NOUS Au-delà des envies

Le grand départ (1)

Chrystal

Vendredi 21 Décembre 2018.

Loos-en-Gohelle (France), à la maison.

Le désespoir. Je ne l'ai jamais autant ressenti que cette semaine. Je n'ai rien perçu d'aussi dévastateur que cette désillusion qui m'a fait dégringoler de plusieurs étages. Et ce, à de multiples reprises. Dire que ça m'a fait mal n'est qu'un horrible mensonge, ça m'a totalement tuée. Détruite. C'était si intensément insupportable que je ne suis pas certaine qu'un mot, un seul, pourrait véritablement définir ce sentiment qui me domine.

Et ce que je suis aussi, à l'heure actuelle.

Seulement voilà, après des jours enfermée dans ma chambre de jeune fille, je dois affronter le monde pour montrer que tout va bien. Alors que non, rien ne va. Plus rien du tout. A tel point que je me demande comment j'arrive à tenir debout, malgré tout ce poids qui s'est déchainé sur moi. J'ai gardé la tête haute si longtemps que j'en ai mal au cou, j'ai géré de si nombreuses choses ces derniers jours que je sens cette lourdeur sur mes épaules. La responsabilité est presque une fatalité, elle m'a ruée de coups dès l'instant où j'ai su qu'elle était partie pour de bon. Et elle continue, encore et encore, à démolir chaque parcelle de mon être, jusqu'à éteindre la dernière flamme qui crépitait toujours en moi.

Et depuis lundi, je ne vis plus qu'au travers de cette part de moi. La chaleur s'en est allée, laissant place à ce froid qui m'était absolument étranger. Je bouge, je mange, je console mes frères et mon père, puis je m'isole pour pleurer. Parce qu'on m'a retiré cette force pour laquelle je me battais, corps et âme. Parce que le destin s'est foutu de moi en me prenant la seule et unique personne qui comptait énormément à mes yeux. Cette femme si déterminée et obstinée, qui même jusqu'au bout de son existence, ne se permettait pas de montrer toute sa souffrance.

Maman...

Elle me manque.

Son sourire, sa voix, sa chaleur, son odeur me manquent. Sa vie tout entière me manque. Et son âme, oh oui, sa si belle âme me manque encore plus.

Mais elle s'en est allée. Loin de moi, loin de nous, loin de tous.

Et mon cœur se déchire inlassablement lorsque je constate une fois de plus qu'elle ne pourra plus jamais me revenir. Toutes ces choses auxquelles je m'étais attachée, à elle comme ses habitudes et sa forte prestance, ne sont plus qu'un lointain souvenir. Et ça me bousille complètement lorsque je me rends compte que mon existence sera désormais loin de la sienne. Que jamais plus je ne pourrais compter sur ses conseils pour mener à bien ma vie de jeune adulte.

Jamais, oh oui, jamais...

Dix-huit ans, tout juste majeure, et déjà orpheline et brisée.

Comment vais-je pouvoir continuer sans celle qui a fait de moi la femme que je suis devenue ? Sans celle qui m'a tout simplement mise au monde et aimée jusqu'à ne plus avoir de souffle ?

Sans celle qui m'a soutenue dans ma passion après avoir compris à quel point elle comptait pour moi ?

Comment ?

Comment... maman ?

- Tu es prête, petite-sœur ?

Je sursaute devant le miroir de la salle de bain. Je croise rapidement mon reflet, et aussi mes yeux rouges et bombés. Je ne suis pas parvenue à camoufler la moindre trace de sanglots sur ma figure en dépit de toute cette couche de maquillage, mon visage reste gonflé comme ce matin et incroyablement cerné. Je suis affreuse, mais je me sens vide, si vide ! Je voudrais que tout redevienne comme avant, que maman me serre à nouveau dans ses bras, que sa chaleur qui me manque terriblement me réchauffe un tant soit peu. Hélas, je ne peux plus revenir en arrière. C'en est malheureusement impossible.