Dans la peau (1)

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Média : Coldplay - Trouble


Chrystal

Mardi 13 Novembre 2018

Lille (France), dans la salle de danse.

La danse a toujours été pour moi l'expression de mes sentiments, surtout lorsque j'étais enfant. Quand je me sentais heureuse ou triste, il fallait que je l'exprime par mes gestes ; soit je courrais, soit je sautillais, et très souvent je me déhanchais. Certaines musiques m'inspiraient énormément pour entamer quelques pas chaloupés, mais rien d'extraordinaire en vérité. Selon mes parents, j'ai réellement commencé à bouger du haut de mes six mois. Lorsqu'une mélodie sortait de leur poste de radio, je remuais la tête ou alors je secouais des fesses, et ça venait tout seul, sans qu'ils ne m'entraînent dans leur allégresse. D'après eux, je n'avais pas besoin de les imiter puisque mes mouvements, aussi désordonnés étaient-ils, suivaient tout simplement la cadence.

Ils disent que je suis née pour danser, que je suis exceptionnelle, ou que je suis faite pour ça, mais je sais très bien que cette discipline a toujours été mon unique moyen pour communiquer, autrement que par les mots. La boule de nerf que j'étais petite-fille s'est sentie transportée par la musique, et même lorsqu'il n'y avait pas de chanson, elle trouvait toujours un intermédiaire pour virevolter. Quelle que soit l'humeur, positive ou négative, ou pour n'importe quelle raison, tout pouvait être un moteur suffisant pour valser, des bras comme des jambes.

Ce n'est que lorsque j'ai débuté mes cours dans cet art que j'ai appris un nombre incalculable de techniques pour travailler sur ma souplesse, mais aussi sur ma rigidité pour effectuer quelques portés difficiles. Je n'ai pas su immédiatement faire le grand écart, ou me courber d'une manière très agile, je ne les ai qu'assimilés progressivement en œuvrant sans relâche, testant plusieurs de mes limites. J'ai étudié, encore et encore, et je dois mes réussites qu'à mes efforts, et non pas à un simple talent.

Tout ce travail m'a permis d'élaborer petit à petit mon rêve : celui de devenir danseuse. Et c'est cette année que tout va se jouer ; je dois me battre pour prouver que j'ai les épaules assez solides pour supporter la compétition et la pression, que je suis plus que déterminée à rester sur mes positions, pour réaliser mon souhait le plus cher malgré les obstacles.

Je sais que j'en suis capable. J'ai travaillé dur pour en arriver jusque-là, et ce n'est pas aujourd'hui que je vais tout arrêter.

La tête haute et les bras devant ma poitrine, j'effectue un tour sur moi-même sans flageoler. J'attrape fermement la main de mon partenaire pour ensuite lui tourner le dos et me hisse sur la pointe des pieds. Valentin me soutient par la taille et me soulève élégamment pendant que je me penche en arrière, les bras suivant mon mouvement. Mes doigts ont le temps d'effleurer son épaule, juste avant qu'il me repose délicatement sur le sol. Je me pivote vers lui tandis qu'il place sa paume dans mon dos. Il me fait doucement incliner vers le bas en me soutenant par la jambe et je suis son action en rejetant ma tête en arrière. Lorsque la musique cesse, je me redresse en même temps que lui et pose mes phalanges contre sa poitrine, son visage près du mien.

-        Bien ! s'écrie Madame Dubois en tapotant son stylo sur son calepin, c'était pas mal, il y a encore quelques imperfections à revoir. Il faut que vous travailliez un peu plus sur vos portés et aussi sur la synchronisation de votre chorégraphie pour l'examen final. Vous aurez également vos résultats provisoires la semaine prochaine. Ce sera tout pour aujourd'hui, on se voit jeudi pour l'évaluation des autres binômes.

Je me sépare de lui au moment où tout le monde s'applaudit. Je tape des mains en souriant, Valentin m'imite avant de me suivre jusqu'aux bancs. Adélaïde me tend ma propre bouteille d'eau, que je bois en de longues rasades. Je manque de m'étouffer dans ma rapidité, je suis si assoiffée que je ne prends pas le temps de savourer. Je suis épuisée, ma tenue me colle péniblement et j'ai aussi très faim. J'ai besoin de refaire le plein en énergie et recharger mes batteries pour cet après-midi, mais je ne suis pas certaine que le menu à la cantine en soit riche. J'éponge mon front d'un revers de la main, et repère trop tardivement Perrine qui m'attrape par les épaules pour me presser contre elle.

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