Jour 5-3

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            Après avoir présenté des excuses qu'il jugeait humiliantes, et avoir entendu son chef de peloton lui répondre estimer qu'il n'était qu'un parvenu se cachant derrière le nom de son père, Vincent passa le reste de la journée à lire des notes de service et à les étudier, avant de les classer par catégorie et de les résumer à la Capitaine dans un mail concis, puis d'attaquer la planification des prochaines séances de tir, le tout dans un silence quasi religieux.

Soudain, sans prévenir, à vingt et une heures, la Capitaine referma l'écran de son ordinateur portable et le rangea avant de se lever. Devant le regard interrogateur du soldat, elle posa ses mains sur les hanches en souriant.

<< — Ben quoi, nous n'allons pas passer la nuit ici, non ?

Vincent l'observa, dubitatif.

— Bah, je ne sais pas... Vous sembliez motivée pour faire une nuit blanche...

La Capitaine ouvrit de grands yeux d'étonnement.

— Moi ? J'attendais un signe de ras-le-bol de votre part, soldat.

— Ha...

Se relevant d'un bon, Vincent répondit.

— Bah alors, j'en ai marre, Capitaine !

— Bien, alors rentrons chez nous.

Ils quittèrent le bureau et montèrent dans la Clio du soldat, avant de prendre la route. La radio couvrait à peine les cris de faim de l'estomac du jeune homme, ce qui faisait sourire la Capitaine alors qu'elle lui indiquait la route à suivre pour la déposer chez elle.

Une fois arrivés, elle lui ordonna de couper le contact de la voiture et de venir avec elle. Gêné, il répondit timidement.

— Ce n'est pas que vous n'êtes pas attirante, mais si vous venez vraiment vous aussi de vous faire larguer, se réconforter mutuellement n'est pas une bonne idée... Et si c'est pour le boulot, j'ai plus envie...

La Capitaine l'observa quelques secondes, surprise, avant d'exploser de rire, tandis que Vincent prenait un air vexé.

— Vous n'y êtes pas du tout, soldat. Je vous invite à la pizzeria qui est sur le trottoir d'en face.

Tournant la tête pour regarder le restaurant rempli de couples et de familles, Vincent réfléchit quelques secondes avant de donner sa réponse.

— Non, merci Capitaine

— Je n'ai pas dit que c'était une demande. C'est un ordre. À cause de moi vous avez fini très tard. Alors en compensation, laissez-moi au moins vous offrir autre chose qu'un plat aux micro-ondes pour célibataire en guise de diner.

— Présenté comme ça...

Vincent sortit de sa voiture et l'accompagna.

Assis devant leurs assiettes, leurs verres remplis d'un bon vin, la barrière des grandes restait pourtant bien palpable dans le lourd silence de leur face-à-face, jusqu'à ce que la Capitaine se décide à briser le silence.

— Alors, comment vous êtes-vous trouvé célibataire.

Surpris par la question, Vincent prit le temps de réfléchir avant de répondre.

— Je l'ai quitté parce qu'elle me trompait.

— Comment l'avez-vous découvert ?

— En rentrant du dernier bivouac, je l'ai trouvé en levrette avec un autre mec.

La Capitaine reposa lentement son verre avant de répondre.

— Ha, forcément, il y a peu de doutes à avoir.

Portant son verre à ses lèvres Vincent demanda à son tour.

— Et vous ? Comment vous êtes-vous retrouvée célibataire ?

— De la même façon...

— Il avait une maitresse ?

— Non, c'est lui qui était à quatre pattes.

Alors qu'il venait de boire une gorgée, Vincent recracha son vin par le nez.

— Merde ! Ça a dû vous faire un sacré choc !

— C'est le moins qu'on puisse dire...

— Et puis, il y a de quoi perdre confiance en soi et se remettre en question...

— Non. Je savais depuis le début qu'il était bisexuel.

— Ha... Alors vous aimez le risque...

— Comme vous, Mordu.

Le jeune homme la regarda avec surprise.

— Je vous demande pardon ?

— La façon dont vous avez parlé au Lieutenant. C'est dangereux pour vous.

Vincent haussa les épaules.

— Je sais. Mais d'un autre côté, ma carrière ne décollera jamais à cause de mon nom, alors que je ne l'utilise pas. Alors forcément, quand on me reproche de m'en servir pour me protéger, ça m'énerve...

— Je comprends... Mais il faut savoir faire preuve de diplomatie aussi.

— Ho, croyez-moi, capitaine, j'ai été très diplomate, par rapport à ce que je voulais vraiment lui dire...

— C'est l'amour fou, tous les deux.

— J'attends toujours qu'il me demande en mariage...

La Capitaine explosa de rire, avant de se resservir de la pizza.

— Vous pourriez être surpris... C'était lui, l'amant de mon ex...

— Ho putain... Ca craint grave...

— Et encore, vous ignorez qui est mon ex.

— Pas le commandant d'Unité, mais au minimum un capitaine...

— Le Commandant D'Unité de l'Escadron de Commandement et de Logistique...

Vincent joignit lentement les mains, pensif.

— Et bah... Il va de soi que je garderais tout pour moi.

— Je vous en serais grée. >>

Le reste de repas se fit en parlant de tout et de rien, mais en évitant surtout de parler de la famille, des relations sentimentales et du boulot.

Comment J'Ai Épousé Mon Commandant d'UnitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant