Petite balade nocturne au clair de notre Lune aux longs cheveux immaculés

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[Point de vue de Brian]

- On est déjà passé par là... Je crois qu'on est perdu...

Son visage exprima diverses émotions, notamment la surprise, la peur et la colère en constatant que c'était effectivement vrai.

- Comment ça "tu crois" ? Tu penses ou tu en es sûr ? Me reprocha-t-elle finalement. C'était toi qui étais devant, comme as-tu pu te perdre ainsi ?

Agacé, je soutins son regard empli de reproches et le foudroyais face aux remarques désobligeantes de miss cheveux blancs.

Je me serais bien passé de ce genre de commentaires inutiles et futiles. Pour l'instant, notre priorité était de savoir où nous étions, et non pas de connaître le responsable de notre errance.

Elle se tût. Néanmoins, je pouvais presque l'entendre penser que j'étais un bel idiot.

Je ne m'en préoccupais pas plus qu'à ça, je m'y attendais un peu.

Je fis glisser la sangle droite de mon épaule, et posai mon sac au sol.
Jasmine mit quelques secondes à réagir avant de faire de même tout en continuant de râler et de gesticuler.

Je me retins avec difficulté de l'attacher et la bâillonner. J'avais besoin de calme, et tout ce qu'elle m'apportais était sa pollution sonore ainsi que sa présence exaspérante.

Heureusement, je réussis à me contenir non sans peine.
Céder à mes pulsions serait aller à l'encontre de tous mes principes. Anéantir mes préceptes pour cette garce ne me servirait à rien.

Cela équivaudrait à donner un coup d'épée dans l'eau, essayer de frapper le feu ou encore de tenter d'attraper de l'air.
Non seulement cela resterait vain mais on pourrait finir par se faire du mal à soi-même. Autant se réprimer alors.

Je m'asseyais à côté du morceau de tissu et me marmonnais des plans pour se sortir de cette délicate situation.

Entre une fille hargneuse et une ville qui paraissait à présent inconnue à mes yeux, je ne savais pas pu donner de la tête.

Par miracle, le générateur de raffut arrêta son tintamarre et s'installa auprès de moi.

Tout d'abord, étonné, j'en profitais ensuite pour trouver une solution efficace.

On resta là, silencieux un long moment, avant que Jasmine ne se décide à enfin prendre la parole.

- Nous ne voyons rien dans l'obscurité... Je propose que nous restions dormir dans un coin en attendant le lever du jour. Nous devrions réussir à reconnaître la route pour nous retrouver dans cet immense espace.

J'étais stupéfait. Elle s'était rapidement apaisée pour une fois... Elle avait même proposé un moyen de résoudre notre problème.

Je revins vite à la réalité et n'émis pas d'objections. Après tout, je n'avais pas de suggestion donc autant appliquer sa proposition.

Je me demandais pourquoi elle était aussi conciliante aujourd'hui...

C'est alors que je m'aperçus que son corps frissonnait, discrètement, mais perceptiblement, vu le tremblement de ses épaules.

Soit elle avait peur soit elle avait froid. Seulement, mon instinct me hurlait que la première hypothèse était la bonne.

Elle avait peur... De quoi ? Je n'en avais pas la moindre idée. Je savais juste qu'elle était effrayée mais j'ignorais la cause.

Sans faire de commentaires, je me relevai lentement pour me dépoussiérer et tendis une main à la jeune femme.

Elle releva ses yeux où brillaient maintenant une lueur craintive.
Hésitante, elle l'attrapa lentement. Je la tirai de toutes mes forces jusqu'à ce qu'elle soit debout devant moi.

Je replaçai mon sac sur mon omoplate et guidai ma soeur. Elle me suiva et se stoppa à côté de moi quand je fus arrivé à l'abri d'un store bleu foncé, déchiqueté et délavé.

On reposa nos affaires sur le sol, et nous nous établissâmes sous cette protection de fortune.

Affalés contre le mur, je sortai l'un des sachets de nos maigres provisions et le partageai avec Jasmine.
Elle s'appropria avidement ce que je lui tendais et se délecta de ce précieux met comme s'il s'agissait de caviar.

Notre frugal dîner terminé, j'entrepris de taper la discussion avec ma compagne. Sa fragilité m'avait touchée et j'étais sûre qu'elle ne jouait pas la comédie. Une intuition pourtant infondée, mais j'étais certain de la véracité de ses propos.
Prudemment, j'essayais d'amener le sujet de sa frayeur de tout à l'heure.

Quel échec cuisant. Loin d'être dupe, elle avait vite remarqué mon petit jeu et s'était renfermé telle une huître.

Finalement, je finis par ne plus prendre de gants, et jetai la discrétion aux oubliettes. Sans tact, je lui demandais :

- Pourquoi es-tu si angoissée de savoir que nous sommes perdus ? Je comprends qu'on le soit un minimum, mais ça m'étonnes venant de toi de l'être autant.

- Ça ne te regarde pas, grogna-t-elle, le front posé sur ses genoux.

- S'il te plaît... La suppliais presque.

Elle soupira et resta un moment silencieuse.

- Bon... Céda-t-elle.

Mon cerveau devait être aussi ramolli que le sien à cause du manque de nourriture et d'énergie, car cela ne nous ressemblait pas à tous les deux d'être aussi sentimental.

- J'ai toujours souffert de cette absence paternelle et maternelle... Tu es déjà au courant bien sûr, mais ce que tu ne sais pas, c'est que j'ai développé depuis peu une peur panique de l'isolement. Je m'affole lorsque je me sens seule. Cette angoisse n'est pas très visible car je suis très bien épaulée par mon mari. Néanmoins, cela reste une crainte qui ne me quitte pas.

Pour la première fois de sa vie, ma soeur venait de se confier à moi. J'en étais à la fois fier et désemparé, je ne connaissais pas les réelles causes de ce rapprochement, toutefois j'espérais sincèrement que cette rivalité disparaisse et laisse place à une profonde amitié fraternelle...

Mais bon, je ne rêvais pas trop, je savais qu'il y avait tout de même des chances qu'elle se foute de moi et qu'elle mente depuis tout à l'heure, mais j'avais envie d'y croire.

Je souhaitais qu'on parle pour régler nos différents, qu'elle m'explique ce qu'elle me reprochait précisément. Pour qu'on puisse enfin tisser une relation saine et authentique...

Je pouvais toujours espérer...
J'avais envie d'essayer.
Mais d'abord, une discussion sérieuse devait s'imposer.

Je me raclais la gorge et lui lançais :

- Dis-moi tout ce que tu me reproches.

À voir ses yeux ronds comme des soucoupes, je pensais qu'elle ne s'y attendait pas.

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