NOUS Au-delà des envies

L'ombre du passé (2) ✔

Au bout d'une demi-heure, mon groupe décide de lever le camp pour accorder du temps aux personnes qui nous soutiennent. Je les rejoins tant bien que mal et titube à leur côté. Après deux grandes pintes, je suis déjà bien pété. Les murs tanguent un peu et je ne pense pas marcher très droit. J'ai même une drôle de sensation à chaque pas, comme si je pouvais à tout moment m'éclater la tronche contre le parquet. Ça me fait rire sur le coup, surtout quand je me rattrape sur mon meilleur ami.

Bien évidemment, je fais passer cette petite chute pour un câlin inattendu afin de cacher mon début d'ivresse.

— Putain, Ralf, ne me dis pas que t'es déjà bourré ?

— Hm, non...

— Mais si, t'es clairement déchiré, t'es en train de faire quoi là ?

J'ai un sourire idiot alors que je suis sa cadence. Je ne vois pas trop de quoi il parle, alors je hausse les épaules.

— Tu me fais un câlin, espèce de taré !

— Et alors, je n'ai pas le droit, mon frère ?

Je lui tapote maladroitement le torse, mais mon bras me semble bien mou.

— Si, bien sûr, mais t'es tactile que quand t'es plein, mon pote !

Il a raison. Quand j'ai un coup dans le nez, je deviens aussi collant qu'un bout de chewing-gum encrassée sous une chaussure. J'embrasse tout le monde sur mon chemin et je suis d'une humeur plutôt câline. C'est bizarre parce qu'en temps normal, je préfère rester dans mon coin. Je n'aime pas trop les embrassades en public. Sauf avec ma famille et mes plus proches amis.

— Ça va, je suis juste...bien. C'est tout.

— Bien bourré, ouais. Pas trop de bisou, hein ?

Pour l'emmerder, je lui en claque un sur la joue, lui arrachant un râle indigné. Il essaie de me dégager d'un coup de coude dans les côtes, seulement je resserre ma prise autour de sa nuque pour éviter de trébucher.

Je reprends contenance lorsqu'on nous demande de poser tous ensemble. Les flashs me flinguent les yeux alors qu'il n'y en a pas tant que ça, mais ça me suffit à m'aveugler pendant plusieurs secondes. Puis sous la demande d'un groupe de filles, je me sépare de mes amis pour les rejoindre à leur table. Toujours dans une déambulation bien suspecte.

— C'était super ce soir ! me dit une brune alors que je signe mon nom au marqueur sur son épaule dénudée. Vous avez tout déchiré, comme d'habitude ! Je vous suis depuis le début !

Je plisse les yeux pour lire ce que je viens d'écrire. Je n'écoute qu'à moitié ce qu'elle me raconte, mais je suis ravi de savoir que des personnes qui me suivent pour ce que j'aime faire.

— Tina n'ose pas te le dire, mais elle n'arrête pas de stalker votre chaine Youtube pour voir si vous n'avez pas posté de nouvelles vidéos ! s'écrie une de ses copines.

— Et aussi ton compte sur Insta ! renchérit une autre.

La brune rougit violemment sous les remarques de ses amies. Je souris en fermant le capuchon de son stylo-feutre pour le lui rendre et me laisse prendre en selfie avec elle au moment où elle sort son téléphone. J'évite de trop me coller à cette fille, mais c'est difficile quand on n'a pas les idées très claires, en particulier quand la demoiselle en question est bien jolie et tactile aussi. J'ai un léger mouvement de recul lorsque ses doigts effleurent ma cuisse, je profite que l'instant photo soit fini pour me glisser vers la sortie.

— A la prochaine alors, je leur dis en leur décochant un clin d'œil.

Elles gloussent au moment où je les quitte. J'ai encore soif, il me faut une autre bière. Je repère Kelly parmi tout le monde, mais je suis constamment stoppé toutes les cinq minutes pour une photo. Ce qui fait que je perds toujours la barmaid des yeux puisqu'elle arrive à se faufiler dans la foule, telle une petite souris.