Jour 703

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Il s'était écoulé plus d'un mois depuis le retour des blessés d'Opex, l'escadron léchait encore ses plaies et pleurait encore ses blessés et ses morts, et aujourd'hui Mégane appréhendait encore plus le rapport du matin que les jours précédents. Non pas parce qu'Arthur et les autres « blessés » légers reprenaient le travail aujourd'hui, mais parce qu'elle recevait officiellement le commandement de l'escadron, et que ça demande de commandement de quatre ans au lieu de deux avait été acceptée. Elle se tenait dans le bureau partagé du Commandant d'Unité et de l'Officier Adjoint, en treillis de défilé et son tricorne (Équivalent du képi pour les femmes) à la main, face au Commandant d'Unité sortant qui lui souriait avec bienveillance. Le Capitaine Raoul lui tendit un trousseau de clés qu'elle regarda, dubitative. Le porte-clés était fait à l'aide de la pucelle (Emblème d'un escadron et/ou d'un régiment) de l'escadron et comportait trois clés.

— Tiens Mégane, c'est pour toi. Les clés du CDU. La porte, l'armoire forte (Armoire blindée contenant les dossiers des personnels) et le tiroir de mon bureau dans lequel je range la caisse noire de l'escadron. C'est à toi maintenant.

La jeune femme les prit lentement avant de le remercier.

— Allez, ne t'en fais pas, tu vas gérer ça d'une main de maître, comme tu l'as fait pendant que je n'étais pas là. Et puis, j'ai cru comprendre que ton fiancé voulait reprendre son escadron ici, non ?

— Oui... Il y est visiblement très attaché... Je crois que pour réussir à l'en faire partir, il faudrait que l'escadron déménage en fait...

Les deux Capitaines rirent de bon cœur, savourant cet instant d'innocence devenue si rare depuis que les trois quarts de leurs effectifs avaient disparus au Mali, puis le Capitaine Raoul reprit.

— Tu sais que je t'ai mis un avis défavorable pour ta demande de quatre ans de commandement ?

— Bien sûr, que crois-tu. Je l'ai même lu.

— Je pense que tu mérites mieux et que tu vas mettre un frein à ta carrière en faisant ça.

— Nous verrons bien...

Le Capitaine Raoul fit un petit sourire en coin avant d'ajouter.

— Ce ne serait pas par hasard parce que tu voudrais partager de nouveau ce bureau avec Mordu.

Mégane passa son éternelle mèche de cheveux derrière son oreille en rougissant avant de murmurer.

— Je suis percée à jour...

Le Capitaine rigola avant de se diriger vers la porte.

— Allez, c'est ton heure de gloire. Enfin, si on prend en compte les challenges régimentaires, je devrais plutôt dire « C'est ton heure de gloire, encore et encore » ...

— Bof... J'ai juste la chance d'avoir eu une période de dynamisme pour l'escadron...

— Lancée par ton fiancé.

— Aussi...

Ouvrant la porte, le Capitaine Raoul mit fin au débat.

— De toute façon, quelque chose me dit que ça se reproduira...

Vingt minutes plus tard, ils se tenaient tous les deux devant l'alvéole de l'armurerie pour percevoir leurs PA (Pistolet Automatique), puis l'escadron perçut derrière eux avant de se rassembler dans l'ordre du toit (Au sen des grades, du plus grand au plus petit), d'être rejoins par le porte-fanion (Équivalent d'un porte-étendard, mais à hauteur d'un escadron, le fanion étant l'équivalent d'un étendard mais au niveau d'un escadron et non d'un régiment) puis d'être mis au garde à vous et au présenter armes. Le Capitaine Raoul, qui avait célébré son départ avec ses hommes la veille toute la journée, ne refit pas de discours et se contenta de mettre l'escadron en marche en direction de la place d'armes régimentaires en chantant le chant de l'escadron, « Le Chant des Marais » tandis que Mégane partait prendre la place qui était la sienne le temps de la cérémonie.

Parmi les cadres sans troupes (Invités, civils et représentants de catégories notamment) qu'elle observa à la dérobée, La future Commandant d'Unité vit sa famille, Arthur en tenue de défilé et Antinéa, ainsi que Vincent en tenue également, une poussette à ses côtés et Elliot dans ses bras. Même si l'enfant âgé d'à peine un an ne devait pas comprendre ce qu'il se passait, son père l'avait orienté dans sa direction et, la main du garçon dans la sienne, adressait un coucou discret à sa fiancée, lui arrachant un large sourire au passage.

La passation du flambeau, symbolisée par celle du fanion, se déroula à merveille, et quand tout fut terminé et que l'armement eut été réintégré, Mégane couru rejoindre sa famille pour les enlacer, en commençant par son fils et son futur époux.

— Je croyais que tu ne pourrais pas te libérer !

Souriant, l'élève officier haussa les épaules.

— Il semblerait qu'un Général ait appelé une Générale pour me permettre d'y aller, alors je ne vais pas pleurer, pas vrai ?

Mégane sauta alors au cou de son père en le remerciant de nombreuses fois avant d'aller embrasser chaque membre de sa famille ainsi qu'Arthur et Antinéa, puis de tous les diriger vers le lieu de réception pour leur présenter le Chef de Corps.

En fin de journée, Mégane et Elliot se tenaient sur le quai de la gare devant Vincent qui les dévorait du regard.

— Chaque journée avec vous est une bénédiction trop courte à mon gout...

La jeune femme sourit avant de répondre.

— Allez, dis-toi qu'il te reste seulement deux-cent-soixante-quatorze jours à tirer et après c'est fini, d'accord ?

Vincent sourit de plus belle tandis qu'Elliot lui tendait les bras. Le jeune homme les étreignit une dernière fois en murmurant.

— J'ai hâte de ne plus avoir à partir...

— Nous aussi...

— Je t'aime... Et je vous aime...

— C'est pareil ici.

Redressant leurs têtes, le couple s'embrassa puis Vincent déposa un baiser sonore sur la joue de son fils qui rigola, après quoi il embarqua dans le train en silence, pressé de revenir les retrouver.

Comment J'Ai Épousé Mon Commandant d'UnitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant