En terre inconnue (3)

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On reste un long moment à ne rien dire, à boire notre café pour s'occuper des mains, pour ne plus songer à ce qu'il ne saurait tarder. Jusqu'à la venue de Medhi.

Je me tends comme un piquet lorsque je croise son regard, mais il ne semble plus aussi haineux que la dernière fois. Il fronce les sourcils en me remarquant auprès de Chrystal, il ne pipe pas un mot alors que sa sœur se dépêche de descendre de son tabouret pour venir le serrer dans ses bras. Je ne le lâche pas des yeux tandis qu'il enlace ma meuf, je sais que ce n'est pas le moment de régler des comptes, mais il n'empêche que notre première rencontre reste en travers de ma gorge.

Je n'ai pas fait le fier quand il a débarqué dans sa chambre d'étudiante, c'est vrai, j'ai aussitôt décampé dès qu'il a levé le petit doigt et j'ai fait du mieux que j'ai pu pour l'éviter à la soirée d'Halloween, seulement aujourd'hui il ne me fait plus peur. Je n'ai pas envie de déguerpir à sa simple vue, ni de détaler face aux menaces qu'il pourrait me faire. Comme la dernière fois.

S'il lui venait à l'idée de m'intimider, je n'hésiterais pas à attaquer, quitte à mordre et à viser la jugulaire.

Le petit loup ne grelotte plus, la queue entre les jambes. Il redresse ses poils, retrousse les babines et grogne pour montrer qu'il est le plus fort. En partie grâce à sa louve qui ne le quitte plus depuis une semaine.

Je souffle du nez en finissant mon café, j'essaie de calmer mes pulsions, quand bien même l'envie de lui casser le nez ne me déplait aucunement. Ils se séparent comme un seul homme, mais ils sont toujours aussi proches. Medhi regarde dès à présent sa sœur puis il commence à engager la conversation avec elle, mais de là où je suis je n'entends rien du tout. Je prends mon mal en patience en me réfugiant sur mon téléphone et commence à lire les SMS de mes meilleurs amis qui crèchent encore chez leurs parents :

Maxi Max : « hé, mon frère, j'ai une idée de sortie pour cet aprem : faire découvrir la plage de Calais à poulette ! Le temps n'est pas ouf, mais si elle voit au moins la digue et le phare, ça peut être sympa. Je vais voir si Em est partante. »

Emie : « Mon petit chat, j'ai dit à Max que je ne pourrais pas aller à la plage. Je crois que je couve quelque chose, peut-être une rhinopharyngite ? En tout cas, je préfère rester au chaud et me soigner pour être en forme lundi. Passe un bon dimanche, je t'adore. »

Je souris à leur message. Je réponds à Maxim que c'est malheureusement impossible comme je me trouve à Lens, puis j'envoie des cœurs à Emilie pour qu'elle sache que je pense à elle alors qu'elle est clouée au lit, avec probablement un mont de mouchoirs en papier usagés sur sa table de nuit, près d'une tasse de chocolat chaud. Je ne tarde pas de recevoir la réponse de mon meilleur ami qui m'adresse plusieurs points d'interrogation suivi d'un smiley qui hausse un sourcil. Je pianote sur l'écran pour éclairer sa lanterne :

Moi : « Problème de famille du côté de Chrys. Je te raconterai ce soir, bro. »

Il ne lui faut quelques secondes pour répliquer d'un pouce en l'air. Je repose mon portable sur la table avant de lever la tête vers Medhi et Chrystal. Je constate avec étonnement que Sofiane a rejoint leur duo et que Nael s'apprête à en faire de même, après avoir tourné le regard vers ses frangins. Je les observe de loin discuter en petit comité, puis ils décident de se prendre par les épaules, tous les quatre, comme pour se soutenir mutuellement. Ma petite louve est entourée de ses frères, presque dissimulée sous leurs bras imposants. Son dos se met à trembler alors qu'elle leur rend la pareille, ils baissent la tête vers elle et semble garder quelques minutes de silence.

Je demeure stupéfait face à leur câlin collectif. Je crois n'avoir jamais vu une aussi grande fraternité au sein même d'une famille nombreuse. Il y a souvent des hauts et des bas entre frères et sœurs, on se cherche, on se trouve, on finit par se chamailler jusqu'à ce que les parents nous séparent. Avec Helena, on se lance beaucoup de piques, c'est vrai, il arrive même qu'on se déteste alors qu'on s'aime plus que tout. Mais je ne sais pas si j'ai déjà connu ce genre de situation, peut-être ne le connaitrais-je jamais, cette belle solidarité.

NOUS Au-delà des enviesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant