Descente aux enfers (1)

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Raffael

Vendredi 30 Novembre 2018.

Lille (France), dans l'appartement des garçons.

Je fais tomber mon téléphone dans la précipitation. Je jure entre mes dents et me penche pour aller le ramasser, je vérifie rapidement que l'écran n'est pas pété et le balance sur mon lit dans un soupir exaspéré, puis je continue de me préparer. J'ajuste le col de ma chemise bleue à carreaux et passe une main sur mon front déjà suintant de sueur. Je plisse mon tee-shirt sous ma chemise ouverte et retrousse mon jeans noir jusqu'à mes chevilles. Je me chausse sans un mot, dans un silence absolu et écoute tranquillement les bruits qui émanent de l'appartement.

Tout le monde se hâte pour l'anniversaire d'Owen, Maxim comme l'intéressé, mais également Emilie qui vient tout juste d'arriver. Leurs voix résonnent de la pièce commune, elles vrombissent quelquefois, mais rien de bien méchant. Je discerne leur pas, la musique que Max a mis dans la chaîne-hifi, des placards qui s'ouvrent et qui se ferment, mais surtout leur enthousiasme. Seulement moi, je n'arrive pas à m'y imprégner, à sourire tout comme eux, à être particulièrement agité, comme bon nombre de personnes le seraient à l'approche d'une fête, et je n'ai pas la moindre envie d'y aller.

Je n'ai plus envie de rien de toute façon...

Je souffle du nez et fixe mes pompes toutes blanches. Aussi incolores que la couleur de ma peau. Je ressemble de plus en plus à un putain de zombi et je ne suis clairement pas d'humeur à faire la fête. Je ne veux rien faire. Absolument rien. Je ne désire rien de plus que de rester dans cette chambre qui pue la mort, à me morfondre dans mon lit et à songer à mes plus belles erreurs. A ce que j'aurais dû faire parce que je n'ai rien fait, à part réagir tel un automate. A ne plus réagir du tout, à penser à ce vide qui comble mes journées depuis maintenant deux misérables semaines, jusqu'à ce que je m'écroule d'épuisement.

Une belle perceptive de soirée, en somme, comme toutes les autres qui ont précédé celle d'aujourd'hui, parce qu'en réalité je ne connais que trop bien cette période sombre dans laquelle je me suis plongé. Je nage dans la dépression et je ne parviens plus à sentir cette joie qui égaye mon cœur. Il fait noir, trop noir en ce moment et je souffre de ne plus distinguer cette lumière qui parvenait toujours à me motiver autrefois. Mes pensées me ramènent loin d'ici et très souvent au passé ; je ne mange presque plus rien, je ne dors qu'une heure ou deux, je n'arrive pas à rester concentrer en cours et je suis déjà tombé malade deux fois, car comme on le sait : lorsque l'esprit ne va pas fort, le corps ne voit pas d'autre moyen que de le suivre.

Alors, forcément, cette chambre commence à devenir peu à peu mon propre tombeau, et non plus comme le refuge que je percevais durant ces trois longues années...

Cependant, ça n'est pas de l'avis de ma meilleure amie qui souhaite absolument me tirer de mon trou. Elle veut me redonner goût à la vie alors que je ne suis plus capable de réagir, à moins que je m'y force de le faire. J'ai essayé de l'envoyer boulet, mais elle ne se laisse pas faire et m'oblige à voir du monde. Soi-disant pour me changer les idées. Elle sait pertinemment ce qui se passe dans ma tête, elle sait que je suis en train de sombrer à nouveau, mais elle sait aussi que je tente de m'en sortir. Mais c'est dur, putain, tellement dur alors que mes pensées sont tournées autre part.

Vers quelque chose de beaucoup plus funeste que ce que ma petite étoile tente de faire briller sous mes paupières.

Mes mains se mettent à trembler. Je les fixe lentement et essaie de bouger mes phalanges pour que les tremblements cessent, mais j'ai l'impression que ça empire. Tout comme le reste de ma vie. Tout part en vrille, si bien que s'il m'arrive encore quelque chose, je sens que je vais réellement chuter. Plus que je ne le suis déjà.

NOUS Au-delà des enviesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant