Dans la peau (2)

1.1K 93 62
                                    

Assise sur le comptoir de la cuisine, je lis les derniers messages que j'ai envoyé à Raffael pour qu'il ramène sa fraise. Je les fais défiler à l'aide de mon pouce et note bien dans sa façon de parler qu'il n'est pas dans son assiette. Pas de smiley clin d'œil, pas de blague, et des phrases plutôt concises. Dans un sens, Emilie avait raison. Son altercation avec Maxim l'a profondément chamboulé. Je l'ai senti au son de sa voix lorsque je l'ai appelé, peu de temps après avoir fini mon dessert. Il semblait ailleurs et me répondait vaguement, si ce n'était que des petits sons provenant dans le fond de sa gorge. La seule phrase qu'il a prononcée, c'était pour me dire qu'il était d'accord pour venir après les cours.

Son manque d'éloquence m'a tellement bouleversée que j'ai continué notre conversation par message, mais même là ce n'était pas pareil. Son esprit était autre part que dans ses mots, il badait totalement, même mes vannes n'ont pas réussi à l'égayer, et ça me tuait quelque part. Je comprenais de mieux en mieux l'inquiétude d'Emilie.

Je pousse un long soupir, fais cogner impatiemment mes talons contre le placard d'en-dessous et verrouille mon téléphone. J'espère qu'il ira mieux après avoir discuté avec sa meilleure amie, c'est le mieux que je puisse faire.

- Allez, hop hop hop, descends de là ! Tu vas m'aider à préparer l'apéritif, chérie ! me somme Adélaïde en me voyant un peu déprimée.

Je saute de mon assise et la suis sans discuter dans la salle à manger d'à côté. Je sors plusieurs verres à pied de son buffet pendant qu'elle place plusieurs coupelles sur la table. Elle me donne plusieurs paquets de chips que j'ouvre tranquillement et tourne les talons vers sa cuisine.

- Est-ce que tu sais si Emilie boit du vin sucré ?

- Aucune idée, tu lui demanderas. En tout cas, tu sais que moi je n'en bois pas.

J'entends ses pas dans la pièce presque fermée et des bruissements m'indiquant qu'elle retire plusieurs bouteilles de son réfrigérateur. C'est une chance que ses parents ne sont pas là ce soir, ni sa grande-sœur. Elle m'a confirmée qu'elle avait la maison pour elle toute seule cette semaine et elle n'était pas du tout contre d'avoir du monde ce soir, même si l'ambiance ne sera peut-être pas au rendez-vous.

Je place les verres comme il se doit et croise le regard d'Adé lorsqu'elle revient avec les bouteilles en main. Elle souffle d'exaspération en me détaillant du regard, elle pose lourdement les boissons sur la table et place ses mains autour de ses hanches.

- Bon, tu vas me dire ce que tu as, au juste ?

Je me pince les lèvres et détourne les yeux vers mes chaussures. Ma mine contrariée ne m'a pas du tout quitté de l'après-midi, elle m'a même totalement déconcentré lors de notre deuxième cours de danse. Mon amie a bien remarqué que j'étais ailleurs, mais elle n'en connait pas moins la raison. Elle sait que c'est à cause de Raffael.

- C'est Raff, je lui réponds faiblement, il m'inquiète.

- Pourquoi ? A cause de ce que t'as dit Emilie ?

Je hoche la tête, elle pousse un autre soupir.

- Ecoute Chrys, je ne le connais pas beaucoup, mais je ne pense pas qu'il veuille se tailler les veines ou passer sous les rails d'un train. Pas aujourd'hui, en tout cas. Ce n'est pas une fichue engueulade qui va le faire se jeter dans le vide. Tu le sais bien.

Je secoue la tête et attrape une chaise pour m'asseoir dessus.

- Oui, je le sais, Adé, mais ce n'est pas ça qui m'inquiète. D'habitude, il fait tout le temps des blagues ou il tourne toujours ses phrases autour du sexe, mais là...ce n'était pas pareil. Il répondait par oui ou par non, comme si vraiment il n'avait pas la tête à me répondre et qu'il avait plus envie de se faufiler dans son lit à pleurer plutôt que de venir chez toi.

NOUS Au-delà des enviesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant