Au cœur des confessions

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Chrystal

Vendredi 23 Novembre 2018.

Lille (France), dans le studio étudiant de Chrys.

J'empile plusieurs vêtements dans ma valise et me gratte le haut de mon crâne en réfléchissant à ce que je pourrais encore prendre. Mon départ est soudain, je n'avais pas prévu de me rendre à Loos-en-Gohelle ce week-end, c'est si inopiné comme décision que j'ai cette sensation d'oublier quelque chose, comme ce creux que j'ai dans la poitrine depuis plus de dix jours.

Je secoue la tête et souffle un bon coup : je dois l'oublier.

J'ai fait le bon choix, même si ça me tue de ne plus voir Raffael. Ça m'a fait tellement de mal de l'avoir vu détaler comme s'il avait le feu aux fesses, comme si j'étais le mal incarné ou une terrible personne qu'il devait fuir pour ne pas en être lui-même blessé. Un sentiment de trahison a effleuré mon cœur tandis qu'il refermait la porte derrière lui, sans m'adresser le moindre regard alors que je le suppliais de se retourner. Il m'a planté un couteau dans le dos, m'a éjecté entièrement de sa vie puisque finalement, il ne pouvait plus se contenter de mon amitié, même alors qu'il semblait curieusement soulagé que je veuille toujours être son amie.

Mais aujourd'hui...après que son attitude ait viré de cent quatre-vingts degrés, je ne sais plus si j'aurais la force de le rester, après toute cette douleur qui s'est répandue à l'intérieur de mon cœur. Et je lui en veux terriblement de m'avoir lâché, alors que moi : j'étais prête à ne jamais l'abandonner...

Plus je songe à cet instant particulièrement douloureux, plus je me conforte dans ma décision : j'ai bien fait de mettre un terme à tout ce déluge, et je ne le regrette pas. Je ne l'aurais pas supporté si j'avais développé davantage de sentiments à son égard, et ça me soulage dans un sens. Parfois, je n'arrive pas à croire comment j'ai pu m'attacher à lui, à cet homme si perdu dans son existence, si lent dans sa façon de réagir, et tellement apeuré par ces changements qui peuvent bouleverser son existence.

On n'est pas faits pour être ensemble. C'est un lâche, je suis une fonceuse. Il reste toujours indécis, je n'hésite jamais. Il met du temps à répercuter et je ne suis pas quelqu'un de patient. Nous sommes trop bien différents pour former un tout, alors je dois passer à autre chose pour mon propre bien.

Je fouille une dernière fois dans mon placard à la recherche d'un élément caché. Je sors une pochette pour fourrer mon nez à l'intérieur, je le remue dans tous les sens dans l'espoir qu'une carte ne serait pas dissimulée, mais non, rien à part cet horrible sensation d'avoir négligé un détail, ou alors est-ce seulement dans ma tête. Quoiqu'il en soit, je reste bloquée plusieurs minutes devant mon armoire jusqu'à ce qu'on toque à la porte de mon studio.

Ça doit être Nael.

- J'arrive ! m'écrié-je à son attention.

Je me décolle de mon emplacement et me dirige dans le couloir. A peine je lui ouvre, il entre presque en trombe et me serre dans ses bras. Son geste me fait rouler des yeux, je ne sais pas ce qui lui prend en ce moment, c'est la deuxième fois qu'il me surprend comme ça.

- Hé, ça va, Nael ?

- Maintenant oui, ça va mieux, me souffle-t-il contre mon oreille.

Il plonge une main dans mes cheveux et dépose un baiser sur ma tempe. Je me crispe légèrement, peu habituée par ses marques d'affection. Quelque chose ne va pas, c'est peut-être pour cette raison qu'il s'est lui-même proposé de venir me chercher à la place de papa et de Medhi. Je profite tout de même de cette étreinte après ces jours de dur labeur. Un sentiment profond de sérénité prend place dans ma poitrine, je respire un instant son odeur habituelle, un mélange d'une fine transpiration et de son parfum au romarin, et enfouis ma tête contre son torse chaud. Ça fait du bien, tellement de bien d'être auprès de mon grand-frère, le plus calme qui plus est.

NOUS Au-delà des enviesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant