Impact douloureux

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[Point de vue de Brian]

J'ai mal. Ma douleur pulse dans mes veines, dans mon corps tout entier.
Je ne suis plus conscient du monde qui m'entoure, seulement de ma souffrance accablante et omniprésente.

J'essayais d'inspirer et d'expirer calmement afin de moins ressentir l'élancement présent dans chaque cellule de mon corps, mais celui-ci refusait de me laisser en paix, s'intensifiant, au contraire, de plus en plus.
Tenter de reprendre mon souffle était inutile, cela ne faisait qu'empirer la situation et appuyer sur mes côtes déjà bien abîmées.

J'étais plus ou moins lucide d'être allongé sur le ventre, je n'étais pas dans la position la plus adapté pour respirer normalement. Je n'étais pas mort, c'était déjà ça de gagné.

Dans les films, on disait toujours qu'on voyait notre vie défiler devant nos yeux... C'était totalement faux. Je n'avais vu que le sol et uniquement lui, pendant qu'il se rapprochait inexorablement à grande vitesse devant mes yeux.

Cet événement me rappelait ce rêve que j'avais eu lors des mes premiers jours passés à cette époque.

Une chute infernale, éternelle... Dans un ciel sans sol où s'écraser... Sauf que cette fois-ci, je n'avais pas l'aide de cette entité mystérieuse... Ni cette solitude inquiétante.

J'avais été entouré de personne dans la même galère que moi, et m'étais réellement étalé sur la terre stérile, privé de ce secours précieux.

Je ne pouvais m'empêcher de penser à moi... Et à Élisa.
Que voulez-vous, le monde est égoïste. Plongé dans cette espèce de transe, je ne pouvais me concentrer sur autre chose que sur moi-même.

J'avais failli disparaître, devenir poussière, comme j'aurais dû l'être il y a des centaines d'années. Mais j'aurais laissé mon irremplaçable Élisa dans cet univers dangereux et inconnu toute seule.

Néanmoins, j'avais toujours cette angoisse, je ne connaissais pas mon état. Aucun moyen de savoir si j'étais gravement atteint ou "légèrement".

On peut dire qu'une côte cassée serait insignifiant, comparée à une mort tragique et douloureuse. Rien que ça.

Petit à petit,  mon esprit redevint plus clair et arriva enfin à analyser son milieu.

Je faillis céder, me laisser choir au sol à la vue de cette horrible scène.

Le terrain était jonché de corps, certains montrant des angles impossibles avec leur anatomie. Il était inconcevable de deviner qui était encore vivant ou non.

Le plus choquant restait à venir, des gouttes d'eau salée échappèrent à mon contrôle lorsque je vis les personnes étalées par terre non loin de moi.

Ryan était couché sur le dos, une jambe visiblement cassée et les yeux clos.

Lyra, dos tourné à moi, la tête ensanglantée et le visage caché par ses cheveux dérangeants à présent étalés sur ses traits délicats.

La dernière chose qui me venait à l'esprit, était Lyra qui m'avait pris la main et ordonné de sauter 5 mètres avant l'impact.

J'avais bondi malgré ma peur et avais aperçu ma mort prochaine s'approcher à toute hâte.

Je me rappelai avoir crié avant de sentir Lyra se mouvoir et m'entrainer avec elle, puis se fut le trou noir jusqu'à maintenant.

Je comprenais que Lyra m'avait sauvé la vie en essayant de rouler sur le sol pour réduire sa vitesse et éviter de s'enfoncer dans le sol, malheureusement, elle avait aussi fait en sorte de prendre tous les risques en amortissant ma chute je ne sais comment.

Cela changeait des livres ou des films où le gars sauvait héroïquement la fille d'une mort certaine, et que la jeune fille lui était reconnaissante et tombait amoureuse de lui.

Je trouvais juste que c'était un peu humiliant pour moi mais je l'assumais, je n'étais pas une fillette vulnérable, mais non plus cet homme étonnamment fort, intelligent ou rusé.
J'étais moi et cela me suffisait.

J'étais juste honteux de ne pas avoir su réagir de moi-même pour me sauver tout seul et ainsi ne pas mettre en péril la vie de celle qui m'avait protégée.

Je m'en voudrais toute ma vie si j'étais le responsable du décès de la jeune fille. Cela me perturberait et me hanterait jusqu'à ma mort.

Ma tétanie refoulée, je m'empressai de vérifier les signes vitaux de mes deux amis.

Forçant sur mes biceps, je me relevai lentement, douloureusement. J'avais sûrement une côte cassée, ainsi qu'une cheville en mauvais état, je manquais retomber au sol mais serrai les dents et continuai à avancer à petit pas malgré la douleur vers les blessés.

Miraculeusement, mon meilleur ami dodelina de la tête et geigna bruyamment, avec sa discrétion naturelle. Il papillonna des yeux et je le vis tourner la tête quand j'arrivais enfin au corps de Lyra.

Je pris le frêle poignet entre mes doigts et prenais son pouls en imposant mon pouce sur le membre inerte.

Son coeur battait encore. Faiblement, mais elle était bien vivante.
Je m'installai à côté d'elle et arrachai des lanières avec mon tee-shirt pour arrêter l'hémorragie.

La blancheur de mon vêtement ne tint pas bien longtemps, elle se teinta lentement d'un rouge métallique.

Du coin de l'oeil, je remarquai qu'il y avait d'autres survivants en  des personnes gémir ou bouger légèrement. Je ne saurais dire combien ont survécu, trop occupé à tenir la plaie de ma sauveuse.

Ryan lui s'était redressé sur les coudes et m'observait soigner Lyra.
Il tenta de me rejoindre puis constata sa jambe brisée.

Il en lâcha pas l'affaire et en saisissant des débris non-coupants de sa planche de même que des bandes de son haut, il réussit à se faire une attelle de fortune non sans grimace et grognements de douleur.

J'avais arrêté le saignement et entreprenais un bandage plutôt serré sur le cuir chevelu noir ensanglanté.

Je vérifiais la position de la jeune fille, il ne fallait pas qu'elle s'étouffe par mon manque d'attention, rassuré, je me redressai et lâchai un glapissement de douleur en posant mon pied gauche.

Heureusement, cela n'avait l'air d'être seulement une entorse mais c'était douloureux malgré tout.

Je me mis à clotiner précautionneusement sur mon pied valide et m'orientais vers Ryan.

- Comment ça va ? Lui demandais-je.

- Ça pourrait aller mieux mais je m'estime plutôt chanceux... me répondit-il en haussant imperceptiblement les épaules.

- Oui...

Les gémissements des blessés devenait psychologiquement intenables, je fus obligé de soigner les rescapés de l'accident, même si dans ceux-ci se trouvent être mon père et ma demie-soeur.

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