NOUS Au-delà des envies

Ailleurs (1)

Raffael

Samedi 22 Décembre 2018.

San Francisco (Californie), à l'aéroport.

J'ai le moral dans les chaussettes. Et les oreilles bouchées aussi. Mon trajet s'est bien déroulé dans l'ensemble, malgré le retard que nous avons eu depuis mon réveil, seulement, j'ai l'impression d'être complètement à l'ouest depuis que nous avons embarqué.

Treize heures de vol, dont un petit arrêt un arrêt à New York, mais en dépit de tout ça, de ma sœur qui me cassait les oreilles parce qu'on avait failli rater notre premier avion, j'ai eu le sentiment d'avoir passé en revu toute l'histoire que j'ai eue avec Chrystal.

Du début jusqu'à aujourd'hui.

Trois mois ont passé depuis ce fameux soir où je l'ai rencontrée, je crois que depuis ce jour, elle n'a jamais réellement quitté mon esprit. Certes, pas pour les mêmes raisons qu'actuellement, mais d'une façon ou d'une autre et ce depuis le départ, Chrys m'a profondément marqué, gommant presque toute trace de mon passé. Elle m'a envoûté dès les premières secondes avec son regard sombre, elle m'a hypnotisé grâce à son corps de déesse, puis elle m'a totalement séduit avec sa personnalité de guerrière. A présent, je suis fou d'elle et éperdument amoureux de tout ce qui la représente, au point où encore hier lorsque je l'ai quitté, j'ai fondu en larmes.

Parce que je me suis senti affreusement seul sans elle. Et incomplet surtout.

J'ai cru mourir quand qu'elle me regardait m'éloigner, d'autant plus que je n'ai pas réussi à lui dire à quel point elle est tout pour moi. Et pour la première fois de ma vie, j'ai senti mon cœur hurler sa peine dans ma poitrine, alors même que je savais que j'allais la retrouver. Il ne s'est pas brisé, non, il s'est atrocement perdu dans les méandres de mes sentiments. Tristesse, colère. Douleur, crainte. Abattement, relâchement. Et un si grand vide, qui me prouve une fois de plus je ne suis rien sans elle. Sans nous tout simplement.

Et c'est sûrement pour cette raison que je me suis levé à la bourre ce matin, parce qu'avec toutes ces émotions, j'ai eu un mal fou à trouver le sommeil. Et puis, je dois l'avouer aussi : la simple idée de retrouver mon père et sa famille si parfaite était loin de me réjouir.

Et c'est toujours le cas à l'heure actuelle alors qu'on récupère nos bagages.

Je grince des dents quand ma valise me déboîte pratiquement l'épaule, j'attends qu'Helena me rejoigne après avoir pris toutes ses affaires pour qu'on gagne enfin le hall. Je fais rouler ma malle en cherchant des yeux mon père, vérifiant à chaque fois si ma sœur reste toujours à mes côtés. On croise plusieurs personnes dans notre route, certains individus lèvent des pancartes avec un nom écrit dessus, mais je suis trop claqué pour repérer un quelconque visage familier.

Je me frotte les paupières en poussant un râle. Je suis censé dormir à cette heure-ci et voir qu'il fait encore jour par ici a le don de me dérégler irrémédiablement, au point d'amplifier ce mal de crâne qui pointaient déjà le bout de son nez, tout comme mes oreilles toujours aussi bouchées. La définition même du jet lag après avoir pris l'avion, en somme.

Et malheureusement pour moi, j'ai eu le mal de l'air tout à l'heure, surtout lors du second décollage, ce qui fait que je n'ai pratiquement pas touché à mon repas durant le vol. Et malgré ça, je n'ai toujours pas d'appétit. J'ai juste envie de me coucher dans un lit confortable et fermer les yeux. Rien d'autre. A part peut-être retrouver mon doudou qui se nomme Chrystal, mais elle se trouve à plus de huit mille kilomètres de moi, à présent.

Mon moral en retombe encore plus, frôlant de très près cette couche de terre bien ensevelie sous mes pieds.

Elle me manque déjà. Je ne sais pas ce que ce que vont être les prochains jours, mais ça me fait peur de ne pas savoir gérer cette atroce distance entre elle et moi.