servait d'ami et s'installa à côté de lui pour démarrer un longue explication.

Le grand gaillard écouta attentivement son meilleur ami et fut aussi choqué que lui lorsqu'il rentra dans le vif du sujet.

Il le prit dans ses bras pour une embrassade amicale et consola son copain affligé.

Ma curiosité était tiraillée mais je tins bon et en me convainquant de ne pas m'occuper de ses affaires.

Jetant un dernier coup d'oeil au duo, je tournai les talons et partis vers les croix en bois.

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