Jour 291

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L'enterrement de Gwendolyn eu lieu le vendredi suivi, cinq petits jours pendant lesquels sa famille apprit à connaitre Mégane et Vincent, une petite semaine pendant laquelle Mégane passa son temps complet à l'hôpital, comme n'importe quelle mère. Sur les conseils insistants de l'équipe des sages-femmes, elle entreprit même de donner le sein à Elliot, jusqu'à pouvoir l'allaiter. Si Vincent et elle savaient que ce phénomène existait, ils n'auraient jamais cru le voir se produire, et ce fut en pleurs que la jeune femme se senti enfin pleinement mère, tandis que Vincent achetait en urgence de quoi soulager les douleurs qu'elle pouvait ressentir.

Après l'enterrement, les Dupont vinrent passer quelques jours chez les jeunes parents qui entreprirent de les présenter à leurs familles respectives, et malgré certaines tensions palpables au moment des salutations, la présence du nourrisson apaisa vite tout le monde. Le Général Louis Antoine Monterry cajolait Elliot, semblant soudainement bien chétif dans les bras du colosse, et le regardait avec un sourire béat sur les lèvres.

— Il est magnifique... Vraiment magnifique...

Relevant la tête, il chercha les Dupont du regard et reprit.

— Je sais que ça doit être compliqué pour vous, compte-tenu des circonstances, mais je veux que vous sachiez que je vous suis reconnaissant de ce merveilleux cadeau, et que vous serez toujours les bienvenus ici. Vous êtes de la famille, maintenant.

Liane Dupont, qui avait sorti la tenue des grands soirs et se retrouvait face à des gens en tenue plus décontractés et moins engoncés, garda malgré tout sa contenance en répondant aussi gentiment que possible.

— Je vous remercie, et j'en prend bonne note. Même si votre gendre nous a clairement signifié que ça ne serait pas en un claquement de doigt, ni même pas avant plusieurs années.

Reposant sa bière, l'intéressé répondit avec calme.

— Parce que je le pense. Il est plus simple pour les grands-parents, pas impactés directement, de sympathiser. De mon côté, vous m'avez quand même accueilli avec une gifle magistrale qui me chauffe encore la joue rien que d'y penser.

Tout le monde regarda Liane et Vincent tour à tour tandis que le jeune homme se penchait en avant en plantant ses yeux dans ceux de son ex-belle-mère.

— Soyons clairs. Je ne vous en tiens pas rigueur. Vous n'aviez qu'une seule version des faits, tronquée qui plus est. Et moi le premier, je préfèrerais croire mon enfant innocent, voir parfait. Mais après les explications de Gwen, vous ne m'avez pas présenté d'excuse, à l'inverse de votre époux. Et après que j'a joué à Spider Man et mis ma vie en danger pour essayer de sauver celle de votre fille, vous ne m'avez toujours pas présenté d'excuse ou remercier, toujours à l'inverse de René. En fait, je ne sais même pas si vous l'avez remarqué, mais je n'ai même pas le droit aux formules de politesse de base, comme bonjour, au revoir, s'il vous plaît et merci. Alors oui, de mon côté, tant que vous aurez ce comportement à mon égard, ça risque de prendre du temps. Avez-vous quelque chose à répondre à tout ceci ?

Liane balbutia et Vincent la coupa.

— C'est bien ce que je pensais. Donc si vous le permettez, je vais aller fumer, et ensuite je vais profiter que d'autres s'occuper d'Elliot pour aller faire une petite sieste avant le déjeuner.

Vincent se leva sans un mot de plus pour aller sur la terrasse où il s'assit en s'allumant une cigarette dont il recracha la première inhalation les yeux fermés. Quand il entendit le bruit d'une chaise se déplacer à sa droite, il prit les devants.

— Je te demande pardon pour le malaise, ma chérie, mais je ne supporte plus cette situation... Je me sens déjà assez responsable de ce qui est arrivé à Gwen sans que sa mère m'en remette une couche à chaque fois... Elle a de la chance que je tienne à ce qu'Elliot connaisse toute sa famille, sinon je la renverrais à Lille à coups de pieds dans le cul !

