NOUS Au-delà des envies

Toxique (3)

Le Paradis.

Ce mot définit tellement de chose que je pense être loin de la vérité. C’est un endroit de bonheur éternel, où nous sommes censés rejoindre après avoir trépassé. Si bien sûr, notre vie a été irréprochable pour nous en donner l’accès. Ça peut être aussi assimilé à un sentiment de quiétude, un état le plus heureux qu’on se fixe. Un lieu merveilleux, une vie extraordinaire sans ressentir une once de douleur. Un tout qui mêle cette sensation de perfection, avec une pincée de paillette pour embellir le tout.

C’est niais. Affreusement niais, mais putain, qu’est-ce que c’est beau quand j’y pense.

Le Paradis m’apparaît comme un objectif impossible à atteindre, tellement je n’ai connu que malchance dans mon existence. Pas tous les jours, certes, mais ce sentiment malheureux ne m’a jamais réellement abandonné. J’ai été heureux durant mon enfance, jusqu’à ce que mon père se tire. J’ai eu des difficultés à reprendre un semblant de vie, mais je me suis lié d’amitié avec Maxim dans mon périple. Mes épaules voûtées par le poids de la responsabilité se sont redressées par son insouciance. Je l’ai suivi pour m’inspirer de son innocence, alors que je l’avais perdue depuis peu. Les conneries, j’en ai faites énormément avec lui. Notre complicité nous a amené à faire un nombre incalculable de farces, comme elle nous a fait goûter à la musique.

J’ai flairé la chance à ses côtés, seulement mes sens ont été trompés lorsque j’ai croisé le chemin d’Alex. Je l’ai vu comme mon salut, j’ai cru qu’il était l’élu, mais en réalité, il était tout l’inverse. Il m’a trainé vers le bas, un peu plus chaque jour. Il m’a aveuglé, il m’a brisé, il m’a tué.

Et depuis ce soir-là, je me trouve en Enfer.

J’immerge parfois, mais ça ne dure que quelques instants. Je coule dans les profondeurs des abîmes, je sombre, je m’étouffe. Je brûle dans ce monde qui ne m’est pas inconnu avant de m’accrocher fermement à ces mains tendues.

Plusieurs fois, pour que cet Enfer cesse, j’ai pensé à y mettre un terme. Par n’importe quel moyen que ce soit. Mais finalement, je n’allais jamais jusqu’au bout, ou alors on me repoussait vers cette lueur qui se tendait vers moi. Sans relâche. Pour que je comprenne que ce que je laissais derrière moi n’était pas uniquement mes remords, mais aussi ma famille. A chaque fois que je pensais à eux, je reculais pour éviter de plonger.

Mais c’est dur. Tellement dur…

Je suis fatigué, je n’en peux plus. Je me bats contre mes démons depuis si longtemps que je ne sais plus si un jour j’ai connu le repos. Seulement depuis peu, je comprends un peu mieux la raison pour laquelle je continue de me battre.

Je suis un survivant, mais je ne suis pas le plus idéal des combattants. Je suis un lâche, je ne suis pas une flèche, j’oscille entre les différents choix qui me font face. Néanmoins, si je suis encore ici, sur cette planète, c’est que j’ai réussi à tenir bon. Et c’est ça qui fait ma force. Parce qu’en dépit de ma vie passée, de ma décrépitude, je suis toujours là. Abîmé, mais vivant, attiré par cette lumière qu’est le Paradis.

Et ce dernier, je le sens un peu plus proche de moi depuis que j’ai rencontré Chrys.

Je souris, les yeux rivés vers sa tête endormie. Elle est plongée dans un sommeil si profond qu’elle ne se doute à aucun instant que je l’admire dès que j’en ai l’occasion.

Je me suis réveillé aux aurores, sûrement en raison de mon horloge interne. J’ai la tête qui tourne, la langue un peu pâteuse, mais je me souviens parfaitement de ma soirée. Les bons moments comme les pires instants, mais surtout d’elle à mes côtés. Dans mon lit, près de moi, prêtant une grande oreille à mes derniers maux. De nos souffles emmêlés, de nos baisers émoustillés, de nos corps à corps tendres mais tout aussi acharnés. De tout ce qui nous a liés cette nuit, pour toujours et à jamais.