Névroses nocturnes (1)

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Chrystal.

Jeudi 1er Novembre 2018.

Lille (France), à l'appartement des garçons.

D'un pas pressant, je suis Owen et Emilie qui transportent Raffael jusque dans sa résidence. Ils montent péniblement dans l'ascenseur, manquant de le cogner contre la paroi à maintes reprises, mais contre toute attente, ça ne le réveille pas. Je m'y engouffre en lui jetant une œillade particulièrement inquiète : il est dans un état pitoyable. Et encore, j'ai bien peur que ce soit un euphémisme. Ses mains sont noires, signe qu'il s'est plusieurs fois frotté le visage affublé, son maquillage est d'ailleurs pratiquement parti à cause des larmes qui se sont taries sur ses joues. Il n'a plus de perruque, ses vêtements sont sales et il a le nez un peu rouge.

Mais ce n'est pas le pire, malheureusement.

Je me colle contre la cloison de métal en songeant au misérable spectacle qu'il vient de nous offrir. Jamais, ô grand jamais, je ne pensais le voir dans un tel état d'ébriété. Il était vulnérable, atrocement même, j'ai eu de la peine de le voir aussi piteux. Quand Owen m'a fait venir dans le couloir, je ne m'attendais pas à ça. Absolument pas. Il venait de vomir ses tripes lorsque Maxim et Enzo l'ont déposé sur le sol et ensuite ils m'ont pratiquement harcelée de questions.

Que s'est-il passé ? Qu'est-ce que tu lui as fait ? Pourquoi est-ce qu'il autant bu ?

Pourquoi est-ce qu'il n'a pas arrêté de t'appeler ?

Ça m'a mise en colère. Je me suis sentie offensée qu'on m'accuse de son mal-être, d'autant plus qu'après la scène dans cette cabane je ne l'ai plus jamais revu. Il m'a fui durant toute la soirée, j'ai laissé tomber quand il a filé entre mes doigts, je me suis simplement amusée avec mes amies. Après tout, je n'allais pas lui courir après, s'il avait disparu de mon champ de vision, c'est qu'il n'avait pas envie de me revoir. Un point et c'est tout.

Je me suis alors engueulée avec Maxim. Je l'ai repoussé alors qu'il me hurlait méchamment dessus, j'étais prête à me battre contre lui pour lui prouver que je n'avais rien à me reprocher, mais Emilie s'est interposée à temps en disant que ça ne servait à rien de se disputer, parce qu'en attendant Raffael était toujours au plus mal. Et à vrai dire, elle n'avait pas complètement tort sur ce point-là puisqu'il commençait déjà à sombrer contre le mur. Ça nous a calmés sur le coup.

Ça m'a fait mal au cœur, Maxim aussi. On s'est donc mis tous les deux d'accord : il ne fallait pas que Raff reste une minute de plus à cette fête. J'ai donc accompagné Emilie dans la voiture d'Enzo, et Owen nous a conduits jusqu'ici puisqu'il est le SAM de la soirée. Je me suis installée à l'arrière de la voiture pour veiller sur lui, je ne pensais pas qu'il se servirait de mon épaule comme oreiller, mais je l'ai laissé faire. Je ne pouvais décemment pas le repousser alors qu'il était malade, de plus qu'il m'a fait comprendre par son sourire qu'il était content de me revoir.

Ça m'a fait quelque chose quand il s'est lové contre moi. Mon ventre m'a chatouillé au moment où ses bras m'ont entourée. Je l'ai entendu me renifler, plusieurs fois même, ça aurait pu être gênant si on ne couchait pas ensemble, mais il n'empêche que ce geste m'a fait penser à notre avant-dernière entrevue. A-t-il vraiment oublié notre câlin lundi dernier ?

Les portes de l'ascenseur se dégagent dans un petit bruissement, je continue de les suivre jusqu'à l'appartement. Owen me donne ses clefs pour que je déverrouille l'entrée, Raffael est un poids lourd, ce qui le limite dans ses déplacements. Je m'exécute en galérant avec le double tour, j'ouvre en grand le battant et les laisse entrer en premier avant de fermer dans mon dos. Ils se dirigent automatiquement vers sa chambre, Owen donne un gros coup de pied pour déboucher l'accès et passe le pas pour empiéter dans son territoire. Ils n'allument pas la lumière quand ils s'introduisent dans la pièce, je m'avance jusqu'à eux et les aide à l'allonger sur le lit.

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