— Gwen m'avait dit que vous affectionniez les coups de pieds au cul, effectivement.

Surpris, Vincent se redressa d'un coup avant de dévisager la femme à sa droite, le visage exprimant une stupeur non feinte.

— Madame Dupont ?

Celle-ci lui offrit un sourire timide mais franc.

— Plus de « ma chérie » ?

— Disons que si j'avais su que c'était vous, je n'aurais pas dit « ma chérie » ... En fait, je n'aurais peut-être pas tenu tout à fait le même discours...

— Et donc je n'aurais pas su exactement ce que tu penses. Alors à mon tour d'être franche. Bien sûr que je t'en veux, et qu'une part de moi te tient pour responsable. Un coin de mon esprit n'arrête pas de se dire que si tu n'avais pas lancé ces démarches pour Mégane, ma fille serait encore en vie. Seulement nous ne le saurons jamais... Visiblement, je ne connaissais pas bien Gwendolyn et ses démons...

— Elle avait aussi des qualités, hein...

Liane sourit.

— Je sais, et heureusement. Toujours est-il qu'il va me falloir du temps pour surmonter tout ce que je viens de vivre...

Opinant du chef, Vincent répondit.

— Ça coule de source, et c'est pour ça que je me montre patient.

Faisant tourner sa chaise, il posa une main sur celles, jointes, de Liane.

— Ecoutez, je ne vous demande pas de m'aimer. Je vous demande qu'on essaye de vivre en bonne intelligence pour Elliot. Parce que quoi qu'il arrive, c'est lui qui en souffrira. Et si j'ai d'autres enfants un jour, ils ne seront pas ses demi-frères et sœurs, et donc j'espère qu'ils seront de vrais petits enfants à vos yeux. C'est pour ça que Mégane a proposé qu'on fasse tout pour vous intégrer pleinement à nos familles.

Liane haussa les sourcils d'étonnement.

— C'est l'idée de Mégane ?

Souriant, Vincent répondit.

— Elle est très intelligente et a un cœur en or. En attendant, si j'ai l'impression que la greffe se passe bien, j'ai vraiment le sentiment que vous me rejetez, juste parce que c'est moi... Mais si vous aviez accepté de lire les documents que Gwen a signé, il était stipulé dedans qu'elle avait un droit de visite total et qu'avec le temps un droit de garde était envisagé. Je n'ai jamais voulu lui arraché Elliot. Enfin, si, au début, quand j'étais en colère, mais plus après. Là aussi grâce à Mégane... Elle voudrait que nous soyons une grande famille. Bizarre, certes, mais une famille quand même, alors que techniquement rien ne l'y oblige. Je dirais même plus, elle a tout à gagner à vous exclure de la vie d'Elliot, et pourtant, elle veut que vous y soyez. Alors même si vous avez perdu votre fille, vous avez gagné quelqu'un qui ne souhaite pas vous laisser sur le côté de la route. Donc ne nous tournez pas le dos, s'il vous plaît...

Les yeux de Liane s'étaient troublés au fur et à mesure de l'explication de Vincent, et quand il eut fini, celle-ci pleurait en silence. Sortant un mouchoir de son sac à main, elle vida ses sinus avant de répondre.

— Je te demande pardon... J'ai donné dans le cliché de la belle-mère acariâtre, je suis désolée...

— Pas autant que moi, mais je ferais avec...

— Pourrons-nous repartir à zéro un jour ?

Haussant les épaules, le jeune homme répondit avec laconisme.

— On peut essayer dès maintenant si vous voulez.

— Alors il va falloir me tutoyer et m'appeler Liane.

Vincent fit une grimace avant de préciser.

— Je vouvoie toujours les parents de mon meilleur ami, alors je ne peux rien garantir, mais je vais essayer...

— Merci.

Sans un mot de plus, Vincent se releva et tendit son bras à Liane qui le prit, et ils retournèrent tous deux dans le salon sous le regard bienveillant de Mégane qui allaitait Elliot.


Comment J'Ai Épousé Mon Commandant d'UnitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant