Jour 299 - 1

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Le lendemain, sur l'emplacement du rapport, Vincent se tenait face au commandement avec ses camarades alors que le Lieutenant prenait la parole.

— Bonjour à tous. Comme vous l'avez constaté, le Sous-lieutenant Mordu est de retour parmi nous, et il m'a semblé comprendre que vous aviez bien fêté la chose. J'espère pour vous que vous avez dormis un petit peu, parce que les cours de ce matin seront soporifiques et malgré tout extrêmement important. A compter d'aujourd'hui, vous n'êtes plus seulement en concurrence avec les autres pelotons semi-directes, mais aussi avec les élèves directes qui sont là, eux, pour trois ans. Leur première année étant terminée, le commandement part du principe qu'ils vous valent. C'est insultant, non ? Toujours est-il que lors des manœuvres à venir, vous aurez parfois à les affronter aux côtés de vos camarades semi-directes, ou à l'inverse à faire équipe avec eux. Pour cela, l'armée française dans sa grande mansuétude a investi dans du matériel de pointe, et c'est ce sur quoi porte le cours à venir. Aussi, sans idée de manouvre, direction la salle de cours.

Le peloton rompit les rangs pour se mettre en route quand le Lieutenant héla Vincent.

— Mordu, venez ici je vous prie.

L'élève-officier vint se mettre au garde à vous avant que le Lieutenant le mette au repos et lui tende une cigarette. Vincent observa tour à tour la tige de tabac séché et le cadre quand celui-ci lui sourit.

— Il n'y a pas de piège, je voudrais juste que nous ayons une discussion... Informelle...

Rassuré, Vincent prit la cigarette et l'alluma, imité du Lieutenant puis de l'Adjudant qui venait de les rejoindre. Expirant sa première bouffée, celui-ci prit les devants.

— Mordu, ton père, ton beau-père, ton chef de corps et la Générale nous ont tous contacté la semaine dernière. Comment te sens-tu ?

Haussant les épaules, le jeune homme répondit d'un ton laconique.

— Comme un jeune père qui préfèrerait être chez lui, mais qui va serrer les dents.

— Ne me prends pas pour un con, Mordu !

Le Lieutenant posa une main apaisante sur l'avant-bras de son Sous-Officier Adjoint avant de parler à son tour.

— Nous parlons de ton ex-compagne.

Vincent se rembrunit immédiatement en baissant les yeux.

— Que voulez-vous que je dise ? Je n'ai pas su deviner sa détresse, j'ai le sentiment de l'avoir poussé au suicide, et je reste persuadé que si j'avais dormi à l'hôpital, j'aurais pu lui sauver la vie... Mais ça va, je gère comme un grand, merci... Je dirais même que maintenant, j'ai un avantage de plus sur mes camarades. Je savais déjà ce que tuer et mourir ou presque signifiait, maintenant je sais ce qu'échouer à sauver une vie signifie... Si avec tous ces points en plus je ne finis pas major de promo, je ne sais plus quoi faire.

L'Adjudant gronda.

— Tu ne seras pas major. Je ferais tout pour t'en empêcher.

Souriant, Vincent expira sa fumée.

— Je ne sais pas pourquoi vous m'aimez autant, mais peu importe. J'ai choisi de me construire un destin, et si je veux l'atteindre, j'abattrais tous les obstacles, vous inclus.

Subitement, le sourire du jeune homme s'effaça tandis que son ton devenait froid.

— Votre numéro d'intimidation ne fera que me motiver plus et plus encore, parce qu'une vie sans obstacles ni adversité ne m'intéresse pas. Vous voulez me faire la guerre ? Ça tombe bien, je suis soldat, je suis prêt à me battre. Vous voulez vous interposer entre mes objectifs, ma vie et moi ? Les derniers à l'avoir fait ont fini tour à tour et respectivement à l'hôpital, dans un cercueil et en pison. Contrairement à beaucoup de ceux qui viennent ici, je ne me suis pas laissé prendre au jeu de l'intimidation, et vos menaces ne valent rien par rapport à ce que j'ai pu vivre. Appelez donc le Major qui me sert de père et demandez-lui de vous parler de mon ex-beau-frère.

Comment J'Ai Épousé Mon Commandant d'UnitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant