Espères-tu qu'on te pardonne tes erreurs ? Alors ne les renie pas.

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[Point de vue de Brian]

- La pire chose qu'un homme puisse faire à sa femme.

Je le fixais toujours, l'interrogeant du regard.
Il soupira bruyamment et entama son discours après un long silence :

- Vois-tu, après notre premier rendez-vous, nous nous étions vu de plus en plus souvent jusqu'au jour où nous avions enfin décidé  sortir ensemble... Nous devions avoir la vingtaine si je me souviens bien...

Il esquissa un faible sourire à l'évocation de ces doux souvenirs puis continua :

- Je me rappelle comme si c'était hier du moment où nous avions emménagé ensemble, un instant de pur bonheur et de rigolade...

En me lançant un regard pétillant, il me raconta l'une de ses anecdotes, pour le moins intéressante :

- Ta mère était tellement maladroite qu'elle avait réussi à casser des flûtes à Champagne d'une manière exceptionnelle. Elle les avait posés sur le rebord d'une fenêtre par manque de place puis était parti chercher les autres cartons, révéla-t-il en ricanant légèrement. Malheureusement, comme tu peux t'en douter, ils étaient passés par-dessus bord et s'étaient écrasés quatre étages plus-bas...

Je le regardai bouche bée telle une carpe koï, pour finir par essayer de parler sans y arriver.

- Ma... Mam... Maman a fait ça ? Balbutiais-je.

Je ne la voyais absolument pas balancer accidentellement une boîte remplie de verres du haut d'un immeuble.
Elle qui était toujours si prudente et organisée... Il était rare qu'elle brise quoi que ce soit à la maison...
C'était plutôt moi qu'on félicitait toujours quand un objet disparaissait mystérieusement.

- Parfaitement ! S'exclama-t-il. Et même que je m'étais trouvé à moins de deux mètres du point de chute. Je peux t'assurer qu'à ce moment-là, j'étais bien heureux de ne pas avoir fait un pas de plus et d'avoir scotché toute la surface du carton.

Je rigolais intérieurement de cette mémorable histoire qui allait certainement finir dans mes dossiers personnels.
Malencontreusement, la légèreté de l'instant se dissipa bien vite lorsqu'il poursuivit son récit.

- Trois ans de vie commune inoubliable passèrent, ta mère était enceinte de toi et était prête à te donner naissance mais...

Je vis lentement son visage s'assombrir, tirant ses traits, il avait vieilli de vingt ans d'un coup.

- J'étais tombé sous le charme d'une femme que j'avais rencontré un mois plus tôt... Cela avait été un véritable coup de foudre... Celle-ci l'avait rapidement remarqué et avait jeté son dévolu sur moi.

J'étais choqué par ce qu'il venait de m'apprendre, ma mère lui faisait confiance, elle l'aimait sincèrement et lui était tranquillement parti voir d'autres gonzesses ?! Elle était enceinte de lui !

- Je n'avais pas osé tout dire à ta mère au début, mais je lui ai tout de suite avoué quand j'ai commencé à fréquenter Rane. Je ne suis pas polygame et ne le serais jamais... Je sais ce que tu penses, déclara-t-il en me coupant dans mon élan, alors que je m'apprêtais à l'injurier de tous les noms.

Il baissa les yeux face à mon regard noir puis se tritura machinalement les doigts. Je n'avais qu'une envie, l'insulter de tout mon soûl jusqu'à ce que je sois vidé de toute ma rancoeur, mais je restais silencieux et écoutais malgré tout ses excuses.

- Je suis le pire des salauds pour avoir abandonné ta mère dans un moment aussi crucial de la vie mais comprends-moi, l'amour ne se décide pas, on ne peut rien y faire...

Il souffla excessivement, créant une brise qui, je ne pouvais m'empêcher de penser, était vraiment abjecte.
Il faut dire que l'hygiène dentaire était un peu mise de côté ces derniers temps...

- Je peux t'affirmer que je l'ai amèrement regretté... Rane m'a quitté après deux mois, pour partir avec un autre. Mais ce n'est pas ce que j'ai le plus déploré... À cause de cette femme, qui ne souhaitait pas que je détache mon regard d'elle, ou que je parte ne serait-ce qu'une heure, je n'avais pu assister à ta naissance... Tu ne sais pas combien je m'en suis mordu les doigts.

Les yeux fixant le ciel turquoise, il garda le silence pendant quelques temps.

- Rongé par le remord, je n'ai pas tenté de reprendre contact avec elle... Je ne me voyais pas me ramener avec un bouquet de fleurs à la main et "Chérie finalement je veux rester avec toi ! ", je suis donc resté seul et je repris ma vie professionnel plus de sérieux que dernièrement.

Ma haine était déjà profonde envers cet homme, néanmoins il venait de jeter du bois dans ce brasier incandescent qui détruisait tout sur son passage, mes espoirs, mes convictions... Et ma raison.

J'en avais entendu assez, je ne pouvais plus supporter les paroles de cette saleté. C'est affligé et furieux que je tournais les talons et partais sans artifices.

Cependant, alors que je pensais qu'il allait me laisser tranquille pour je réfléchisse seul, je l'entendis m'interpeller. Sans m'arrêter, mais en ralentissant un peu, j'ouvrais grand mes oreilles :

- Je ne t'ai jamais délaissé mon fils, je t'ai toujours observé, que ce soit de près ou de loin... J'étais là quand tu as rencontré ta chère Élisa, je buvais un café à côté ce jour-là. Lors du cancer de ta mère, j'étais présent aussi, c'est moi qui finançait les soins et les frais de la chambre. J'ai veillé personnellement à sa santé dans le plus grand secret, malheureusement, je n'ai rien pu faire... Aussi, j'ai donc tout fait pour que tu ne manques de rien à sa mort. J'ai sans cesse investi ta vie, bien caché.

Je restai figé sous le coup de ses confessions, il disait la vérité, je le sentais dans sa voix, elle vibrait de sincérité et de regret... Ainsi que de la fierté. Il était fier de moi, il m'aimait et venait enfin de l'avouer sans ambiguïté.
Cependant, je ne restai pas bien longtemps dans cet état, je levai mon pied droit et m'éclipsai définitivement sans me retourner.
Je pouvais sentir son regard paternel me brûler le dos tandis que je m'éloignais. Maintenant, j'étais plus que perdu, j'étais complètement paumé.

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