Jour 663

314 23 2
                                    

Arthur se sentait vaseux, cotonneux, une fois encore. Au moins, il ressentait quelque chose. Ça devait signifier qu'il était encore en vie, pensa-t-il. Il voulut ouvrir les yeux, mais quelque chose empêchait ses paupières de bouger. Effrayé, il réalisa aussi qu'un tube l'empêchait de respirer normalement et qu'il était attaché. Mais attaché à quoi ? Il essaya de se débattre et d'appeler à l'aide, en vain, tout ce qu'il obtint fut la mise en marche d'une alarme stridente. Peu de temps après, il entendit une porte s'ouvrir. Il n'était donc pas au paradis...

— Vous croyez qu'il est revenu à lui ?

Arthur essaya de répondre malgré le tube qui entravait son larynx, et la voix masculine reprit.

— Visiblement oui. Maréchal des Logis, tout va bien, ne vous inquiétez pas. Vous êtes à Gao. Nous vous avons soigné et stabilisé avant de procéder au vol blanc (AKA Rapat' San', rapatriement sanitaire suite à blessure). Calmez-vous maintenant, que nous puissions vous désintuber sans vous blesser, d'accord ?

Arthur fit lentement oui de la tête, et l'homme lui expliqua.

— Nous allons retirer le sparadrap... Ça va peut-être un peu piquer...

Alors qu'il disait cela, Arthur eu l'impression de se faire arracher la peau des joues et les lèvres, souffrant en silence, espérant respirer et parler librement très prochainement pour pouvoir les insulter copieusement.

— Vous allez avoir l'impression de vomir dans quelques instants, c'est normal, ne vous inquiétez pas.

Arthur confirma en son for intérieur, même s'il n'aurait jamais cru vomir depuis ses poumons, jusqu'à se sentir enfin pleinement libre de respirer à sa guise. Il suffoqua alors un peu mais se reprit vite tandis que celui qu'il considérait être le médecin reprenait une fois de plus.

— Bien, voilà, respirez calmement. Je suis désolé, mais nous avons été obligé de vous entraver. Malgré la sédation, vous étiez agité et vous avez fait sauté vos agrafes trois fois, vous éventrant en aggravant la plaie une fois... Mais nous allons pouvoir vous détacher maintenant, vous n'allez pas faire de bêtises, n'est-ce pas Maréchal des Logis ?

Arthur inspira un grand coup. Tant qu'il ne verrait pas où il est ni à qui il fait face, il ne saurait dire s'il ferait des bêtises ou non.

— Et mes yeux ?

— Oh, oui, pardon. C'est pour éviter que le réveil ne soit trop douloureux du fait de la lumière. Les yeux avant les membres alors ?

— S'il vous plait...

— Soit. Infirmières.

Arthur sentit deux corps se pencher de parts et d'autres de lui puis de nouveau sa peau être tirée, tandis que le poids du côté sur ses globes oculaires se faisait de plus en plus léger jusqu'à disparaitre.

— Voilà, ouvrez les yeux lentement... Comment vous sentez-vous ?

Battant des cils plusieurs fois pour s'accommoder à la lumière tamiser, l'homme alité murmura, la bouche sèche d'avoir déjà beaucoup parlé.

— Fatigué... Mes membres ?

Le médecin face à lui semblait épuisé, et sa barbe mal rasé laissait supposer qu'il était de garde depuis plus de vingt-quatre heures, ses cheveux bruns aux tempes grisonnantes étaient aussi ébouriffés que s'il s'était réveillé en urgence en même temps qu'Arthur, et le jeune se mit à penser que c'était le cas. Néanmoins, ils échangèrent un sourire qui réconforta Arthur et remercia le médecin tandis que les infirmières, deux femmes assez fluettes, l'une brune aux cheveux longs l'autre blonde aux cheveux courts, finissaient de détacher les entraves.

Une fois libre, Arthur bougea lentement les membres tandis que le médecin tirait un tabouret à ses côtés avant de se saisir de son stylo et du dossier de son patient.

— Très bien, commençons simplement. Âge, nom, prénom, date et lieu de naissance.

Arthur lui répondit et le médecin opina du chef.

— Plus dur : Savez-vous ce qu'il s'est passé ?

Le jeune homme fronça légèrement les sourcils, regardant au loin comme s'il essayait de se souvenir.

— Nous avons été attaqué... Alors qu'on allait prendre la garde... Notre poste a pris une roquette...

Tournant la tête vers le médecin, il se remémora soudain en criant.

— Mendez ? Comment va Mendez ?

Alors qu'il voulait se relever, le médecin plaqua sa main sur son torse.

— Du calme, sinon je vais être obligé de vous attacher de nouveau. Mendez est... Sauf. Et c'est le plus important.

Arthur le toisa du regard avant de marmonner.

— Dit comme ça, ça laisse supposer qu'il y aura des séquelles...

Le médecin ne répondit pas, et Arthur reprit.

— Je suis son chef de groupe, son supérieur direct, alors dites-moi.

Le gradé opina lentement du chef avant de répondre.

— Si vous avez eu la chance de simplement avoir des éclats conséquents dans le ventre et de vous en tirer avec presque quarante centimètres de points de suture, votre collègue n'a pas eu cette chance... La taule lui a sectionné les muscles et brisé l'os. Vos hommes lui ont posé un garrot, mais le temps qu'il soit évacué à l'hôpital il était trop tard...

— Vous venez de dire qu'il est sauf !

— Lui oui. Pas sa jambe... Il... Il a fallu l'amputer...

Arthur encaissa le coup en silence, et le médecin en profita pour l'ausculter. Quand il eut fini, il fixa le jeune homme avant de déclarer.

— Il est deux chambres plus loin, avec d'autres gars à vous. Un Lavalik, un Curé et un troisième dont j'ai oublié le nom. Je peux demander à ce que votre lit y soit emmené...

Des larmes contenues plein les yeux, Arthur murmura.

— S'il vous plaît, oui...

— Bien...

Dix minutes plus tard, deux infirmiers déplacèrent son lit jusqu'à la chambre, où les retrouvailles se firent dans un étrange mélange de joie et de peine silencieuses.


Comment J'Ai Épousé Mon Commandant d'UnitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant