Un paternel enfin causant

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[Point de vue de Brian]

- T'inquiète pas fréro, je ne regardais pas moi non plus.

Je restais tétanisé à la vue de ma demi-soeur, comme si le fait de ne pas bouger me rendrait invisible.

"Eh ben non Brian, vu sa gaieté alors qu'elle te regarde dans les yeux, tu es parfaitement apparent..."

Me reprenant peu à peu, je sortis lentement de ma torpeur et commençai à bafouiller quelque chose d'indéchiffrable. C'était bien ma veine tiens ! Il fallait que je tombe sur elle.

- Je... Tu... Mai... Qu...

Son sourire amusé s'élargit largement tandis qu'elle prononça :

- Si je ne t'avais pas en face de moi, je croirais entendre un bambin de deux ans.

Nullement vexé, je levais les yeux au ciel, me retenant de serrer les poings jusqu'à m'en planter les ongles dans la peau.

- Tu n'as pas autres choses à faire que de venir m'embêter tout le temps ? Rétorquais-je. Tu n'as pas de vie sociale ?

Piquée au vif, je la vis perdre son rictus suffisant et protester hâtivement à mon attaque non-dissimulée.

- J'ai une vie de famille et un entourage bien présent comparé au tien.

Ouch ça faisait mal... Malgré le fait que sa menace ne me touche pas tant que ça, elle n'y allait pas de main-morte quand elle était froisée la harpie.

J'ignorais sa réflexion dédaigneuse et lui rendis la pareille :

- Le mien me convient parfaitement. Tu les dis présent mais si je me souviens bien, on m'a affirmé que tu n'étais pas si entouré que ça.

Elle tiqua imperceptiblement puis se reprit bien vite, elle me lança un regard noir n'y trouvant rien à redire et décampa telle une princesse.

Je soupirai bruyamment, croyez-moi, elle était plus que fatigante lorsqu'elle s'y mettait...

Personnellement, je n'arrivais pas à voir notre lien de parenté tellement nous avions des convictions et des caractères diamétralement opposés.

Je ne parvenais toujours pas à croire que mon père ait fondé une nouvelle famille, j'ai dû vivre sans aide masculine, bien que ma mère se soit parfaitement débrouillé seule. Mais je regrettais que mon paternel n'ait été qu'une histoire d'un soir...

Attendez...

Un détail me titillait... Le professeur Egnarts et Jasmine m'ont toujours affirmés qu'ils connaissaient mon existence... Alors ça voulait dire que... Celui-ci m'avait volontairement ignoré !

Une rage sourde s'empara de moi, il nous avait sciemment abandonné ! Il m'avait laissé résoudre mes problèmes lors du cancer de ma mère !

Je pensais que je ne pourrais rien ressentir d'autre face à lui à présent mais je me trompais. Ma colère s'évanouit bien vite laissant place à une peine immense.

Je savais que je n'étais pas responsable, mais... Il n'empêche que j'éprouvais une sorte de culpabilité non-fondée, allez savoir pourquoi.

Je me ressaisis immédiatement et conclut que mon départ tout neuf devait commencer par le chemin de la vérité, plus de mensonges, plus de cachottteries, j'en ai assez souffert. Je joignis la pensée au geste et me dirigeai illico presto vers mon exécrable géniteur.

*

- Est-ce que je pourrais vous parler s'il vous plaît ? Demandais-je aimablement d'un ton agacé.

L'homme se retourna lentement et afficha une expression stupéfaite en reconnaissant la voix de celui qui le hélait.

"Ça t'étonne que je veuille te parler, hein papa ? "

- Oui ? Que veux-tu Brian ? Me posa-t-il la surprise passée.

- Je peux te parler... Seul à seul, précisais-je en lançant un regard entendu aux alentours.

Curieux, il s'exécuta en s'excusant auprès de ses interlocuteurs. Il me suivit jusqu'à ce que je trouve un endroit calme et tranquille.

D'abord silencieux, il m'interrogea bien vite sur les raisons de mon interpellation, je ne voulais pas tourner autour du pot, je n'en avais ni l'envie ni la patience, aussi j'allais directement droit au but.

- Comment as-tu rencontré ma mère ?

La consternation et le choc marquèrent ses traits, aussitôt changé par de l'appréhension, que craignait-il ? J'allais bientôt le savoir.

- Pourquoi veux-tu connaître cette histoire ? Dit-il tranquillement.

Son attitude jurait affreusement avec son intonation, qu'il essayait de faire croire indifférente. Bien sûr le résultat était totalement raté.
Demeurait devant moi, une sorte de pantin grimaçant avec une voix sans émotions tel un ordinateur répétant bêtement son texte.

J'haussais les épaules indifféremment, bien que ce soit d'une importance cruciale pour moi de juger avec ma propre opinion.

Il me fixa intensément comme pour me défier d'aller chercher moi-même ces précieux renseignements, une oeillade à laquelle je tenais tête effrontément. Je me refusais de perdre cette bataille. On m'avait suffisamment caché de choses dans ma vie, un père, une demi-soeur, une famille...

Il soupira, vaincu, j'avais gagné et étais à présent tenu en haleine par son silence. Heureusement, il ne le garda pas longtemps et pris la parole bien rapidement.

- Je l'ai rencontré dans un café où l'on se rendait mutuellement tous les jours sans faute. L'attirance était bien présente et palpable mais on n'osait pas se parler. On a dû s'observer ainsi pendant de long mois avant que je me décide à me présenter auprès d'elle.

Un sourire radieux se dessina sur des lèvres, adoucissant son visage et son air froid. Il me renvoyait l'image exacte du père que je me faisais secrètement petit. Un papa aimant, tendre bienveillant... Une illusion bien loin de la réalité lorsqu'il reprit son récit, et avec lui son masque naturel.

- Nous nous sommes immédiatement bien entendu et avons commencé à nous fréquenter régulièrement.

- Mais maman m'a pourtant affirmée que vous ne vous êtiez vu qu'une seule fois et qu'après tu avais disparu de la circulation, le coupais-je.

- C'est ce qu'elle essayait de te faire penser... La vérité est bien distincte de cette chimère, crois-moi...

Un voile de regret apparut et avec elle la culpabilité qui déforma ses traits.

Que s'était-il passé de si horrible qui puisse le mettre dans cet état ?

- Qu'as-tu fait ? Demandais-Je d'une voix douce.

Il ne me répondit pas et continua de regarder le sol comme s'il était la huitième merveille du monde.
Je réitérais ma question quand quelques secondes furent écoulées.

Enfin, après ce qui me sembla durer des heures, il osa relever le menton et m'avouer.

- La pire chose qu'un homme puisse faire à sa femme.

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