Tension

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[Point de vue de Lyra]

Je savais que prévenir le principal intéressé était la seule solution, mais ça ne réprimait pas ma culpabilité, me demandant si je n'avais pas pris la bonne décision...
Et si je les avais mis dans une situation encore plus délicate ? Jasmine ne leur ferais pas de cadeau.
Et j'aurai été la seule responsable de l'horreur qu'elle ferait subir.

Je ne pouvais m'empêcher de raisonner comme ça. Bien que le père m'assurait que tout se passerait sans aucun problème, mais il fallait tout de même se préparer à toutes éventualités.

L'attente était longue, le professeur prenait son temps pour exposer son plan. Il n'a pour l'instant rien voulu me dire, mais j'espérais qu'on me tienne au courant.

Je piétinais dans le salon, usant son revêtement épuré, marmonnant des mots sans aucun sens.
Le stress ne me réussissais pas, surtout lorsque je ne me défoulais pas, ce qui était le cas, je n'avais pas eu beaucoup de temps pour moi récemment, mon entraînement étant passé au second-plan depuis quelques jours.
Peut-être que si je m'y mettais maintenant, cela passerait plus vite ? Je pense que j'avais largement devant moi, les heures nécessaires.
Je pris donc mes affaires sous mon bras droit, attachais mes longs cheveux en une queue de cheval haute puis me dirigeais vers ma salle de sport. Rien de mieux pour se changer les idées.

*

La nuit était tombée et les étoiles scintillantes se démarquaient de son lit d'une profonde noirceur.

Un après-midi était passé, et les trois hommes n'étaient toujours pas sorti, je décidais de prendre une douche avant de préparer le dîner.

Ils apparurent enfin alors que je coupais les fraises juteuses pour une salade de fruits.
Le plus âgé prit congé et se retira discrètement. J'aurais aimé qu'il m'explique un peu ce qu'ils comptaient faire, j'étais déçue de ce mutisme.

Je ne savais pas si j'avais le droit d'être au courant mais je tentais malgré tout d'en savoir plus. Et pour cela j'utilisais brin évidemment le nouveau gadget que m'avais confié le professeur.

"Alors ? Que comptez-vous faire ? " leur tranmettais-je.

Les yeux se croisèrent, s'interrogèrent jusqu'à ce que leurs propriétaires daignent me répondre.
Le chatain se tourna vers moi puis commença :

" Il nous a dit qu'il ferait croire à Jasmine de sa victoire, en lui donnant un faux produit immortalisant..."

"Mais qu'allez-vous faire pour la télécommande ? " les coupais-je.

Cette fois-ci, ce fut Ryan qui intervint.

"Il a affirmé qu'elle ne pourrait rien faire contre les personnes menacées, qu'il prendrait les précautions nécessaires pour leur sécurité."

"C'est un peu dangereux comme solution, elle pourrait très bien s'occuper d'elles avec ou sans ces dispositions..."

"Nous le savons... Mais nous n'avons pas le choix..."

En face de moi, les deux eurent le regard perdu dans le vide, dénué de toutes émotions.
Ils avaient tout deux quelqu'un a perdre et ils avaient peur. Peur pour elles, de ce qu'ils deviendraient sans elles. Leur survie était primordiale pour leur santé mentale. Ses personnes étaient leur dernier point d'accroche de leur époque. Ils avaient tout perdu.

J'étais en colère.
Contre eux, contre Jasmine, contre l'accident, contre le monde entier mais surtout... Contre moi-même.
Si la bactérie n'existait pas, leurs vies n'auraient pas été bouleversées et détruites.
Si Jasmine ne s'était pas manifesté, ils n'auraient pas peur que leur passé disparaissent.
Si ce monde n'était pas contre eux, ils auraient vécu paisiblement sans problèmes ni épidémies menaçant de tuer leur famille.
Et... Si j'étais capable de protéger mes proches, mes parents seraient encore en vie.

Mes pensées se tournèrent vers les victimes, certains se retrouvaient sans leur entourage, d'autres étaient changés à jamais, ou garderaient des séquelles à vie de leur mauvaise expérience, mais surtout, ils y en avaient qui n'étaient plus là.

Je me rendais compte maintenant que mon existence avait été loin d'être idyllique mais j'avais eu beaucoup plus de chance que la plupart d'entre eux.

Il fallait que je les aide. Je savais ce que c'était de se retrouver désorienté, je les guiderais dans leur nouvelle société. Et pour commencer, la nouvelle génération que nous étions, devait apprendre à apprécier l'ancienne.

*

Je n'arrivais pas à dormir, tous ces problèmes me pesaient, je regrettais ma banale vie d'orpheline qu'on laissait tranquille. Je n'avais pas à me préoccuper d'autant de choses à la fois.
Et puis, se rajoutant à ma longue liste, l'existence du père de Brian m'inquiétais, il m'en voudra de lui avoir encore caché des choses mais ce n'était pas à moi de lui dire ça ! C'était au père de se manifester ! Je ne voyais pas pourquoi il s'enfermait dans cet anonymat alors que je lui avais appris pour son fils.

Il y avait aussi mon envie de partir. Je ne souhaitais pas tisser de nouveaux liens. Je ne voulais pas trop m'attacher.
Aussi, le jour où Élisa sera au côté de son copain, je disparaîtrais de la circulation. Je ne souhaitais pas laisser seul Brian dans le pétrin, mais quand tout sera rentré dans l'ordre, je ne resterais pas, telle est ma décision.

Tous ces songes me maintenaient éveillé, j'avais beau me retourner, sortir des draps, et même utiliser un produit contenant un liquide pour s'endormir, rien n'y faisait. Cela surchauffait tellement mon cerveau que je pouvais presque l'entendre siffler comme un bouilloire.

Je me levais et fis les cent pas dans le séjour. C'était fatiguant, mon corps demandait à dormir tandis que mon esprit m'ordonnait de réfléchir.

Et plus j'essayais de m'assoupir, plus je m'énervais. C'était un cercle vicieux.

J'étais à la limite de me taper contre un des murs quand la douce comptine de ma mère vint à mes oreilles.

Ce soir, oublie ce monde imparfait.
Écoute ton coeur et suis le sans problème.
Il te guidera partout et t'apprendra le sens du mot aimer.

Dors, ne t'inquiète pas mon enfant.
La lune veillera sur toi et la nuit.
Ces monstres ne t'auront pas, si tu crois en toi.

N'ai pas peur de l'obscurité, ou elle t'aura.
Fait confiance à ton instinct et tu sauras.
Le sens de la vie.

Pour moi, cette mélodie était primordiale pour ma santé mentale, autrement, je serais déjà parti dans une dépression depuis longtemps.

Je n'eus pas le temps de penser à autre chose que l'obscurité m'attrappa petit à petit.

EternalsleepOù les histoires vivent. Découvrez maintenant