Le miraculé

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[Point de vue de Brian]

"Ça fait mille ans."

Je baissai la tête sous le coup du choc. Ces mots résonnaient incessamment dans ma tête.
Mille ans ! Mille ans que je suis inconscient ! Qu'est-ce qu'il s'était passé pour je sois resté endormi aussi longtemps ? 

Je relevai la tête pour scruter un visage lisse aux traits asiatiques ainsi que de longs cheveux noirs coiffés en queue de cheval. D'une brillance incomparable, sa chevelure arborait des ondulations souples et légères.
Des yeux d'une noirceur absolue me sondaient, on aurait dit qu'elle tentait de lire mon esprit.
J'étais comme subjugué par cette apparition.

C'est alors que, sortant de cette torpeur qui me paralysait depuis mon réveil, je remarquai d'autres corps exposé dans des vitrines. Tels des mannequins dépourvus d'âme et de vie qu'on voyait dans les magasins.

- Et je ne suis pas le seul !  M'exclamai-je ahuri.

- Non comme je l'ai dit, il y a aussi toute ta ville, me déclara-elle avec un sang-froid incroyable.

Je la questionnais depuis tout à l'heure et malgré le fait que je la brusquais un peu, elle n'avait eu en aucun cas, une attitude désobligeante envers moi. Elle était d'une patience à toutes épreuves.

- Ce n'est pas étonnant que je ne comprenne pas ce que tu me dis depuis le début alors ! Plaisantais-je sans réelle malice.

J'essayais de me voiler la face mais j'étais en réalité profondément déconcerté et sidéré par cette information.
De plus, le manque de tact et l'indifférence de la jeune fille ne m'avait pas du tout aidé à faire passer la pilule.
L'inconnue ne laissait paraître aucune émotion, elle m'interpella juste en se levant : 

- Suis-moi.

Au vu de mon état, la jeune fille m'aida à me relever sur mes jambes, qui cédaient presque sous mon poids.
Debout, mes pas furent d'abord flageolants puis devinrent de plus en plus assurés.

La brune vérifia que je puisse marcher normalement et rassurée, elle commença à avancer en me faisant signe de la suivre.
Effaré et déboussolé, je la suivis dans le dédale de corps humains entreposés, alors qu'un léger frisson remonta le long de mon échine. Le spectacle était assez lugubre si vous voulez mon avis.

J'essayais de repérer des visages connus, mais elle allait tellement vite que je pouvais à peine jeter un coup d'oeil. 

On marchait, encore, toujours... Là tout était interminable.
Ce n'est qu'au bout de ce qui me parut une éternité, qu'on arriva à une porte qui donna sur une
salle spacieuse, remplie de technologie de pointes.

De couleur ivoire, la pièce disposait d'un grand nombre de matériels informatiques plaqué aux murs, tandis qu'une grande baie vitrée donnait sur les millions de casiers translucides.

L'asiatique se dirigea vers un amassement d'écran, situé dans un coin.

- Alors ce problème est résolu... Marmonna-t-elle.

Elle effaça la notification clignotante puis me demanda : 

- Tu veux que je recherche Élisa ?

À l'entente de son nom, de doux souvenirs me submergèrent. Je pouvais presque voir son visage toujours souriant encadré par ses longs cheveux blonds ondulés et ses mèches blanchies, causées par une dépigmentation de son corps... 

- Alors ?

Sa voix agacée brisa mes souvenirs en mille morceaux, me laissant un peu vide.

- Oui, bafouillais-je.

Elle passa ses longs doigts graciles sur le clavier numérique à une vitesse phénoménale et fit apparaître une image.
Je reconnus immédiatement ses cheveux dorés et son visage aux traits fins.

- C'est elle ? S'enquit t-elle d'un ton presque cinglant.

- Oui c'est elle... M'attendris-je, les larmes aux yeux.

En la regardant, je pouvais ressentir le manque qu'elle provoquait chez moi lorsque je ne la sentais pas à mes côtés.
Je m'approchai de l'écran afin de mieux détailler ma copine mais la brune effaça brutalement l'image.

- Pourquoi t'as fait ça ? M'énervais-je.

- Il faut qu'on y aille, je dois prévenir les Anciens, déclara-t-elle totalement indifférente à ma colère.

"Elle est vraiment asociale mais qui sait, peut-être a-elle un cœur ?" Pensais-je.

Elle se dirigea vers une grande porte blindée, quand d'un coup elle s'arrêta, se retourna et me jaugea en remontant son regard de mes pieds jusqu'à ma tête.

- Par contre... Il va falloir changer ces vêtements. Ceux-là ne vont pas passer inaperçus sinon.

Je baissai les yeux sur mon large jean bleu foncé et mon tee-shirt Green Lantern -allez savoir pourquoi j'avais mis celui-ci mais bon-.

- Pourquoi ? M'étonnais-je.

Malgré mon tee-shirt bizarre, ma tenue était on ne peut plus normale.

- Tu vas voir que les vêtements ont beaucoup changé depuis le temps.

Effectivement, ses vêtements étaient d'un blanc grisé et la matière enduite avait l'air peu confortable.

- Je suis oblig... Essayai-je d'objecter.

Je n'eus pas le temps de répliquer qu'elle fouillait déjà dans un des casiers métalliques de la salle et en sortit une tenue ressemblant à la sienne mais en moins cintrée et plus masculine.
Elle me la tendit.

- Je me change où ? Demandai-je.

- Ici.

- Devant toi ? 

- T'inquiètes pas, j'en ai vu d'autres.

Je n'étais pas sûr que cela me rassure.

- Oui mais c'est un peu gênant.

- Oh là là, vous êtes vraiment pudiques, vous, les Eternalsleep.

Et elle se retourna sans me laisser le temps de lui demander la signification de ce nom.
Je me changeai en vitesse, pliai mes vieux vêtements et me plaçai près d'elle pour la prévenir que j'avais fini.
Elle m'étudia méticuleusement et lâcha un sourire satisfait.

Ça alors, elle pouvait sourire.

- Ah oui j'allais oublier.

Elle me mit dans la main une pilule grisâtre et m'indiqua de l'avaler.
Je l'engouffrai dans ma bouche et déglutis sans demander de l'eau, de peur de me faire envoyer balader.

"Herk, amer."

Je fis la grimace, l'inconnue était visiblement amusée par ma réaction..

- Pas terrible hein ?

Puis elle m'affirma très sérieusement.

- Tu t'y habitueras vite.

Et sans plus tarder, elle ouvrit la porte, sortit en m'entraînant et la dernière chose que je vis, fut le grand vide bleu du ciel.

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