Trois frères et une sœur (1) ✔

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Chrystal

Dimanche 23 Septembre 2018.

Loos-en-Gohelle (France), à la maison.


Je range péniblement les couverts du lave-vaisselle dans le tiroir, une tâche bien agaçante pour un dimanche après-midi. Je souffle plusieurs fois de mécontentement et dispose rageusement chaque couteau, fourchette et cuillère à sa place. J'ai toujours eu horreur de le faire, que ce soit pour les nettoyer ou les ranger. Je préfère les laisser sécher dans leur coin et me servir dès que j'en ai l'occasion. J'ai souvent cette impression de perdre mon temps, un temps précieux à faire toute autre chose. Etudier pour mon avenir, profiter du présent pour regarder des séries ou plonger dans mes souvenirs passés auprès de ma famille.

Seulement, je n'échappe pas aux tâches ménagères de la maison. Tout le monde doit y participer, d'autant plus que maman est partie se reposer. Je continue alors mon activité ennuyeuse jusqu'à ce que je sente des bras musclés m'entourer. Il ne me faut pas plus d'une seconde pour reconnaitre l'odeur boisée de mon grand-frère.

— Alors, petite-sœur, on se plait bien dans la cuisine ? me taquine-t-il, l'air goguenard.

Joueuse, je lui donne un coup de torchon à l'épaule. Il recule prestement et se met à rigoler pour se moquer encore plus de moi. Je ne sais pas viser, selon lui. Je me tourne pour lui faire face :

— Va te faire, Medhi ! Si tu ne sais pas quoi faire, tu n'as qu'à ranger ces assiettes !

Je lui montre les assiettes propres toujours présentes dans la machine. Mon frère baisse la tête pour planter ses yeux marron dans les miens, il arque un sourcil alors qu'un rictus moqueur lui barre le visage.

— Si, j'ai un truc important à faire en ce moment : t'emmerder. Et j'adore ça.

Je lui fais les gros yeux tandis qu'il me rit au nez. J'enroule alors le torchon entre mes doigts et tente de le fouetter avec, mais cet enfoiré esquive mon coup en intensifiant son rire. J'ai du mal à croire qu'on a seulement onze mois de différence et que c'est lui le plus âgé. J'ai grandi avec trois frères plus grands que moi dans cette maison, j'ai donc appris à mes dépens de ne pas me laisser faire quand on me taquine un peu trop.

C'est donc d'un pas décidé que je me dirige vers lui pour lui donner un autre coup de serviette dans la gueule.

Medhi ne parvient pas à éviter ma deuxième attaque. Ses petits yeux se ferment instinctivement au moment où il reçoit mon coup de grâce. Ses lèvres rondes se tordent en une moue dégoûtée et son nez droit se plisse au passage. Je vois des petites rides apparaitre sur son front quand il se met à froncer les sourcils. Une mèche noire sur le haut de son crâne rebique soudainement à ma frappe, lui qui a les cheveux d'ordinaires si bien coiffés et bien raides. Il recule, sa hanche bute sur la table à côté dans son mouvement, c'est à mon tour de me moquer de lui :

— Je t'ai eu, Med !

Il retire le bout de tissu humide en me l'arrachant de mes mains et me fusille du regard.

— Purée... alors toi ! s'exclame-t-il d'un ton menaçant.

Je sens que je vais passer un sale quart d'heure. Je le vois à sa tête : ce que je viens de faire ne restera pas impuni. Il veut se venger comme à chaque fois quand je réussis mon coup. Je glousse comme une idiote en tournant les talons et cours comme une folle dans la cuisine. Je me dirige vers la porte qui me mène au jardin et ne jette aucun regard en arrière lorsque je l'ouvre à la volée, parce que je sais très bien qu'il va se lancer à ma poursuite.

NOUS Au-delà des enviesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant