Jour 195

511 32 4
                                    

            Le vendredi matin, pour le rassemblement régimentaire, Vincent et Arthur étaient tous les deux en tenue de défilé, à attendre d'être tour à tour décorés et promus. La cérémonie dura deux heures, et Vincent comme Arthur ne purent se rappeler de rien sauf de leur passage sur la place d'armes régimentaire.

Ils avaient été cités et décorés au titre de la Brigade, avaient reçu une lettre de félicitations signée d'un Général et une autre du Président de la République, puis promus au grade de Brigadier. Le Chef de Corps avait eu un mot gentil pour chacun d'eux en même temps qu'il leur remettait ce qui leur revenait.

Alors qu'Arthur était fier au possible, Vincent ne put s'empêcher de penser que c'était trop. Il y avait plein de ses collègues qui faisaient pareil et même plus en Opex, et qui n'en recevaient pas autant.

Subitement il comprit. Ils étaient la publicité dont le Président avait besoin pour justifier l'augmentation des capitaux attribués au Ministère des Armées. Ils n'étaient pas plus méritants que d'autres, ils avaient juste été là où il fallait quand il le fallait pour que ça arrange les autorités qui avaient besoin de bons exemples et de justifications pour leurs dépenses.

Gardant son sourire de circonstance, il garda aussi cette information pour lui, pour ne gâcher le bonheur ni d'Arthur ni de Mégane et de son père. Mais un gout amer s'était glissé dans sa bouche.

Dans l'après-midi, tandis que Mégane se préparait tranquillement à la soirée du bal régimentaire, elle s'arrêta devant la salle de bain. Vincent y faisait face, comme tous les jours, à son reflet dans le miroir, le regard froid, l'air songeur, et la main caressant parfois sa joue.
La jeune femme savait ce qui dérangeait son compagnon, mais elle n'avait pas trouvé comment aborder le sujet.

— Tu comptes m'espionner encore longtemps, ou bien tu vas enfin me dire pourquoi tu t'inquiètes ?

Mégane entra dans la pièce avant de lui répondre.

— Ton visage te dérange, n'est-ce pas ? Je le vois bien à ta façon de te scruter à longueur de temps... Je peux enlever les cicatrices avec du fond de teint si tu veux...

Vincent échappa un petit soupir, avant de sourire et de lui répondre.

— Non, je te remercie. J'ai juste encore un peu de mal à me faire à mon nouveau visage... Non pas que je sois défiguré, mais ce n'est plus tout à fait moi non plus... Je dois m'y trouver, pour me retrouver, tu comprends ?

Mégane acquiesça en silence. Le visage du jeune homme avait été lacéré par les éclats de céramique, et la moitié droite de celui-ci semblait comme constellée tandis qu'une balafre partait de sa paupière inférieure jusqu'au milieu de sa joue, qu'une seconde lui barrait les lèvres et qu'une troisième parcourait son menton.

Elle embrassa doucement son homme sur l'épaule avant de retourner dans la chambre pour s'apprêter.

En début de soirée, ayant eu pour consigne d'arriver en dernier, Vincent, Mégane et leurs familles attendaient dans leurs véhicules qu'il soit vingt heures pour faire leur entrée au bal régimentaire.

Engoncé dans sa TDF aux médailles fraichement agrafées et aux galons nouvellement enfilés, le militaire dévorait sa passagère du regard. La jeune femme portait une magnifique robe de soirée dont le dos nu frôlait l'indécence, dont le décolleté appelait le vice, et dont l'ouverture latérale de la robe dévoilait une jambe merveilleusement galbée qui guidait le regard jusqu'à des fesses à la fermeté que bien des femmes allaient jalouser. Ses cheveux coiffés en un magnifique chignon, dont quelques mèches dépassaient volontairement, offraient son merveilleux cou à la vue de tous, et était judicieusement mis en valeur par des boucles d'oreilles pendantes et un discret collier en or. Son visage, légèrement maquillé, était, comme à son habitude, souriant et chaleureux, et plus Vincent la dévisageait, plus le sourire s'étendait.

Comment J'Ai Épousé Mon Commandant d'UnitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant