[Point de vue de Brian]
Dean nous communiquait la programmation de l'opération "on rentre enfin chez nous". Ce qui ne passa pas inaperçu à mes yeux était son amplificateur de voix, le gadjet placé près de sa bouche permettait à l'interlocuteur d'éviter de crier. Très utile.
- Rentrez dans le calme et la discipline, annonça-t-il, le décollage est prévu pour dans une heure. Nous vous prions de vous installer à une place et de ne plus bouger.
Deux jours étaient passés, nous nous étions rendu à l'ancienne habitation des deux tourtereaux pour pouvoir juger de l'état du véhicule et ainsi nous préparer à partir.
Il ne nous restait plus qu'une heure avant que le vol prévu ne soit enclenché, tout avait été minutieusement programmé par des informaticiens professionnels, ils avaient dû vérifier leur travail une bonne dizaine de fois, tant leurs responsabilités les oppressaient.
J'étais si stressé que ma jambe n'arrêtait pas de tressauter, aussi je vis Lyra me regarder anormalement, scrutant les sursauts persistants de ma cuisse.
Je lui lançai un regard navré, mon tic nerveux continuant à s'intensifier davantage.
Le pire était que je ne me sentais pas vraiment à l'aise, coincé entre Lyra et mon père qui ne cessait de me fixer. Ce qui n'améliorait en rien mon angoisse croissante.En prime, j'avais la proximité de Jasmine qui ne quittait pas notre père d'une semelle. Je n'avais même pas pu manger quoi que ce soit ce matin, mon estomac était si noué qu'aucun aliment n'avait réussi à passer la barrière.
Une légère nausée me prit alors, ma main se rendit devant ma bouche tandis que je retenais un subtil haut-le-coeur. Seulement, cela ne passa pas outre l'oeil de lynx de Lyra, celle-ci me fit d'ailleurs une réflexion préoccupée.
- Calme-toi, ne te rends pas malade pour si peu.
- Oui oui...
J'inspirai profondément pour tenter de faire disparaître mon mal quand soudainement, une odeur fruitée envahit délicieusement mes naseaux. J'ouvris un oeil et me mis saliver devant un appétissant muffin aux fraises, ainsi présenté à ma vue.
Avidement, je le pris des mains de Victor et le portai à mes lèvres pour le croquer à pleine dents.
- D'où est-ce que vous le sortez ? Entendis-je la brune demander.
- Ma femme a eu le temps de faire cuire une petite fournée pour la route. J'ai remarqué que Brian manquait d'appétit ces derniers temps, j'ai donc pensé qu'un petit encas ne lui ferait pas de mal.
Je relevai la tête et la bouche pleine, articulai difficilement :
- Merchi beaucoup.
De petites miettes s'échappèrent malencontreusement de ma cavité buccale et atterrirent sur les genoux d'une Lyra répugnée. Elle fit la grimace et me lança un regard lourd de reproche.
- Désolé, dis-je gêné.
Victor souria et nous salua avant de rejoindre sa femme, alors que le tumulte ambiant du jet masquait le soupir de la jeune fille exaspérée.
Mais subitement, un gros fracas perça le bruit environnant avant de cesser aussi vite qu'il était apparu.Personne ne sembla en être dérangé, chacun avaient tranquillement continué sa discussion et n'avait pas réagi, sauf quelques rares fragiles du tympan. Tous savaient que le bruit provenait de la porte du hangar qui venait d'être ouverte.
Mon gâteau fut vite fini et une fois mon estomac rempli, je m'enfoncai confortablement dans e siège tandis que la climatisation me procurait une caresse agréable au visage. Je fermai les yeux et sans le vouloir, je m'endormis.
*
Veuillez attacher vos ceintures s'il vous plaît.
La voix mécanique me réveilla, j'ouvris une paupière lourde et scrutai l'atmosphère. Le bruit familier de la bande de sécurité qui claque, occupa l'espace et me raviva immédiatement.
"Mince, je dois m'attacher. C'est l'heure."
J'exécutai nerveusement l'ordre et serrai avec force les accoudoirs.
- Tiens ? Enfin réveillé ? Je commençais à me demander si je n'allais pas devoir accrocher ta ceinture comme un enfant.
Je tournai la tête vers la source de ces propos narquois et tombai sur l'expression amusé de l'asiatique, elle esquissa même un sourire en me voyant faussement outré de sa raillerie.
J'entreprenais de protester lorsque l'élocuteur automatique féminin reprit la parole dans les hauts-parleurs.
Chers passagers, bienvenue à bord. Le décollage a été initialisé. Départ dans cinq minutes, veuillez contrôler les plus jeunes afin qu'ils soient bien attachés pendant toute la durée de la procédure.
J'avais trouvé incroyable l'organisation rapide et efficace des scientifiques malgré mon aversion envers eux. Ils avaient soigneusement fait une liste des passagers pour n'en oublier aucun, avaient formaté l'avion pour que tout soit en ordre et avaient évidemment vérifié la présence des plans.
- Alors... Oui. C'est bon, Brian a bien fermé sa ceinture de sécurité, murmura une voix proche de moi.
Je fis les gros yeux pour ensuite foudroyer du regard la sarcarstique jeune femme sans réelle colère. Cette fois-ci, la brune rigola franchement devant mon air agacé, pourtant, sa gaieté contagieuse m'atteignit et sans m'en rendre compte je me mis à rire moi aussi.
Nous rîmes un bon moment avant d'arriver à nous calmer. Bien que la plaisanterie n'était pas la plus hilarante que j'ai entendu, cela m'avait été bénéfique de me détendre un peu.
Je dirigeai finalement mon regard vers la fenêtre par réflexe et remarquai que mon père et ma demi-soeur nous examinaient bizarrement sans vergogne.
Je décidai de les ignorer et de contempler le magnifique panorama... Gris. Constitué entièrement de gris. Grisé. Couleur de la souris. Du ciel orageux.
Ce n'était pas vraiment le meilleur que j'ai pu voir dans ma vie... Mais bon, c'était mieux que rien.
Soudain, je sentis un léger mouvement et vis que le paysage bougeait. L'avion avança et sortit du monotone bâtiment. Une longue route plate se forma devant mes yeux, c'était impressionnant. Je n'avais pas eu beaucoup l'occasion avant de prendre l'avion donc j'étais toujours subjugué par le spectacle.
Un ciel bleu et dégagé, sans aucun nuage à l'horizon me rassura grandement, il y avait au moins peu de risque de problème météorologique.
Enclenchement de la procédure de démarrage. Départ prévu dans dix, neuf, huit, sept, six, cinq, quatre...
Étrange... C'était moi où on se croyait dans le décollage bien théâtrale d'une navette spatiale ?
Trois, deux...
Ça m'en avait tout l'air.
Un...
Sérieusement, j'avais vraiment l'impression que le temps s'étendait à l'infini, et qu'il se déroulait au ralenti comme dans les films de science-fiction. Sauf que là, c'était la réalité.
Zéro. Attention, décollage.
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Eternalsleep
Science Fiction"Saisissez le temps présent, profitez-en, de sorte qu'il ne devienne pas une cause de regrets." Louis-Philippe de Ségur J'avais une vie tranquille dans mon petit cocon familial entouré et aimé, mais celui-ci éclata quand mon destin fut bouleversé p...