Prologue : Autre part ✔

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Raffael

Samedi 22 Décembre 2018.

Bonningues (France), à la maison.


Durant toute ma vie, j'ai été en retard. Pour tout et n'importe quoi. Cela n'implique pas forcément ma ponctualité lorsque j'allais à l'école, ni mes devoirs que je devais rendre. Ce sont surtout sur les choix que j'ai fait, pas toujours les meilleurs, et que j'ai pris bien trop tardivement. Les décisions que j'ai plus souvent prises sont les plus décevantes, et je fuis par la suite. J'essaie d'oublier la plupart du temps, mais elles sont là, ancrées dans ma mémoire comme pour me prévenir à quel point je suis lâche et indécis.

C'est un défaut, un vilain défaut même. Mais c'est moi.

Et justement, aujourd'hui, je suis encore en retard, et c'est ma faute.

Levé vers six heures trente du matin -une heure trop matinale pour moi- je n'ai pas eu le temps de déjeuner sous les sermons de maman. Je me suis juste douché, peut-être cinq minutes après que ma sœur libère enfin la salle de bain, j'ai réussi à boucler ma valise quelques minutes après, en fourrant des habits que j'avais laissés la veille sur mon bureau.

Je les ai aidées par la suite à transporter les bagages jusqu'à la petite citadine rouge de ma mère, et comme d'habitude, Helena en a fait trop, emportant un sac en plus :

— Il n'y a plus de place dans le coffre ! je m'écrie, tant bien que mal alors que ma petite-sœur ramène son sac de transport.

— Et alors ? réplique-t-elle en fronçant les sourcils, si tu fais comme le tetris, tu arriveras bien à tout caler, non ?

— Lena, il y a ma valise, la tienne, ta vanity, et un gros sac rempli de je-ne-sais-pas-quoi que j'ai dû mettre sur la banquette arrière, et tu veux que je mette ton sac de transport en plus ? Maman n'a pas acheté un gros 4x4 comme papa ! Tu le mettras entre tes deux jambes comme moi.

— Pour ta gouverne, frérot, « le sac rempli de je-ne-sais-pas-quoi », me reprend-t-elle en mimant les guillemets avec ses doigts, est toute ma panoplie de littérature ! Ma raison d'être ! Ce que, bien sûr, tu ne peux pas comprendre !

Je lève les yeux au ciel, agacé par son attitude. Ce n'est pas comme si on devait partir depuis une bonne demi-heure, et qu'à cause de moi, on est à la bourre pour notre avion. L'aéroport se trouve exactement à Bruxelles, soit plus de deux cents kilomètres de chez moi, il est sept heures, notre avion décolle à dix heures précises, et Helena trouve encore un prétexte pour me faire chier.

Heureusement que ma mère passe par là, en fermant la porte de la maison derrière elle :

— Lena, arrête d'embêter ton frère. Tu porteras ton sac entre tes jambes, un point et c'est tout. Bon on y va, sinon vous allez vraiment rater votre avion !

Helena m'adresse un regard noir avant de monter à l'arrière de la voiture, je grimpe à mon tour au côté passager pendant que maman fait gronder le moteur. C'est ainsi que durant la route, je me suis isolé dans ma bulle en m'armant de mes écouteurs, et je me suis laissé bercer par ce flot de paroles dès l'instant où j'ai fermé les yeux.

Elles me font penser aux miennes.

Loin, je pars mais je ne sais plus ce que je suis,

Tu es là, si présente dans mes pensées,

Ailleurs, je m'en vais mais je ne sais plus qui je suis,

Un leurre, un magnifique, voilà ce que tu es.

NOUS Au-delà des enviesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant