Départ

16 4 0
                                    

[Point de vue de Lyra]

Un sac posé sur mon épaule dénudé, je replaçais correctement mon débardeur avant de vérifier si tout était en place.

En baladant mon regard à travers le groupe formé de, pour la plupart,  scientifiques, je remarquais la présence dérangeante de la jeune femme au cheveux blancs.

De là où je me tenais, je pouvais entendre des brides de leur conversation entre elle et son père.

-... Luc n'a pas émis d'objections à ton départ ?

- ... pas laissé le choix... toute manière.

Ainsi elle avait un homme dans sa vie ?
Il devait savoir s'y faire avec elle alors... Ou sinon, elle était totalement différente lorsqu'elle passait du temps avec lui... Je ne peux pas vraiment juger la situation...

Malgré la compagnie de son paternel, je n'étais pas rassurée de sa venue dans cette expédition.
Réellement dérangée, elle n'inspirait pas du tout confiance.
Généralement, je ne faisais pas attention à la première impression mais dès le début, quelque chose chez elle la rendait... Inquiétante, perturbante, irritante...

Elle était l'exception qui dérogeait à la règle. On disait pourtant bien que l'habit ne faisait pas le moine.

Néanmoins, le monde qui nous entourait était sécurisant, elle n'allait tout de même pas se mettre dans une situation compromettante... Si ?

Lorgnant la foule, je fronçais les sourcils en découvrant Ryan entouré de jeunes chercheurs, et faisant l'idiot.

Je soupirais bruyamment, il ne tiendrait jamais en place...

Inspectant le reste de la troupe, je constatais des personnes de mon âge en pleine discussion intellectuelle sur une des émissions de télé à la mode, ainsi que Brian en train de déprimer devant une photo de sa copine.

Continuant ma route, je repérais un homme d'âge moyen parler dans le vide, sûrement pour converser avec sa famille.

Un brin de mélancolie s'insinua sournoisement dans mon esprit.
Sa famille... Au moins, il en avait une...

Accélérant le pas, je faillis écraser une fleur de Myosotis... La fleur du deuil...
Retenant à grande peine mes larmes, je passais mon chemin et me concentrais sur mon travail.
La plaie était toujours béante, elle s'était légèrement refermé avec le temps mais prendre un nouveau départ n'aura pas changé grand chose.

La douleur était vrillante bien que beaucoup moins intense qu'au début.

Slalomant encore, je m'arrêtais enfin, m'asseyais dans l'herbe luxuriante et balançai mes jambes dans le vide.

Les yeux perdus dans le vague, je n'entendis pas l'homme s'assoir à côté de moi.

- Puis-je ?

Je soufflais, je n'avais pas la force de l'envoyer balader.
D'un mouvement de tête, je confirmais.
Il s'installa à mes côtés et entama un silence pesant.

- ... Je sais ce que tu pense...

Il me fixa de ses yeux clairs et affirma :

- Je suis une personne qui me tient pas parole, et qui fait passer son propre intérêt avant celui des autres...

- Tout à fait... le coupais-je. Vous avez été égoïste en parlant avec votre fille de cette histoire, vous n'avez pas pensé aux conséquences et à la sécurité d'autrui.

Je soutenais son regard à mon tour.
La colère prenait peu à peu place à la tristesse et me rendait aveugle à ce qui m'entourait.

- Vous êtes égoïste, dangereux, manipulateur, hypocrite, et un salopard de menteur !

Ma raison était d'ailleurs totalement sûre que l'éloignement de Brian était de sa faute à lui, il y avait forcément un rapport avec lui.

Il tenta de se défendre, mais à peine avait-il ouvert la bouche, que je l'abreuvais de noms d'oiseaux avant de le traiter d'imbécile fini et de sans cervelle.

J'allais vraiment trop loin mais je devais évacuer cette peur, ce stress et cette tristesse que j'avais accumulé au fil du temps.
Heureusement que personne ne se trouvait autour ou l'on m'aurait traité de folle furieuse.

Malheureusement, le manque d'inspiration arriva, je n'avais plus rien à lui dire, aussi je cessais mon discours, ce dont il profita pour expliquer.

- Je suis désolé Lyra, mais je connais ma fille mieux que personne bien que ne me sois pas trop impliqué dans sa vie, je l'observais en cachette. Elle n'aurait jamais tué personne, si elle avait des télécommandes c'était pour vous manipuler. Je les ai vérifié, elles commandent seulement les lits des patients. Elle avait juste prévu de coud faire une petite frayeur.

Crachant presque mes mots, je répliquais :

- La manipulation n'est pas forcément mieux et puis, s'il s'avérait qu'elle était foncièrement bonne, elle aurait au moins eu la délicatesse de venir s'excuser.

- Elle est vraiment troublée depuis quelques années... J'essaie de l'aider, c'est de ma faute si elle se trouve dans cet état ! J'aurais dû plus l'épauler et moins fuir mes responsabilités de père...

Mon agressivité disparut d'un seul coup, ma voix ne devint plus qu'un murmure.

- Mais c'est ce que vous faites en reniant votre propre fils... Vous avez mis la vie de personnes qui lui sont chères... Votre fils... Comment avez-vous pu faire ça ? Quel genre de père êtes-vous ?

Face à ma tirade, il resta sans voix, on voyait bien que ce sujet était tabou.
J'aurais compris sa réaction -protéger sa fille est normal- s'il m'avait répondu que j'avais raison et qu'il devait avouer à Brian la vérité.
Qu'il prendrait enfin les choses en main... Visiblement, il n'en ferait rien...
Décevant...

- Ce n'est pas pareil... La situation est totalement différente...

Cet homme était aveugle mais à un point inimaginable.
Levant une main pour le faire taire je lui demandais :

- Vous n'êtes même pas capable de les comprendre vos responsabilités... Comment voulez-vous les assumer ?

Sur ces mots, je lui lançais un regard noir et tournai les talons.

EternalsleepOù les histoires vivent. Découvrez maintenant