Jour 58

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            Le lundi matin, le Chef de Corps passa comme convenu boire un café dans le bureau de la Capitaine, et il y trouva en effet le première classe Mordu, en treillis et s'affairant sur des notes de service. Ce fut le seul évènement distrayant de la semaine que Vincent passa aux examens de présélection pour l'EMIA, à l'exception des épreuves physiques dont il était dispensé.

Le vendredi matin, le Colonel s'invita de nouveau boire café. Tendant la main vers la tasse qui lui était tendue, il dit innocemment.

— J'ai reçu un coup de téléphone vous concernant, ce matin, Mordu.

Alors qu'il servait le Colonel, le soldat redressa la tête. Son visage n'avait plus qu'une teinte jaunâtre, et son œil était enfin tout blanc.

— Vraiment ? De qui ?

— Le Général responsable de l'école de Saint Cyr.

— Ho...

Le ton neutre du Colonel n'augurait rien de bon.

— Je suis recalé, c'est ça ?

— Du tout. Il est de passage dans la région ce week-end et souhaiterait vous rencontrer. Il aimerait vous faire intégrer la prochaine session, mais voudrait vous faire passer un entretien de motivation personnellement avant. Une formalité, quand on vous connait.

Vincent reprit la tasse de café des mains du Colonel et la but d'un trait sous le regard dubitatif du gradé, avant d'aller s'assoir sur sa chaise. Mégane se leva et alla poser ses mains sur les épaules de son compagnon.

— Tout va bien se passer, ne t'en fais pas.

Agar, le jeune homme murmura.

— J'ai réussi...

— Oui mon chéri. Tu as réussi.

Vincent sortit de sa léthargie et fixa le Colonel.

— Quand et où doit avoir lieu le rendez-vous ?

— Un petit restaurant que le Général affectionne, samedi soir. Tenue civile correcte de rigueur, cela va de soi. Et seul. Sans en parler, c'est très informel. Maintenant, je vais vous laisser.

Vincent fixait le mur alors que Mégane le dévorait du regard, et le jeune homme réalisa qu'il avait une question à poser depuis quelques jours. Alors que le Colonel s'apprêtait à quitter la salle, il l'appela.

— Mon Colonel, attendez !

— Oui, qu'il y a-t-il ?

— À l'issue du combat contre le Capitaine, quand vous m'aidiez à me rendre à votre voiture, vous avez dit à mon père que la pomme n'était finalement pas tombée loin de l'arbre. Qu'est-ce que ça voulait dire ?

Le Colonel soupira en refermant la porte.

— Votre père aussi a eu un contentieux avec un officier. Quand vos parents se sont mariés et qu'il a souhaité poser des permissions, son chef de peloton lui a dit que ce n'était pas nécessaire parce que, con comme il était, sa femme divorcerait vite. Votre père lui a immédiatement sauté à la gorge.

— Qu'est-il arrivé à mon père ?

— Il a pris trente jours d'arrêt.

— Et l'officier ?

— Il a eu la mâchoire et le nez fracturés. Et depuis ce jour, je n'ai plus manqué de respect à un subalterne. Jamais.

Vincent regardait le Colonel avec deux yeux ronds, et celui-ci lui fit un clin d'œil avant de sortir du bureau.

Dès que la porte fut fermée, Mégane lui sauta au cou, et Vincent se sentit le plus chanceux des hommes. Sa compagne était merveilleuse, et sa carrière décollait enfin.


Comment J'Ai Épousé Mon Commandant d'UnitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant