NOUS Au-delà des envies

La magie de l'amitié (1)

Chrystal

Vendredi 14 Décembre 2018.

Lille (France), à l'université.

Durant toute la semaine, je n'ai jamais cessé de songer à maman. Et ce, malgré mes examens qui m'accaparaient entièrement l'esprit.

L'angoisse. Ce sentiment ne m'a pas du tout quitté d'une semelle, tout comme la crainte. Et aussi, la colère.

Je ne suis pas tranquille, mes repères s'en retrouvent chamboulés. Tout s'écroule un à un. Ma mère mourante, mes partiels horriblement stressants où mon avenir dépend carrément du résultat et Raffael. Oui, lui, qui par son manque de confiance en lui et son insistance de rester auprès de moi me font parfois perdre patience, bien que je tombe toujours un peu plus amoureuse de lui chaque jour.

Depuis mercredi, et même depuis dimanche, je ne sais plus où me donner de la tête. Je vais craquer, je le sens, pourtant je ne l'ai toujours pas fait. Je n'ai pas encore explosé, loin de là. J'essaie de faire du mieux que je peux pour gérer tous mes problèmes. Pour gérer tous ces tracas qui me clouent au sol, en dépit de toute cette volonté dont je fais preuve. Mais c'est difficile, tellement dur que j'ai cette sensation d'être au bord du gouffre. Et ce, en permanence.

Je suis chanceuse d'être bientôt en vacances et d'en finir avec la toute dernière épreuve de danse. Celle que je passe obligatoirement avec Valentin parce qu'elle s'effectue en binôme. Je ne suis pas certaine d'avoir l'esprit tout-à-fait clair pour être opérationnelle, seulement je suis plus que déterminée de la réussir et de ne pas laisser mon ami en plan.

Je souris lorsqu'on se croise en sortant des vestiaires, tous deux habillés de nos tenues de danse, loin des joggings ou des pantalons de yoga dans lequel on trainait durant nos entrainements. Dans un geste purement amical, on se serre dans les bras comme pour se souhaiter bon courage avant notre ultime examen. Quand on se sépare, Valentin capture mes deux mains dans les siennes.

- On va y arriver, Chrys, me rassure-t-il comme s'il sentait mon cœur battre la chamade à l'approche de notre heure de passage.

Je comprime mes doigts entre les siens, ma respiration tremble, comme toujours lorsque je me sens angoissée.

- Je sais, je sais.

- On a répété une bonne centaine de fois, on connait par cœur notre chorégraphie. Il faut que tu restes concentrée pendant ces trois minutes, c'est tout ce que je te demande. Juste trois petites minutes.

Je hoche la tête et baisse les yeux vers nos mains liées. Rester concentrée, il faut que me focalise rien que sur la danse et non pas sur la maladie de maman qui l'emporte chaque jour. Ni à Raffael qui m'a envoyé un message tout à l'heure pour m'informer qu'il sera présent. D'ailleurs, il ne devrait pas trop tarder, il me verra sûrement à l'œuvre à travers la salle vitrée. Je ne sais pas pour quelle raison ça attise cet horrible stress, je ne pense pas que ce soit lié au fait que je serai aux côtés de mon partenaire de danse, mais plutôt du fait de le savoir en train de me regarder qui me rend nerveuse. Pourtant, je ne le devrais pas, mais c'est plus fort que moi.

Son avis m'importe plus que ceux du jury.

Mais il ne faut pas que je pense à lui, ni à cette peur qui me secoue de toute part. Il faut que je me centre sur ces minutes de danse, sur mes pas, sur nos portés, devant quatre jurys. Rien d'autre sur ce que j'ai sans relâche répété ces trois derniers mois.

- Tu es une superbe danseuse, Chrys, ne doute pas de toi, d'accord ?

Nouvel acquiescement. J'ai envie de lui dire la même chose, mais je n'y arrive pas. J'ai peur de le décourager à la moindre parole, je le remercie alors d'un regard et le serre à nouveau contre moi. Valentin me chuchote plusieurs mots encourageants, j'essaie de les écouter, seulement ils ne me motivent pas comme je le voudrais. Je songe même à tout arrêter. Toute cette mascarade a assez duré, je ne comprends même plus le choix que j'ai fait un an plus tôt : celle de candidater pour cette grande école. J'avais des rêves, les yeux qui brillaient de mille feux, le cœur battant pour cette passion. A présent, je n'ai plus que cette noirceur qui me fait face. Et j'ai peur, si peur de perdre ce que je chérie terriblement.